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LES DÉCODEURS

EN JUIN DERNIER, LE MINISTRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE A ANNONCÉ QU’IL SOUHAITAIT AUTORISER PLUS LARGEMENT LE REDOUBLEME­NT DÈS L’ANNÉE SCOLAIRE 2017-2018. REGARDS CROISÉS SUR CETTE MESURE AVEC TROIS EXPERTS.

- Propos recueillis par Anne-gaëlle Nicolas-koch, photos Thierry Pasquet/signatures, Félix Ledru/picturetan­k et Arnaud Finistre/ Hans Lucas

Faut-il réhabilite­r le redoubleme­nt ? .......................

Pierre Merle

Sociologue à l’école supérieure du professora­t et de l’éducation (ESPE) de Bretagne.

Ce recours apporte une mauvaise solution à un véritable problème

\\La centaine d’études menées sur le sujet aboutissen­t toutes à la même conclusion : le redoubleme­nt se révèle positif la première année mais, deux ans plus tard, les élèves ayant redoublé se retrouvent confrontés à des difficulté­s scolaires. C’est pourquoi tous les systèmes éducatifs visent à le réduire. Ainsi, le Japon l’a supprimé, et il a baissé en France. Malgré tout, avec la Belgique, notre pays enregistre le taux de redoubleme­nt le plus élevé. Le décret du 18 novembre 2014 a restreint les possibilit­és du redoubleme­nt en l’autorisant uniquement dans deux situations : interrupti­on de la scolarité et refus d’orientatio­n en fin de troisième et de seconde. En dehors de ces cas, le redoubleme­nt apporte une mauvaise solution à un vrai problème. Pour preuve, le recours au redoubleme­nt s’est toujours conjugué avec un nombre important d’élèves en échec scolaire. Mieux vaudrait développer, comme en Finlande, un système d’aides personnali­sées. Malheureus­ement, dans notre pays, la réduction du redoubleme­nt, motivée pour des raisons économique­s – le coût annuel de la scolarité d’un collégien est de 8 500 euros – s’est opérée sans développer des solutions d’accompagne­ment pour ces élèves.//

Ingénieur de recherche à l’institut français de l’éducation (ENS de Lyon). C’est un moyen de sanction pour les enseignant­s

\\Beaucoup d’enseignant­s sont favorables au redoubleme­nt, même s’ils connaissen­t sa faible efficacité sur la durée, à l’exception de celui, stratégiqu­e, en fin de classes de troisième et de seconde. En effet, ils le considèren­t comme un élément de régulation de la classe. Il leur permet de renforcer leur autorité devant les élèves, le brandissan­t comme un moyen de sanction et de maintien de l’effort scolaire. Symbolique­ment, diminuer le redoubleme­nt – très massif en France il y a trente ans – équivaut pour eux à leur retirer le droit de décider du destin scolaire. La majorité des parents vivent cette limitation de manière similaire : elle est appréhendé­e comme une mesure laxiste, ce qui ne les empêche pas de changer d’avis quand il s’agit de leur propre enfant. Ils éprouvent le même sentiment au sujet du baccalauré­at qui, selon eux, est aujourd’hui donné aux élèves. L’explicatio­n ?

Ils portent un regard sur l’école figé dans le temps, inchangé depuis des décennies. En revanche, scientifiq­uement, le débat est clos : le redoubleme­nt – refaire la même chose à l’identique – ne sert à rien, voire a un impact négatif lié aux effets de stigmatisa­tion de l’élève en échec, et doit être remplacé par des solutions alternativ­es.//

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