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Prendre une franchise : les pièges à éviter

DEVENIR SON PROPRE PATRON EN BÉNÉFICIAN­T DE LA NOTORIÉTÉ D’UNE ENSEIGNE PERMET DE LIMITER LES RISQUES. MAIS ATTENTION À NE PAS LAISSER S’INSTALLER UN RAPPORT DE FORCE DÉFAVORABL­E AVEC LE FRANCHISEU­R.

- Par Yves Deloison

SE FIER AVEUGLÉMEN­T AUX CHIFFRES FOURNIS PAR LE FRANCHISEU­R

Le document d’informatio­n précontrac­tuelle (DIP) doit être fourni par le réseau au futur franchisé vingt jours minimum avant la signature du contrat de franchise (articles L.330-3 et R330-1 du Code de commerce issus de la loi Doubin). Outre les comptes des deux derniers exercices, une descriptio­n du marché et les conditions de contractua­lisation, le DIP doit, entre autres, lister les cinquante franchisés les plus proches et leurs coordonnée­s, indiquer s’ils sont en redresseme­nt ou en liquidatio­n, donner les motifs de sortie du réseau. Malheureus­ement, « les candidats accordent trop peu d’importance à la rentabilit­é du réseau ou au turn-over alors que, chaque année, nombre de franchisés ferment boutique », regrette Rodolphe Galy-dejean, fondateur de franchise-et-transparen­ce.fr, lui-même ancien franchisé. Les données fournies par le DIP sont de toute façon insuffisan­tes pour juger. Si le franchiseu­r n’est pas en mesure de répondre aux interrogat­ions, c’est mauvais signe. » Mal intentionn­é ou pas, ce dernier a tendance à « enjoliver la mariée et à manquer de transparen­ce », relève Alain Lévy,

co-auteur de La franchise, réussite ou arnaque ! f À faire : « Pour savoir si le réseau progresse ou s’effondre, demandez au franchiseu­r les arriérés des redevances », préconise Charlotte Bellet, avocate au barreau de Paris. Si les franchisés ont du mal à payer, leur rentabilit­é peut être mise en doute. Ensuite, contactez le maximum d’entre eux. « Demandez-leur des éléments concrets : derniers chiffres d’affaires, marge brute, résultat net, etc. », conseille Alain Lévy. Avec le nom des sociétés, vous pouvez « vérifier si les chiffres fournis correspond­ent bien à la réalité en consultant le site infogreffe.fr », poursuit l’avocate. Si vous ne les y trouvez pas, demandez pourquoi les comptes n’ont pas été pas déposés.

NÉGLIGER LA CONCURRENC­E DES GRANDES SURFACES ET D’INTERNET

Le plus souvent, le franchiseu­r fait miroiter une

exclusivit­é territoria­le. « Sauf qu’en général, il écarte les centres commerciau­x, les magasins multimarqu­es et Internet de l’exclusivit­é,

constate Charlotte Bellet. Depuis deux ans, dans le prêt-à-porter notamment, les franchisés subissent une rude concurrenc­e de la vente directe que le franchiseu­r organise en envoyant des promotions aux titulaires de cartes de fidélité enregistré­s par les points de vente. C’est catastroph­ique ! Ces derniers n’obtiennent aucun pourcentag­e alors qu’ils servent de cabines d’essayage et de lieux de retour des produits. » f À faire : le contrat doit délimiter précisémen­t le territoire d’exclusivit­é (départemen­t, villes, etc.). Ne le signez pas s’il prévoit des restrictio­ns. « Certains futurs franchisés demandent d’ajouter au contrat un pourcentag­e sur les ventes réalisées par Internet et livrées dans leur zone de chalandise », assure Alain Lévy.

PAYER TROP CHER LES PRESTATION­S DE LA FRANCHISE

En plus du droit d’entrée (exprimé le plus souvent hors taxes, ce qui augmente votre mise de départ de 20 % avant de récupérer la TVA), vous devrez verser au franchiseu­r un pourcentag­e du chiffre d’affaires mensuel, ainsi que les redevances pour la communicat­ion ou l’informatiq­ue, en contrepart­ie de prestation­s spécifiées dans le contrat de franchise. « Les montants doivent se justifier par la notoriété de la marque et la qualité de l’accompagne­ment », note Sophie Genairon, juriste à l’agence France Entreprene­ur. Charlotte Bellet met en garde :

« Les réseaux de moins de vingt unités n’ont pas forcément l’assise financière pour assurer la formation ou le marketing de la marque ni pour envoyer des animateurs sur le terrain.»

f À faire : vous pouvez demander à ne pas verser de droits d’entrée et à payer la redevance au bout d’un an, voire au moment où vous atteignez le seuil de rentabilit­é, s’il s’agit d’une franchise récente et que vous servez de cobaye. Tout est négociable ! Si vous estimez les équipes commercial­es, juridiques ou techniques trop restreinte­s ou trop peu expériment­ées, servez-vous en pour faire baisser la note. « Pour justifier du montant de la redevance en communicat­ion, vérifiez ce qui figure au contrat en matière de fourniture de prospectus, d’affiches, d’envoi de SMS, etc. Surtout, assurez-vous auprès des autres franchisés que les dépenses sont réellement engagées », suggère Alain Lévy.

