Vente en viager, l es questions à se poser
EN PROGRESSION DE 5 % PAR AN, LA FORMULE SÉDUIT DE PLUS EN PLUS LES PROPRIÉTAIRES ÂGÉS, QUI Y TROUVENT LE MOYEN DE MAINTENIR UN NIVEAU DE VIE SUFFISANT TOUT EN CONTINUANT À PROFITER DE LEUR LOGEMENT.
Lentement mais sûrement, les mentalités changent. Avec 4 500 transactions par an, soit 0,5 % du marché global de l’immobilier, le viager reste une niche… mais une niche dynamique, qui croît de 4 à 5 % par an d’après les professionnels du secteur. Les propriétaires âgés qui recherchent un complément de revenu figurent au premier rang des vendeurs en viager. L’argent obtenu améliore leur budget quotidien ou aide à couvrir l’aménagement du logement ou l’emploi de personnel à domicile. Élisa, 71 ans, habitant dans les Yvelines, y a trouvé une façon de se rassurer : « Les retraites n’augmentent pas, les fins de mois sont difficiles, et je craignais les futurs travaux dans la copropriété. Désormais, c’est à l’acheteur de les assumer, de même que la taxe foncière. Je me sens comme
une locataire, mais en sécurité. » Le viager peut aussi compenser une perte de revenus après le décès de son conjoint. Même avec une petite retraite, il permet de continuer à vivre chez soi tout en subvenant à ses besoins. Tiziana Chrétien-bosch, notaire à Cuers (83), tempère néanmoins l’ardeur des plus optimistes : « Je déconseille régulièrement le viager à certains clients dont le logement n’est pas adapté au grand âge, comme une maison trop grande, un jardin difficile à entretenir, etc. Dans certaines
situations, il est préférable de louer un bien plus petit en centre-ville, proche de toutes les commodités, ou de s’installer dans une résidence pour seniors. » Contrairement aux idées reçues, ce type de vente peut également correspondre aux attentes de propriétaires qui
ont des enfants. « Certes, en vendant, les parents réduisent leur héritage, mais le viager assure leur autonomie financière, souligne Rémi
Vibrac, notaire à Riez (04). Ils n’auront pas à solliciter l’aide de leurs proches. Il est d’ailleurs possible de préserver l’intérêt des enfants en leur consentant une donation du bouquet, ce capital initial reçu lors de la vente. » Pour éviter toute discorde, une discussion préalable s’impose néanmoins. « Le fait que mon fils unique me dise qu’il ne souhaite pas hériter de mon logement m’a beaucoup aidée dans ma prise de décision », confie Élisa.
COMMENT ÇA MARCHE ?
Le vendeur cède son appartement ou sa maison à un acheteur qui en devient immédiatement propriétaire. Le plus souvent, ce dernier s’engage à verser une somme au comptant, appelée « bouquet », et une rente mensuelle indexée sur l’évolution des prix, jusqu’au décès du vendeur. Celui-ci, devenu « crédirentier », continue d’habiter le logement à vie, seul ou en couple. On parle alors de viager « occupé ». Le nouveau propriétaire, le « débirentier », prendra possession du logement au décès du crédirentier, date à laquelle il cessera de payer la rente.
QUI SOLLICITER POUR PRÉPARER LA VENTE ?
L’aide du notaire est incontournable pour évaluer l’opportunité de vendre en viager. Consultez-le au plus tôt. « Évitez de signer le compromis en agence, conseille Tiziana
Chrétien-bosch. Cette vente étant particulièrement complexe, recourir aux services du notaire est un gage de sécurité. » Votre second interlocuteur doit être une agence spécialisée dans les transactions en viager. Bien que facultative, son intervention se révèle essentielle pour estimer le bien,
fixer le montant de la rente en fonction du bouquet et être mis en relation avec des acquéreurs sérieux.
COMMENT FIXER LE BOUQUET ET LA RENTE ?
