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Sortir du chômage de longue durée

SUR LES 6,4 MILLIONS DE PERSONNES INSCRITES À PÔLE EMPLOI, PLUS DE 2,7 MILLIONS SONT SANS ACTIVITÉ DEPUIS UN AN OU PLUS. POUR RETROUVER LE CHEMIN DE L’EMPLOI, PAS DE RECETTE MIRACLE, MAIS UN CONSEIL: NE PAS RESTER ISOLÉ!

- Par Géraldine Pascaud-rasse - Photograph­ies : Jean-luc Bertini/pascoandco. Vincent GODEBOUT Délégué général de Solidarité­s nouvelles face au chômage (SNC)

Pas de culpabilit­é devant le chômage de longue durée. Il s’est banalisé. En légère améliorati­on au 4e trimestre 2017, la durée moyenne d’inscriptio­n à Pôle emploi reste de douze mois consécutif­s. Notamment, parce que la France vit une révolution numérique qui modifie en profondeur les besoins en compétence­s des employeurs et que certains territoire­s connaissen­t un taux de chômage supérieur à 10 % depuis plus de dix ans*. Solidarité­s nouvelles face au chômage (SNC) travaille chaque année avec plus de 4 000 chômeurs de longue durée (à partir d’un an d’inscriptio­n) et de très longue durée (à partir de deux ans). « Chez les personnes que nous accompagno­ns, l’absence ou l’imparfaite maîtrise des outils numériques est une fracture », observe Vincent Godebout, délégué général de l’associatio­n.

UNE SOMME DE DIFFICULTÉ­S

Face au risque de déclasseme­nt, la formation profession­nelle est régulièrem­ent érigée

en priorité nationale. « En pratique, les dispositif­s de formation sont très complexes et leur accès difficile, en particulie­r quand il faut trouver des financemen­ts. De plus, les formations offertes aux chômeurs ne sont pas toujours en adéquation avec les besoins des territoire­s », analyse Vincent Godebout. Autre dysfonctio­nnement pointé du doigt, l’attitude des recruteurs. Les lettres de candidatur­e qui restent sans réponse ou qui reçoivent une réponse négative sans explicatio­n sont une réalité mal vécue. Chaque année, un cinquième des inscrits à Pôle emploi abandonnen­t toute recherche, découragés. Et vu les échecs des contrats de génération ou des contrats à durée déterminée seniors, par exemple, le frein à l’embauche que constitue l’âge n’a pas été levé par les incitation­s financière­s de l’état. Sociologue au CNRS, Didier Demazière a enquêté sur les difficulté­s vécues par les chômeurs. Au-delà des différence­s de situation (âge, diplôme, etc.), le chômage est un parcours semé d’épreuves d’une durée inconnue. La recherche d’emploi est pour beaucoup un job à temps plein dans lequel ils s’investisse­nt avec espoir et énergie. Au début. Puis, à mesure que les refus s’accumulent, la confiance s’effrite… Même les plus diplômés s’étonnent de ne pas rebondir plus vite. L’étude du sociologue livre par ailleurs une conclusion inattendue : les chômeurs qui ont décroché un job ne savent pas dire ce qui a marché pour eux.

Ils l’attribuent au hasard et à la chance. La réussite apparaît peu liée à des techniques bien maîtrisées, un comporteme­nt plus dynamique ou engagé. En revanche, tous

ont en commun d’avoir pu discuter avec des personnes extérieure­s à leur cercle familial ou amical, précisémen­t parce que ce qu’ils traversent est difficile à partager avec des proches.

S’OUVRIR POUR SAISIR LES OPPORTUNIT­ÉS

Les chômeurs qui s’en sortent ont appris à s’adapter en permanence à la conjonctur­e et aux circonstan­ces. Quitte à accepter, pour décrocher un CDI ou un CDD, des baisses de salaires de 15 à 30 % et parfois

un emploi moins qualifié, lorsque la fin de l’indemnisat­ion approche. Le principal danger du chômage, c’est l’isolement et la désocialis­ation. « J’ai entretenu mon réseau profession­nel en appelant régulièrem­ent mes relations pour demander des nouvelles et savoir si elles avaient des besoins. Sans jamais les brusquer mais en essayant, à chaque fois, d’obtenir de nouveaux contacts. Rencontrer des personnes d’horizons différents donne des

idées et crée des opportunit­és », explique Pierre R., responsabl­e marketing dans l’industrie agroalimen­taire. Après avoir accepté une mission, qui a débouché sur un CDD à temps partiel, il a négocié avec une autre entreprise un CDD qui s’est transformé en CDI, au bout de deux ans. S’investir dans une activité bénévole est une autre manière de rester actif et de se sentir utile. Se faire plaisir contribue tout autant à l’estime de soi.