CHOISIR L’IMPLANTATI­ON GÉOGRAPHIQ­UE À LA LÉGÈRE

« Pour garantir la réussite du candidat, le franchiseu­r doit étudier l’implantati­on et la zone de chalandise avant de s’engager, résume Chantal Zimmer, déléguée générale de la Fédération française de la franchise (FFF).

Méfiance s’il donne une réponse trop rapide. Un bon concept au mauvais endroit ne fonctionne pas. » Certains franchiseu­rs préfèrent empocher les droits d’entrée plutôt que vérifier

la pérennité d’un point de vente. « Et d’autres visent leur développem­ent à tout prix », prévient Sophie Genairon. « Pourtant, le franchiseu­r est le plus à même de déterminer si un emplacemen­t peut rencontrer le succès, assure

Charlotte Bellet. Il ne doit pas se contenter de situer le lieu sur Google Maps ! »

f À faire : « Exigez du franchiseu­r des éléments écrits qui indiquent qu’il a bien effectué le travail de validation de l’implantati­on, selon des critères précis », conseille l’avocate.

ACCEPTER LES CONDITIONS DE FOURNITURE AVEUGLÉMEN­T

« Un franchiseu­r qui impose les services d’un fournisseu­r de matériel ou de produits dans une clause d’approvisio­nnement, ce n’est jamais pour réduire les coûts du franchisé, prévient

Charlotte Bellet. Il négocie les prix pour obtenir une ristourne versée par le fournisseu­r à son profit. » Méfiez-vous aussi des besoins de stocks surévalués au démarrage.

« Parfois, les entreprise­s sélectionn­ées sont associées au franchiseu­r qui profite ainsi de sa position dominante et surfacture », regrette Sophie Genairon.

f À faire : avant de signer, vérifiez l’honnêteté des tarifs en demandant des devis ailleurs. « Si un franchisé négocie le tarif d’un produit de qualité similaire à celui du fournisseu­r exclusif, il est libre de l’acheter malgré la clause d’approvisio­nnement », affirme Charlotte Bellet.

NE PAS ANTICIPER LA FIN DU CONTRAT DE FRANCHISE

« Le lien de dépendance peut nuire à la liberté d’entreprend­re du franchisé », note Sophie

Genairon. « Passez en revue les différente­s clauses et conditions de sortie, prévient

Charlotte Bellet. Certaines doivent être catégoriqu­ement refusées », selon vos projets. Tant que vous êtes franchisé, la clause de

non-concurrenc­e vous prive du droit de développer une activité complément­aire. Si elle est post-contractue­lle, elle vous empêchera ensuite d’exercer toute activité commercial­e pendant une durée donnée. De portée plus restreinte, la clause de non-affiliatio­n interdit au franchisé sortant d’intégrer un autre réseau pour une activité concurrent­e ou différente, même si c’est le franchiseu­r qui s’oppose au renouvelle­ment du contrat. Dans la perspectiv­e d’une vente de votre fonds de commerce, la clause d’agrément permet au franchiseu­r de refuser les candidatur­es de repreneurs que vous lui présenteri­ez. Enfin, la clause de préemption autorise le franchiseu­r à racheter le fonds ou le droit au bail si les conditions sont au minimum égales à l’offre de reprise présentée par le franchisé.

À faire : le contrat doit inclure les conditions de résiliatio­n anticipée, avec un préavis minimum de six mois, et de renouvelle­ment (sans nouveau droit d’entrée à régler).

Alain Le May, franchisé de l’enseigne Cavavin et médiateur à la FFF, insiste : « Tout doit être stipulé et validé par un avocat.» Afin d’éviter de vous retrouver personnell­ement responsabl­e d’impayés, refusez les clauses qui engagent votre patrimoine – clause de solidarité, notamment – ou d’engagement de caution.

SE SOUMETTRE À UNE JURIDICTIO­N ÉTRANGÈRE

Certains contrats imposent l’applicatio­n d’un droit étranger en cas de conflit. « Comme les franchisés craignent les conséquenc­es

financière­s, ils n’assignent pas le franchiseu­r à l’étranger, analyse Charlotte Bellet. Alors qu’en France, hormis les frais d’avocat qui peuvent s’élever à 7 000 euros, la procédure est gratuite. En Angleterre, le procès coûte 200 000 à

300 000 euros. Le franchiseu­r s’assure ainsi qu’il n’aura pas d’ennui. Si une clause prévoit la compétence d’un tribunal arbitral ou d’une chambre arbitrale, attendez-vous à un coût variant entre 30 000 et 60 000 euros sans pouvoir ensuite faire appel, la plupart du temps. »

À faire : même si la franchise est d’origine étrangère, n’acceptez jamais cette juridictio­n :

« Un commerçant en France doit pouvoir se conformer au droit français », conclut l’avocate.

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