Vous déterminez le montant du bouquet en fonction de vos besoins. Viviane, par exemple, a
préféré ne pas en demander : «Je craignais de le dépenser trop vite. J’ai donc choisi de convertir l’intégralité du prix de vente en rente
viagère. » À l’inverse, vous pouvez opter pour un bouquet conséquent, mais cette solution intéresse peu les acheteurs qui préfèrent éviter d’immobiliser un capital important. La fixation du bouquet est déterminante dans le montant de la rente. Le calcul s’effectue de la manière suivante : à partir de l’estimation de la valeur du bien libre au jour de la signature, vous appliquez une décote liée au droit d’usage et d’habitation. Selon l’étude Lodel, spécialisée dans le viager à Paris, elle est de l’ordre de
45 % pour une femme âgée de 75 ans. Une fois le montant du bouquet fixé entre les parties, le reliquat est converti en rente viagère dont le montant dépend de l’espérance de vie du crédirentier, d’une éventuelle clause de réversibilité si le bien est vendu par un couple – au décès de l’un, l’intégralité de la rente est due au survivant –, de la valeur locative du bien, etc. Les professionnels utilisent des outils spécifiques qui intègrent des tables de mortalité. Le montant de la rente ainsi obtenu ne constitue toutefois qu’une base à affiner en fonction de la situation du bien et de la négociation avec l’acheteur.
COMMENT TROUVER UN ACQUÉREUR SÉRIEUX ?
L’acheteur d’un bien en viager est le plus souvent un investisseur. Quatre à six mois suffisent généralement dans les grandes villes
pour trouver acquéreur. « Les deux grands pôles du viager se situent en région parisienne et sur la Côte d’azur, affirme Hervé Odent, président de l’étude Lodel. Deux zones qui associent une grande proportion de personnes âgées et la présence de nombreux
investisseurs. » Ailleurs, il sera plus difficile et plus long de trouver preneur. Sans compter que la négociation s’effectuera plutôt en défaveur du vendeur (l’offre étant supérieure à la demande). Pour autant, soyez vigilant et
n’optez pas nécessairement pour le premier acquéreur intéressé. « Mieux vaut éviter les “personnes morales”, c’est-à-dire les sociétés car, en cas de faillite, le liquidateur pourra bloquer la clause résolutoire qui permet de casser la vente lorsque le débirentier ne paie
plus », avertit l’expert.
Quelques institutionnels (banques, assureurs…) commencent à s’intéresser au viager. Fin 2014, neuf d’entre eux, dont la Caisse des dépôts et consignations, ont lancé le fonds Certivia destiné à l’achat et à la gestion de biens en viager. Ici, pas de crainte d’impayés, mais des transactions qui peuvent être légèrement inférieures au prix du marché.
LA VENTE EN VIAGER À UN PROCHE EST-ELLE AUTORISÉE ?
« Si l’opération est possible, elle n’en est pas
moins sensible », souligne Hervé Odent. La loi considère en effet la cession entre un parent et un enfant comme une donation déguisée, c’est-à-dire un moyen détourné de recevoir le bien gratuitement et sans fiscalité, si l’enfant ne verse pas vraiment la rente. Il faut donc prendre quelques précautions, notamment conserver des preuves de paiement du bouquet et des rentes. Sur ce point, les conseils du notaire se révèlent précieux.
QUELLE GARANTIE D’ÊTRE PAYÉ À VIE ?
La règle est simple. Le débirentier doit s’acquitter du paiement de la rente jusqu’au décès du vendeur. Si le premier décède avant, ses héritiers seront tenus de prendre le relais. Plusieurs garanties sont mises en place pour sécuriser l’opération. Un privilège de vendeur et une hypothèque de premier rang sont pris par le notaire : si le débirentier cesse les versements, vous pourrez saisir et faire vendre le bien. Mieux encore, le notaire inclut une clause résolutoire permettant de redevenir propriétaire du bien en cas de non-paiement. Les sommes reçues jusqu’alors pourront vous être acquises à titre d’indemnités.
« Juridiquement, le crédirentier est très bien
protégé, rappelle Me Chrétien-bosch. Mais gardez à l’esprit qu’en cas d’impayés, une procédure judiciaire s’imposera. Ce peut être long et éprouvant quand on est âgé. »