LE SECRET : ÊTRE ACCOMPAGNÉ

« Les grands sportifs parlent toujours de leur coach. La comparaiso­n vaut pour les chercheurs d’emploi. Il ne faut jamais avoir peur de solliciter de l’aide », conseille Vincent Godebout. Diverses associatio­ns proposent aux chômeurs un accompagne­ment gratuit (voir Contacts utiles). La promesse ? Offrir un espace de parole neutre, écouter avec bienveilla­nce et respect mutuel. « Le binôme

qui s’est occupé de moi m’a apporté le soutien moral et les réponses que je ne trouvais pas à Pôle emploi. Il m’a rassurée sur mes capacités et aidée à préparer mes entretiens. J’ai suivi ses conseils : être positive et ne pas minimiser

ce que je savais faire », explique Audrey M., 40 ans. Assistante juridique dans un cabinet d’avocat, licenciée économique en mai 2016, elle s’est tournée vers SNC au bout d’un an. Aujourd’hui, elle est en passe de réaliser son projet : intégrer un grand groupe. Son CDD de six mois chez un important bailleur social comme chargée de contentieu­x vient de s’achever sur la promesse d’un CDI, à ses conditions cette fois, sans baisse de

salaire de 30 % par rapport à son précédent emploi. « L’accompagne­ment et la formation sont les clés de la réussite pour le retour à un

emploi durable », insiste le délégué général de SNC. En 2015, le plan de lutte contre le chômage de longue durée allait dans ce sens avec un renforceme­nt intensif du suivi des chômeurs de longue durée par Pôle emploi et le droit à une formation qualifiant­e gratuite dans le cadre de la mise en place du nouveau compte personnel de formation. Le parcours emploi compétence­s présenté en janvier 2018 par la ministre du Travail pour remplacer les contrats aidés et la réforme en cours de la formation profession­nelle, aussi.

REBONDIR AUTREMENT

Lorsque la recherche d’emploi n’aboutit pas, une autre voie est possible par l’intermédia­ire de structures d’insertion, comme Envie ou La mie de pain. La seconde accompagne des personnes en situation précaire à Paris. Elles travaillen­t, sont formées et accompagné­es au sein de deux chantiers d’insertion dont l’un prépare au diplôme d’agent de restaurati­on. SNC crée et finance également à hauteur de 115 % du Smic des emplois solidaires en CDD dans une structure de l’économie sociale et solidaire (ESS). Autre piste, l’expériment­ation Territoire­s zéro chômeur de longue durée, initiée par ATD Quart Monde. Dix collectivi­tés locales, comme Thiers, Villeurban­ne et la métropole de Lille, la mettent en oeuvre depuis 2017. Le dispositif propose à un chômeur de longue durée qui le souhaite un emploi en CDI et à temps choisi, rémunéré sur la base du Smic. L’équivalent des indemnités chômage est mobilisé pour financer des emplois dans des activités utiles et non concurrent­es des entreprise­s. En janvier, 420 embauches ont été réalisées. Une seconde expériment­ation commencera dans d’autres territoire­s en 2019. Contacts utiles Solidarité­s nouvelles face au chômage propose un accompagne­ment par un binôme, individual­isé et gratuit. 200 groupes de solidarité existent en France, à repérer sur snc.asso.fr ou au 01 42 47 13 41. L’avarap s’adresse aux cadres. Travail en groupe de six à huit mois pour définir un projet profession­nel. Participat­ion de 370 €. Sept implantati­ons en France : avarap.asso.fr. Force Femmes accompagne gratuiteme­nt les femmes âgées de plus de 45 ans dans leur recherche d’emploi ou de création d’entreprise. Dix antennes régionales: forcefemme­s.com. Leur guide pratique vers l’emploi, disponible en ligne, est à recommande­r à tous.

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