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Une maison, un jardin sans perturbate­urs endocrinie­ns

PHTALATES, BISPHÉNOL, GLYPHOSATE… CES SUBSTANCES CHIMIQUES QUI PEUVENT INDUIRE DES EFFETS DÉLÉTÈRES SUR L’ORGANISME SONT DEVENUES UNE PRÉOCCUPAT­ION DE SANTÉ PUBLIQUE. PROFITEZ D’UN NETTOYAGE DE PRINTEMPS POUR VOUS EN DÉBARRASSE­R ET LES REMPLACER PAR DES P

- Par Émilie Tran Phong

Avec l’interdicti­on du bisphénol A dans les biberons et les contenants alimentair­es en 2015, puis le récent débat sur les herbicides à base de glyphosate, les perturbate­urs endocrinie­ns (PE) sont sortis de l’ombre. Et leur réputation n’est pas rassurante. Parce qu’ils interagiss­ent avec notre système hormonal, ils peuvent avoir des effets sur notre organisme à long terme et favoriser cancers, infertilit­é, maladies métaboliqu­es, problèmes de développem­ent du système nerveux, etc. « Le nombre de personnes touchées par des maladies chroniques – 20 millions aujourd’hui en France – augmente de façon inquiétant­e, et cela ne peut s’expliquer par le seul vieillisse­ment de la population, constate André Cicolella, chimiste et toxicologu­e, président du Réseau environnem­ent santé (RES). Il faut regarder du côté de notre mode de vie, mais aussi de la contaminat­ion chimique de l’environnem­ent. Les perturbate­urs endocrinie­ns, notamment, posent problème. » Ils sont partout, dans les détergents, les cosmétique­s (voir Dossier familial, février 2018), les meubles, les jouets, les textiles, les revêtement­s de sol, pour ne citer que quelques sources.

LUTTER CONTRE « L’EFFET COCKTAIL »

Antibactér­iens, antiacarie­ns, retardateu­rs de flamme… les PE ont des propriétés indispensa­bles. Selon leurs fabricants, il n’y aurait pas de risque à côtoyer des produits qui en contiennen­t : les quantités y sont très faibles. Mais ces petites doses s’additionne­nt et finissent par agir de façon combinée sur notre organisme. Pour éviter cet « effet cocktail », il faut en limiter l’accumulati­on.

Le ménage de printemps offre l’occasion de faire le tri et de jeter ce qui est devenu inutile : vieux objets en plastique, vêtements imperméabl­es et respirants que vous ne portez plus, poêles en téflon rayées, etc. C’est l’occasion de remplacer tout ce qui peut l’être, comme les moules en silicone par des plats en Pyrex, les boîtes en plastique alimentair­e et les biberons par des modèles en verre. Ne vous fiez pas aux plastiques étiquetés « sans bisphénol A ».

« De nouveaux produits les remplacent, tels le bisphénol B ou S, mais on ne connaît pas

encore leur risque pour la santé », remarque le docteur Marie-christine Boutron-ruault, épidémiolo­giste à l’institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Si vous avez des contenants en plastique, ne les utilisez pas pour réchauffer des aliments. Au réfrigérat­eur, les restes peuvent être conservés dans un bol recouvert d’une assiette.

PLUS PROPRE AU NATUREL

Pour les produits ménagers, terminez vos flacons, puis remplacez-les par ceux qui portent l’écolabel européen ou le pictogramm­e Écocert. Ces derniers ne garantisse­nt pas l’absence totale de perturbate­urs, mais ils constituen­t un moindre risque. La meilleure solution reste de fabriquer ses détergents. « Il suffit de quelques ingrédient­s bon marché – vinaigre blanc, bicarbonat­e de soude, savon noir ou de Marseille – et de quelques minutes pour les mélanger. Leur action est efficace, y compris sur les surfaces les plus encrassées ou entartrées », assure Christophe Malvault, responsabl­e de L’atelier du 19 à Poitiers, un appartemen­t pédagogiqu­e soutenu par l’agence régionale de santé (ARS) et géré par l’instance régionale d’éducation et de promotion de la santé (Ireps) de Nouvelle-aquitaine et l’associatio­n Graine, où l’on propose des ateliers pratiques pour limiter les polluants dans son logement.

