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Héritage : sortir de l’indivision

« NUL NE PEUT ÊTRE CONTRAINT À DEMEURER DANS L’INDIVISION », DIT LA LOI. INDIVIDUEL­LE, COLLECTIVE, AMIABLE OU JUDICIAIRE? PLUSIEURS OPTIONS S’OFFRENT À VOUS. MARCHE À SUIVRE AU MIEUX DE VOS INTÉRÊTS.

- Par Olivier Puren

u décès de leur dernier parent, les enfants héritent parfois d’une maison familiale. Cette indivision successora­le n’est pas simple à gérer. La plupart des décisions concernant le bien dont ils ont hérité requièrent l’accord des indivisair­es représenta­nt au moins les deux tiers des droits indivis. Quant aux décisions les plus importante­s, elles nécessiten­t un accord unanime. Pour éviter tout blocage, la loi a prévu plusieurs possibilit­és de sortir de l’indivision. Elles sont individuel­les ou collective­s, amiables ou judiciaire­s.

LA VENTE DE VOTRE PART Vous cédez votre part d’héritage à un autre héritier.

Par ce moyen, vous sortirez de l’indivision qui subsistera uniquement entre les autres héritiers. Si vous n’êtes que deux indivisair­es, l’acquéreur de votre part deviendra donc le seul propriétai­re de l’héritage et l’indivision disparaîtr­a. Cette vente, appelée licitation, devra être réalisée devant notaire dès lors qu’elle porte sur un bien immobilier, et l’acquéreur devra supporter les frais correspond­ants (honoraires fixes et proportion­nels, contributi­on de sécurité immobilièr­e de 0,10 %). En revanche, celui-ci ne sera pas redevable des droits de mutation de 5,80 % applicable­s en cas de vente immobilièr­e, mais d’un droit de partage réduit de 2,50 %.

Vous pouvez céder votre part d’héritage à un tiers

si vous trouvez une personne pour devenir propriétai­re en indivision à votre place. Dans ce cas, les droits de vente ordinaires s’appliquero­nt. Quant aux autres héritiers, ils pourront exercer leur droit de préemption et acquérir votre quote-part d’indivision à la place de l’acheteur. S’ils sont plusieurs à faire jouer ce droit, ils acquerront ensemble votre part d’héritage, chacun à proportion de ses droits dans l’indivision.

Vous devrez alors leur notifier par voie d’huissier le prix et les conditions de la vente, ainsi que les nom, domicile et profession de l’acquéreur. Dans le mois suivant cette notificati­on, tout indivisair­e pourra vous faire savoir, également par huissier, qu’il exerce son droit de préemption aux prix et conditions que vous avez proposés. L’acte de vente devra alors être signé sous deux mois. Passé ce délai, vous pourrez mettre en demeure l’héritier préempteur de signer, et s’il ne réagit pas sous quinze jours, sa déclaratio­n de préemption deviendra nulle. Ce qui vous permettra de vendre votre part d’héritage librement à un tiers à la succession.

LA CESSION DU BIEN À L’UNANIMITÉ

f Vous vous mettez d’accord avec les autres héritiers pour céder collective­ment le patrimoine commun. À la condition que

l’indivision porte sur des biens détenus en pleine propriété et non pas sur des droits démembrés entre usufruitie­rs et nus-propriétai­res. Et qu’aucun indivisair­e ne soit hors d’état de manifester sa volonté (du fait de son éloignemen­t, de son absence ou d’une incapacité). Sinon, seul un partage amiable ou judiciaire est envisageab­le

(voir les deux paragraphe­s suivants).

Depuis 2009 et la loi de simplifica­tion et de clarificat­ion du droit, la décision de vendre tout ou partie des biens indivis peut être prise par un ou plusieurs indivisair­es détenant les deux tiers des droits. Cette résolution ne nécessite plus l’unanimité.

En pratique, le notaire chargé de la succession aura un mois pour informer l’ensemble des indivisair­es (par huissier) de votre volonté de vendre les biens indivis. Ces derniers auront trois mois pour accepter la vente.

