STÉPHANE COLOMBEL
DIRIGEANT DE L’HESIP
Au mois de février dernier, Stéphane Colombel, directeur de l’HESIP, l’École supérieure d’informatique de La Réunion, est élu président de l’association Digital Réunion, succédant à Philippe Arnaud. Ce dernier a décidé de centrer sa mandature de deux ans sur la “structuration de la filière numérique locale”. Le Mémento l’a rencontré dans ses locaux pour parler de son sujet favori, les nouvelles technologies.
Le Mémento : Bonjour Stéphane Colombel. Pourriez-vous vous présenter et présenter l’HESIP, l’école Supérieure d’informatique de La Réunion ?
Stéphane Colombel: J’ai d’abord fait une longue carrière dans la formation professionnelle, notamment en bureautique et informatique. Ensuite, j’étais directeur d’Axiom, l’acteur principal de la formation sur l’île durant quinze ans, et c’est en étant à ce poste que j’ai eu l’envie de concevoir l’HESIP. L’école venait répondre à un besoin particulier de formation supérieure en digital à La Réunion ; des besoins sans cesse croissants et spécifiques. On a donc créé un cursus bac +3/5 en parcours généraliste (c’est-à-dire développement, administration système, sécurité, technologies du web, etc.) en informatique. Il s’agit de diplômes reconnus par l’État et d’une formation en alternance.
J’ai également un cursus en sciences de l’éducation, qui me prédisposait à l’enseignement si je puis dire, et a aidé l’école quand il a fallu obtenir les certifications. Enfin, je pense être un bon spécialiste, un “connaisseur” plutôt, des dispositifs de formation, qu’elle soit initiale ou continue.
Le Mémento : Le 11 février dernier, vous êtes nommé à la tête de Digital Réunion, et avez ainsi succédé à
Philippe Arnaud. Quelle sera votre principale mission, votre objectif pour cette présidence ?
S. C.: Pour la précision, j’étais déjà président par délégation depuis le 1er janvier 2020. Suite au départ de Philippe Arnaud, j’ai repris le poste de président, et j’étais auparavant secrétaire général de l’association. Lors de l’Assemblée générale de février, l’élection a permis d’officialiser cet état et de présenter plus en détail mon programme pour cette présidence : “structurer la filière”.
Pour ce poste, cette responsabilité, il faut aussi plusieurs choses : entendre et porter les besoins de la filière, répondre aux attentes des adhérents que l’on représente et porter une vision qui anticipe l’évolution économique et sociétale, et qui soit en cohérence avec l’écosystème local, national, et celui de la zone Océan Indien. Ces trois éléments amènent à une stratégie : celle de structurer la filière via le PIA 3. Un projet sur trois ans, présenté au président de la République, en 2019, et dont j’étais le rédacteur.
Le Mémento : Qu’entendez-vous par structuration de la filière ? Pour vous, le digital et ses acteurs sont trop épars ? Il n’y a pas de cohérence ?
S. C. : Alors, il y a plusieurs choses. La première, c’est que la structuration de la filière se fera avec la mise en place d’un observatoire des métiers qui permettra une gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences. L’objectif étant de connaître les entreprises, leurs activités et surtout leurs besoins en compétences et ainsi aider les écoles et les formations locales à adapter leurs cursus à ces nécessités, que l’on aura su anticiper grâce à cette prospection.
Le numérique est un domaine très technique avec une forte plus-value et il est important de développer les compétences en local. Digital Réunion a donc lancé une étude qui devrait se poursuivre tout un trimestre, qualitative et quantitative concernant les entreprises, les compétences, les métiers et la formation.
Le numérique étant une technologie à forte obsolescence, il s’agit de savoir anticiper, parce que les métiers aujourd’hui ne seront plus les mêmes dans dix ans, comme ils n’étaient pas les mêmes il y a dix ans. Cela permettra d’apporter aux entreprises du développement d’activité, de la sécurité dans l’activité et aussi de développer l’emploi sur le territoire.
Enfin, il faut également faire en sorte que l’innovation soit soutenue grâce au crédit d’impôt recherche et autres, et permettre d’accentuer les relations entre les entreprises les laboratoires et les universités ; amener l’écosystème à mieux se connaître et se côtoyer. C’est
un programme ambitieux, mais il y a déjà de nombreuses choses mises en place (comme le business forum NxSE, par exemple et Startup Trail). On coordonne les actions existantes et on en met en place de nouvelles.
Le Mémento : Pensez-vous que l’offre en formation digitale et numérique soit suffisante à La Réunion ?
S. C. : Je pense qu’elle est suffisante, mais que les efforts en ce sens doivent se poursuivre, en travaillant sur deux axes : comment attirer et retenir les jeunes talents sur le territoire local et diversifier l’offre de formation. Les jeunes partent souvent en Métropole après le bac et ont du mal à rentrer tant l’offre est pléthorique ailleurs, il faut donc les convaincre de rester, de se former ici, mais aussi de revenir afin de mettre leurs compétences au profit de l’île. Dans un second temps, les formations doivent pouvoir anticiper les besoins de demain, et c’est sur ces cursus qu’il faudra aussi attirer les futurs talents.