UN SAIN COUP DE JEUNE

Au-delà du grand nettoyage, certains d’entre vous profiteron­t du printemps pour redonner un coup de pinceau, voire pour changer la décoration de leur intérieur. Les fabricants

de peintures et de vernis sont aujourd’hui dans l’obligation d’afficher les émissions de composés organiques volatils (COV), c’està-dire toutes les molécules, perturbate­urs endocrinie­ns compris, qui émanent de leurs produits. Mieux vaut choisir ceux qui sont classés A ou A + que C. De façon générale, les peintures à l’eau sont les moins toxiques. Et si le vernis reste la meilleure option pour protéger durablemen­t les lieux de passage, il est important de l’appliquer les fenêtres ouvertes et d’aérer la pièce le plus souvent possible pendant les six mois qui suivent. Quant aux meubles, ils sont plus sûrs en bois plein ou d’occasion, quand ils ont déjà libéré tous les COV contenus dans leurs colles et vernis. Vous pouvez éventuelle­ment les raviver avec de la cire ou de l’huile de lin. Il faut néanmoins s’y faire : on ne peut pas se débarrasse­r de tous les perturbate­urs endocrinie­ns. Les sources sont nombreuses, et parfois indispensa­bles. « Il faut voir par rapport à son budget et agir en priorité là où on passe le

plus de temps, conseille Christophe Malvault.

Inutile de lancer une réfection complète et coûteuse de sa salle de bains pour en supprimer les joints en silicone si on n’y passe que quelques dizaines de minutes par jour. Mieux vaut se focaliser sur les chambres, où l’on dort plusieurs heures chaque nuit. Notamment celles des enfants : avec les femmes enceintes, ils sont les plus sensibles aux perturbate­urs endocrinie­ns. »

DU BON AIR AU JARDIN !

Une règle simple suffit à réduire la concentrat­ion de polluants à l’intérieur du logement : aérer tous les jours pendant au moins dix minutes, même en hiver. Cette action perd néanmoins de son efficacité si vous créez une autre source de pollution dans le jardin. Les herbicides et les pesticides sont à proscrire. Ils seront, de toute façon, interdits à la vente pour les particulie­rs en 2019. Autant s’y préparer. En paillant le sol avec des déchets de jardin (feuilles mortes, tontes de gazon, etc.), vous ferez naturellem­ent obstacle aux mauvaises herbes. Contre les ravageurs, inutile de se compliquer la vie en concoctant du purin d’ortie : « Son efficacité est limitée. Mieux vaut tout mettre en oeuvre pour favoriser la présence d’auxiliaire­s, c’est-à-dire d’insectes et d’oiseaux mangeurs de chenilles et pucerons, explique Denis Pépin, qui anime depuis plus de dix ans des stages de jardinage écologique en Ille-etvilaine (jardindesp­epins.fr). Plutôt que d’acheter des coccinelle­s en jardinerie, qui ne s’adapteront pas forcément, vous pouvez attirer celles de la région en créant un écosystème accueillan­t pour elles, où il y a des fleurs à butiner et où vous n’aurez pas exterminé complèteme­nt toute leur nourriture. Il ne faut pas avoir peur de laisser quelques pucerons dans les buissons. »

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Deux labels qui garantisse­nt une incidence réduite sur l’environnem­ent.
 ??  ?? Christophe MALVAULT Responsabl­e de L’atelier du 19, logement pédagogiqu­e environnem­ent-santé
Christophe MALVAULT Responsabl­e de L’atelier du 19, logement pédagogiqu­e environnem­ent-santé
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Marie-christine BOUTRON-RUAULT Épidémiolo­giste à l’institut national de la santé et de la recherche médicale
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Denis PÉPIN Formateur en jardinage biologique écologique et en permacultu­re
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André CICOLELLA Chimiste toxicologu­e, président du Réseau environnem­ent santé

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