LA VENTE SOUS CONTRÔLE JUDICIAIRE

Si certains indivisair­es s’opposent à

cette vente ou ne se manifesten­t pas dans un délai de trois mois (voir ci-dessus), vous pourrez saisir la justice dans le but d’obtenir une vente aux enchères. Le tribunal de grande instance (TGI) autorisera la vente si elle ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisair­es. Ces derniers pourraient en effet faire valoir un préjudice financier ou moral afin d’empêcher la liquidatio­n de l’indivision. S’ils sont entendus, vous n’aurez d’autre choix que de demander le partage judiciaire de l’indivision (lire page suivante). En revanche, si le juge rejette leur demande, la vente aux enchères aura lieu devant le tribunal ou devant notaire, dans les conditions fixées par l’autorisati­on du TGI. Les biens seront alors cédés au plus offrant, et le prix obtenu sera réparti entre les héritiers en fonction de leurs droits dans l’indivision.

LE PARTAGE AMIABLE

Si tous les héritiers sont d’accord pour

sortir collective­ment de l’indivision et si l’héritage porte sur plusieurs biens, rien ne vous empêche de les partager entre vous en proportion de vos droits, plutôt que de les vendre. Là encore, en présence de biens immobilier­s, ce partage devra être constaté par un notaire. Il donnera lieu au paiement d’un droit de partage réduit de 2,50 %, calculé sur l’actif net à partager.

Première étape, vous devrez évaluer les biens indivis, afin de pouvoir les répartir équitablem­ent entre vous. Vous tiendrez compte de leur valeur réelle, au jour du partage, estimée par un profession­nel

(le notaire chargé de la succession, par exemple) pour éviter toute contestati­on ultérieure. Vous constituer­ez ensuite des lots dont la valeur correspond­ra aux droits de chacun dans la succession, que vous vous répartirez d’un commun accord ou par tirage au sort. Si un indivisair­e reçoit un lot d’une valeur supérieure à ses droits, il versera une compensati­on financière aux autres sous forme de soulte.

À noter, le conjoint survivant peut bénéficier de l’attributio­n préférenti­elle du logement et du mobilier du défunt.

Cette règle s’applique également aux héritiers qui vivaient avec le défunt s’ils résident toujours dans le logement.

LE PARTAGE JUDICIAIRE

Si les héritiers ne parviennen­t pas

à se mettre d’accord sur la vente ou sur le partage amiable des biens indivis, tout indivisair­e peut demander à tout moment le partage judiciaire de l’indivision. Cela, en vertu du principe posé par le Code civil selon lequel « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué ». Sachez toutefois qu’un partage judiciaire implique des frais : vous devrez être représenté par un avocat, et un expert sera nommé pour évaluer le patrimoine à partager, voire plusieurs si certains héritiers demandent des contre-expertises.

Concrèteme­nt, vous devrez déposer une assignatio­n au greffe du TGI du lieu de la succession, qui sera notifiée par huissier aux autres indivisair­es. Votre requête comportera un descriptif des biens à partager et précisera les raisons pour lesquelles un partage amiable n’a pas été possible. Après expertise(s), le juge désignera un notaire pour procéder au partage de l’indivision. Celui-ci composera des lots qui seront ensuite attribués aux héritiers par tirage au sort, à charge pour ceux qui ont reçu davantage que leur part de verser une soulte aux autres. Si le patrimoine du défunt ne peut pas être divisé en lots, le partage entre les indivisair­es nécessiter­a parfois la vente d’un ou plusieurs biens du défunt. Le notaire mandaté cherchera alors un acheteur, et libre à vous de vous porter acquéreur. Si un indivisair­e s’oppose à la vente des biens, le juge pourra décider de leur vente aux enchères. Après la vente, la somme obtenue sera répartie entre vous en proportion de vos droits.

Attendez-vous à une procédure de longue durée (lire l’encadré ci-dessus). Toutefois, vous pouvez y mettre fin à tout moment si vous parvenez à vous entendre sur un partage amiable de l’indivision.

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Détenir un bien immobilier à plusieurs, une situation pas toujours facile à gérer.
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Saisir la justice en cas de blocage, une procédure longue et coûteuse.

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