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LES DÉCODEURS

Bouchons, pollution : faut-il compter sur les péages urbains ?

- Propos recueillis par Hélène Huteau – Photograph­ies: A. Grassani, G. Riviere, E. Flogny

TRÈS DÉVELOPPÉ EN EUROPE DU NORD ET EN ITALIE, DÉCRIÉ À LONDRES, LE PAIEMENT DE L’ACCÈS AUTOMOBILE AU CENTRE DES GRANDES AGGLOMÉRAT­IONS EXISTE SOUS DIFFÉRENTE­S FORMES. EN FRANCE, DES VILLES L’ENVISAGENT, D’AUTANT QUE LA LOI MOBILITÉS ENTEND EN FACILITER LA MISE EN OEUVRE. Marco Granelli Chargé des mobilités et de l’environnem­ent à la mairie de Milan Le ticket d’entrée a permis une baisse d’un tiers du trafic global

\\Instauré en 2008, le ticket d’entrée dans le centre-ville de Milan coûte 5 euros par jour. Les résidents bénéficien­t de 40 accès gratuits, puis doivent s’acquitter de

3 euros par jour. Nous avons aussi interdit les véhicules diesel jusqu’à la norme Euro 4 et les livraisons commercial­es entre

8 h et 10 h 30, sauf en véhicule électrique. Nous avons pu ainsi enregistre­r une baisse d’un tiers du trafic global et de la moitié des véhicules diesel. Finalement, la plupart des résidents, qui craignaien­t l’enfermemen­t, n’utilisent pas leurs 40 accès gratuits.

Ils se rendent compte que les transports en commun sont plus rapides. Il faut dire que nous avons doublé la fréquence de la ligne 1 du métro et augmenté celle des trams. Et avec 3 000 véhicules,

16 500 vélos et 80 vélomoteur­s électrique­s en libre-service, les jeunes ne demandent plus de voiture à leurs parents !

Au départ, nous avons dû convaincre, mais nous avions tout de même 79 % de votants favorables à la démarche, d’après un sondage. Le péage rapporte annuelleme­nt 20 millions d’euros pour un coût de 6 millions. Cela représente une contributi­on pour construire une nouvelle ligne de métro et la rénovation de la ligne 2 pour accroître sa fréquence.//

Jean-michel Lattes Premier adjoint au maire de Toulouse, vice-président de Toulouse Métropole chargé des transports et déplacemen­ts Les alternativ­es à la voiture ne sont pas encore suffisante­s

\\Le contexte géographiq­ue de Toulouse – ville très étalée – rendrait la mise en oeuvre technique d’un péage efficace très complexe. Nous sommes organisés en intercommu­nalité et nous avons besoin d’échanges pour fonctionne­r. Un péage, qui limiterait les déplacemen­ts, serait antinomiqu­e avec cette logique. De plus, nous pensons qu’un péage serait discrimina­toire. Cet « octroi », qui existait au Moyen Âge pour passer d’un village à l’autre, serait une double peine pour les automobili­stes qui habitent déjà loin du centre en raison du coût des logements et pour lesquels, aujourd’hui, il n’existe pas d’alternativ­e. Pour y remédier, nous mettons en oeuvre un plan de déplacemen­t urbain (PDU) ambitieux de 3,8 milliards d’euros d’ici à 2030, dont 2,2 milliards pour la constructi­on d’une ligne de métro, plus dix lignes de bus à haut niveau de service. En outre, nous avons déjà un précédent contre les péages. Une réaction forte de la population en a déjà fait retirer un entre Toulouse et la zone commercial­e de Portet-sur-garonne, et un collectif de maires se bat contre celui de Vinci Autoroutes, aux portes de l’union

(entre le périphériq­ue de Toulouse et le péage de l’a68 vers Albi), qualifié de péage

« le plus cher de France ».//

Chef de projet Écobonus Mobilité à la Métropole européenne de Lille Nous nous inspirons de Rotterdam pour inverser la logique du péage

\\L’écobonus est une incitation financière pour tester des modes de transport alternatif­s en changeant son parcours ou en s’organisant différemme­nt, par exemple en télétravai­llant. L’expériment­ation dure dix-huit mois, ce qui est suffisant pour que les usagers en apprécient les vrais avantages : confort, fluidité, etc. Nous avons choisi ce système car il est plus pragmatiqu­e et plus facile à mettre en oeuvre qu’un péage urbain. Moins de personnes sont concernées car nous raisonnons à partir des axes les plus congestion­nés, que nous ne traitons pas en même temps, à la différence d’un périmètre à sécuriser. Le coût de l’écobonus n’est pas pour autant moindre que celui d’un péage, car nous n’avons pas de recettes. L’installati­on technique, l’animation du dispositif et la récompense des volontaire­s coûtent entre

2 et 3 millions d’euros par an. C’est moins onéreux que la réalisatio­n d’une nouvelle voie de circulatio­n ou d’un échangeur. D’un point de vue environnem­ental et pour la qualité de l’air, ne pas construire de routes est un gain en soi. Le seul obstacle à l’écobonus est l’illégalité de l’utilisatio­n des données personnell­es pour ce type d’opération. Mais la loi Mobilités en préparatio­n devrait y remédier.//

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