Enfin, j’estime également qu’il y a un véritable travail à réaliser sur la formation continue des salariés déjà en poste en entreprises. Il convient de leur apporter la formation nécessaire et adéquate pour qu’ils puissent suivre technologiquement, et devenir ainsi plus productifs tout en augmentant leurs compétences.
Le Mémento : On a vu pendant la crise de la Covid-19 et le confinement l’importance du digital en entreprise. Pensez-vous que les entreprises locales en ont tiré un enseignement ?
S. C. : Je ne vais pas répondre à cette question de cette façon. Au-delà de l’enseignement, ce qui compte, à mon sens, c’est ce que ces entreprises ont fait, comment elles ont répondu à la crise. Beaucoup d’entre elles ont dû se réinventer, et si dans le numérique 90% des salariés se sont retrouvés en télétravail sans aucun problème, ailleurs ce n’était pas le cas. Il a fallu s’adapter et découvrir de nouveaux outils de communication, de mise en réseau, etc.
On peut souligner également le travail des opérateurs qui ont permis à l’infrastructure et aux réseaux de supporter cette situation inédite, Digital Réunion qui a aidé à l’organisation du télétravail et du management à distance via des lettres d’informations et des webinaires, la Région Réunion qui a engagé 3 millions d’euros pour le chèque numérique alors que le budget annuel alloué est de 200.000 euros : tout cela, c’est une réactivité primordiale et remarquable. Alors, oui la crise de la Covid-19 a montré l’importance du digital en entreprise, qu’il est indispensable pour le fonctionnement des sociétés modernes, et que cela permet surtout de sécuriser l’activité des TPE et PME en cas de crise, et au-delà de la crise, de répartir les risques dans le cadre d’une activité normale. L’enseignement à en tirer est que la crise aura impulsé la transformation digitale, il aura fallu deux mois pour mettre en place ce qui aurait été fait en dix ans.
Le Mémento : Pourriez-vous nous parler du prochain business forum NxSE ? Quels en seront le thème principal et sa particularité ?
S. C. : NxSE se transforme en un événement 100% en ligne. Il s’agit de la cinquième édition et il aura lieu les 28, 29 et 30 octobre prochains, et le thème en sera “Le digital qui nous rassemble” avec des salons stands, des conférences, des tables rondes, etc. Le digital aujourd’hui gomme les frontières et permet d’avoir des intervenants de qualité et de renom, chose plus difficile à négocier en présentiel, c’est donc aussi une aubaine. Et enfin, il y aura une forte participation de French Tech Africa, des écosystèmes de la zone, et des autres DOM-TOM.
Pour inciter Busiris à interpréter les manquements aux règles internationales par la flotte grecque et les présenter comme des hommages rendus aux Troyens, Giraudoux fait dire à Hector, dans la Guerre de Troie n’aura pas lieu, que “le droit est la plus puissante école de l’imagination” et que “jamais juriste n’a interprété la nature aussi librement qu’un poète la réalité”.
La crise du Covid-19 a révélé ces qualités d’imagination, comme en témoigne un arrêt récemment rendu par la Cour d’appel de Saint-Denis (CA Saint-Denis, 7 mai 2020, n°20/00645).
Un centre équestre avait loué un box au propriétaire d’un cheval. Du fait de la crise, il avait été contraint de respecter les normes sanitaires en vigueur et d’interdire l’accès des équipements au public. Le propriétaire, désireux de s’adonner à son loisir, exigeait cependant d’avoir accès à son cheval afin de pouvoir le monter deux heures par jour et lui prodiguer des soins. Parmi ses prétentions, il faisait valoir que la survenance de la crise avait eu pour effet de métamorphoser la nature du contrat qu’avaient conclu les parties : initialement simple location de box, le contrat était selon lui devenu contrat de dépôt.
L’enjeu de la qualification est important puisque les obligations auxquelles donnent naissance les deux contrats ne sont pas les mêmes : s’il s’agit d’un simple contrat de location, le loueur n’a que l’obligation de mettre un box à disposition du locataire, mais il n’a pas à nourrir le cheval, à l’entretenir, ou à lui faire faire de l’exercice ; s’il s’agit au contraire d’un dépôt, le dépositaire doit prendre soin de la chose déposée. En l’espèce, le propriétaire du cheval plaidait justement que le club équestre, devenu dépositaire, manquait à son obligation de soin.
Il peut paraître étonnant qu’un contrat puisse, en cours d’exécution, changer de nature et de régime : une telle métamorphose aboutit nécessairement à faire peser sur les contractants des obligations qu’ils n’avaient pas voulues... Cela revient à méconnaître le fait qu’on ne peut être obligé que si on l’a voulu !
Mais l’article 1949 du Code civil, texte un peu tombé dans l’oubli, dispose que “le dépôt nécessaire est celui qui a été forcé par quelque accident, tel un incendie, une ruine, un pillage, un naufrage ou autre évènement imprévu”. La survenance du Covid, évènement imprévu s’il en est, aurait donc pu donner naissance à un dépôt nécessaire.
Le juge des référés qui avait été saisi ne répondra pas à cette intéressante question car elle excédait ses pouvoirs et relevait en réalité du juge du fond. Il notera cependant que le club prenait soin des chevaux, de sorte que le péril imminent invoqué par le propriétaire n’était pas démontré.
Quand l’imagination débridée du juriste se brise sur les règles du Code de procédure civile…