Moteurs de recherche : les meilleures alternatives à Google
SE PASSER DU GÉANT AMÉRICAIN QUI VOUS SUIT À LA TRACE SUR INTERNET, C’EST POSSIBLE GRÂCE À CES SOLUTIONS QUI RESPECTENT LA VIE PRIVÉE.
QUE SAIT GOOGLE DE SES UTILISATEURS ?
En se connectant sur la page « Mon activité » de Google (myactivity.google.com), Salomé a eu un choc : « L’historique de mes recherches par mots-clés sur Internet, des sites et applications mobiles que j’ai consultés, des vidéos regardées, des endroits que j’ai fréquentés... tout y était minutieusement consigné, jour après jour, sur des années ! » Cette utilisatrice du moteur de recherche Google, sur ordinateur et smartphone, s’est brutalement rendu compte que sa vie n’avait quasiment aucun secret pour l’une des multinationales parmi les plus puissantes au monde. Sa richesse, la firme américaine la tire principalement de la publicité en ligne. Une activité basée sur les données personnelles de ses utilisateurs : plus Google en sait sur les internautes, plus la publicité qu’il vend aux entreprises est ciblée, et donc chèrement facturée. « Je comprends mieux pourquoi ma participation à un forum de voyageurs pour préparer mes vacances m’a valu l’affichage de bannières publicitaires ou de liens sponsorisés de voyagistes pendant les jours suivants », raconte Salomé. Cette personnalisation s’applique aussi aux résultats de recherche, déterminés selon votre profil. « Nous prenons en considération le “comportement” (à quel site vous accédez généralement pour un thème particulier) et les “préférences” (quels thèmes suscitent votre intérêt). Notre objectif est de vous fournir le plus rapidement possible les réponses que vous attendez », se justifie le géant américain(1).
COMMENT SONT COLLECTÉES CES INFORMATIONS PERSONNELLES ?
Sexe, âge, situation familiale, goûts, lieux de vie, de travail, magasins fréquentés ou envies d’achats... ces informations très précises sont récoltées à plusieurs occasions : lors de vos recherches par mots-clés dans son moteur sur ordinateur ou sur un mobile utilisant Android, le système d’exploitation qui appartient aussi à Google (73 % des smartphones achetés en France(2)) ; par les cookies, ces mouchards numériques qui s’installent sur vos appareils lorsque vous visitez un site et qui enregistrent vos préférences si vous donnez votre consentement ; et, enfin, lors de l’utilisation des services de Google. Ces derniers, entièrement gratuits, se comptent par dizaines : le navigateur Internet Chrome installé sur 48 % des ordinateurs en France(3), la messagerie Gmail, les outils de géolocalisation Google Maps, de partage de photos Picasa ou de vidéos en ligne Youtube, etc. Mais ce qui
est gratuit a un prix : celui de vos informations personnelles, bien qu’il soit possible d’en limiter la collecte (voir encadré ci-contre).
QUE RISQUE-T-ON À ABANDONNER SES DONNÉES AUX MOTEURS DE RECHERCHE ?
N’avoir aucun secret pour les géants de l’internet peut d’abord conduire à se satisfaire d’un champ de résultats restreint n’incitant pas à exercer sa curiosité plus loin (plus de 90 % des clics se font sur la première page), mais aussi à réaliser de mauvaises affaires : le prix des nuits d’hôtel, des billets de train ou d’avion ont tendance à augmenter lors de recherches successives. Leur traçage vous expose aussi aux fameuses publicités ciblées, omniprésentes en haut des résultats de recherche. « Mais le droit vous protège, et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) veille sur la protection de vos données », précise Guillaume Sire, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris II et auteur du livre Les moteurs
de recherche (La Découverte, 2016). Pour lui, il faut relativiser : « Si vous n’avez pas de compte Gmail, Google connaît finalement peu de choses à votre sujet : vos recherches et votre adresse IP. Il reste que la personnalisation des résultats par Google peut conduire à un enfermement dans un monde qui vous ressemble. Internet serait plus un outil de confirmation que d’information.»
QUELS SONT LES MOTEURS ALTERNATIFS À GOOGLE ?
Difficile d’exister face au géant Google, lancé en 1998 et massivement adopté grâce à la pertinence de ses résultats et à sa rapidité. Il concentre plus de 90 % des parts de marché des moteurs en France(3), loin devant ses deux principaux concurrents Bing (4,07 %) et Yahoo (2,15 %). Face à ces trois grands dont le business s’appuie sur l’exploitation des données des utilisateurs, des initiatives plus respectueuses de la vie privée sont apparues. La plus solide ? Celle de Qwant, le moteur européen né en France. Celui-ci possède son propre index (16 milliards de pages web pour l’instant) et défend votre vie privée bec et ongles. « Qwant ne conserve aucune de vos données sur ses serveurs et ne vous traque
», garantit Éric Léandri, son fondateur et PDG. De plus, les serveurs de Qwant sont basés en Europe, où la législation est plus protectrice de la vie privée qu’aux États-unis. Xaphir, basé à Épinal et lancé en juin dernier, vient de lui emboîter le pas (voir tableau).
À leurs côtés, plusieurs métamoteurs – qui agrègent les résultats de plusieurs moteurs et jouent le rôle d’intermédiaire entre vous et les géants du Web – mettent en avant la protection des informations personnelles : Duckduckgo, le néerlancais Ixquick, les français Framabee de l’association à but non lucratif Framasoft, Lilo ou Écogine.
QUEL EST LEUR MODÈLE ?
Si Qwant se targue d’afficher des résultats très proches de ceux de Google et qu’écogine et Ixquick s’appuient entièrement sur le géant américain, les autres moteurs peuvent dérouter : sans personnalisation ni critères de hiérarchisation propres, les résultats des recherches manquent parfois de pertinence. Pour y remédier, il faut notamment rédiger des requêtes très précises combinant différents mots-clés ou parcourir plusieurs pages de résultats pour arriver à ses fins, voire utiliser d’autres moteurs. Ce qui ne dépayse pas, en revanche, c’est la présence de liens sponsorisés,
la publicité représentant souvent leur unique source de revenus, sauf pour Framabee, qui compte sur les dons, et Qwant, soutenu par la Banque européenne d’investissement et la Caisse des dépôts.
QUELS AUTRES ATOUTS ONT-ILS ?
L’engagement dans une démarche citoyenne, notamment. Écogine, par exemple, compense les émissions de carbone générées par les recherches en reversant une partie de ses recettes au programme de compensation Co2solidaire qui finance des projets de développement durable. « C’est une réponse
à ceux qui veulent être éthiques dans leur
comportement jusque sur Internet », explique Jean-luc Crabol, président d’écogine.org. L’association reverse par ailleurs 70 % de ses recettes à des associations de protection de la nature et de l’environnement. De son côté, Qwant a noué un accord avec Akuo Energy, producteur indépendant d’énergie renouvelable, pour compenser les émissions de carbone de ses services. Quant à Lilo, chaque recherche sur son moteur est récompensée par des « gouttes d’eau » converties en argent, lequel est reversé à des projets sociaux et environnementaux (à hauteur de 50 % des recettes). Sur le même principe, Écosia transforme les recherches des internautes en arbres plantés au Burkina Faso, à Madagascar et au Pérou. (1) https://sites.google.com/site/webmasterhelpforum/fr/aideau-referencement/personnalisation-des-resultats-de-recherche. (2) Kantar Worldpanel Comtech, de décembre 2016 à février 2017. (3) Statcounter, juin 2017.