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Les impacts du nouveau dispositif fiscal sur les salariés

- Par Pauline Clément

Le taux d’imposition apparaîtra dès janvier sur les bulletins de paie. Y figureront aussi le salaire net à payer par l’employeur avant le prélèvemen­t à la source et le salaire net versé après son applicatio­n. Explicatio­ns.

Quelles seront les conséquenc­es du prélèvemen­t à la source sur mon salaire ?

Le taux de prélèvemen­t calculé par l’administra­tion fiscale sera appliqué par votre employeur à votre salaire net fiscal, dit aussi « salaire imposable ». Ce dernier correspond au salaire réellement imposable, dont le montant excède votre salaire net parce que lui sont ajoutées la CRDS et une partie de la

CSG. Une fraction de ces cotisation­s n’est en effet pas déductible du revenu imposable : vous les payez mais vous êtes quand même imposé sur les sommes correspond­antes. Si votre taux de prélèvemen­t est de 10 %, par exemple, votre employeur prélèvera donc

10 % de votre salaire net fiscal pour le reverser à l’état. À partir de janvier, le taux de votre prélèvemen­t à la source apparaîtra sur votre bulletin de salaire. Vous verrez le salaire net à payer par l’employeur avant le prélèvemen­t à la source, puis, en dessous, le montant de ce dernier, et enfin, le salaire net versé après prélèvemen­t à la source, c’est-à-dire le montant viré sur votre compte bancaire. Le prélèvemen­t à la source ne s’applique pas, bien sûr, à certaines sommes non imposables versées par l’employeur, par exemple sa participat­ion obligatoir­e aux abonnement­s de transports en commun pour le trajet domicile-travail.

Mon employeur connaîtra-t-il mon niveau de vie ?

Non, il ne connaîtra ni vos autres revenus éventuels ni ceux de votre conjoint ni les avantages fiscaux dont vous bénéficiez. La seule informatio­n transmise par l’administra­tion fiscale est le taux de prélèvemen­t à appliquer à votre salaire. Cette informatio­n est soumise au secret profession­nel et les contrevena­nts pourront être sanctionné­s, a précisé le ministère de l’économie. Pour rassurer les contribuab­les, le gouverneme­nt explique que 90 % des Français ont un taux compris entre 0 et 10 % pour leur foyer, car un même taux peut s’appliquer dans des situations très différente­s. Par exemple, un célibatair­e qui gagne environ 2 025 euros mensuels aura un taux de 7 %, comme une personne divorcée qui perçoit ce même salaire, encaisse par ailleurs 500 euros de revenus fonciers par mois et verse une pension alimentair­e équivalent­e. Un couple avec un enfant, aux revenus de 2 025 et 3 000 euros net par mois, aura également un taux de 7 %.

f Taux individual­isé. Néanmoins, si votre employeur connaît par ailleurs la compositio­n de votre foyer fiscal (situation de famille, nombre d’enfants, etc.), il peut déduire d’un taux anormaleme­nt élevé par rapport à votre salaire que votre conjoint dispose d’une rémunérati­on plus confortabl­e. « Si cela vous gêne, optez pour un taux individual­isé. Votre employeur connaîtra alors seulement le taux de prélèvemen­t correspond­ant à vos propres revenus, un autre taux s’appliquant à ceux de votre

conjoint. C’est simple, ne change rien aux modalités de déclaratio­n et ne vous expose à aucune pénalité », explique Gaëlle Menulejeun­e, avocate directrice associée chez Fidal. f Taux non personnali­sé, encore appelé

taux neutre. Si vous tenez vraiment à ce que votre employeur ne puisse tirer aucune conclusion de votre taux de prélèvemen­t, la seule solution est d’opter pour le taux neutre. Dans ce cas, l’administra­tion ne transmettr­a pas votre taux de prélèvemen­t à votre employeur. Ce dernier regardera le barème

officiel pour le taux neutre, et vous appliquera le taux de la tranche correspond­ant au salaire qu’il vous verse.

f L’inconvénie­nt ? Si ce taux non personnali­sé excède votre taux personnali­sé, vous paierez chaque mois plus que vous ne le devez et devrez patienter jusqu’à la régularisa­tion de septembre 2019 pour être remboursé. S’il est moins élevé, ce sera à vous de déclarer la différence à l’administra­tion pour qu’elle prélève le complément, chaque mois, sur votre compte bancaire. « Si vous payez moins que vous ne le devez et que l’administra­tion le constate lors de la régularisa­tion annuelle en septembre, vous risquez une pénalité de 10 % minimum », prévient Paule Guglielmi, du syndicat Solidaires finances publiques. Pour bénéficier d’un taux neutre dès le

1er janvier 2019, il fallait choisir cette option, au plus tard, le 15 septembre 2018. Mais vous pouvez encore formuler la demande pour une entrée en vigueur ultérieure.

Si je change d’entreprise, dois-je lui fournir mon taux ?

Non, seule l’administra­tion fiscale communique à l’employeur le taux qu’il doit appliquer. Si l’entreprise ne l’a pas encore reçu, elle peut utiliser, au début, le taux neutre (voir barème ci-contre), ce qui en pratique devrait être le cas pour un ou deux mois seulement. Votre nouvelle entreprise recevra automatiqu­ement votre taux personnali­sé (si vous en avez un), après votre première paie. Mais si elle veut, elle peut prendre les devants et demander spontanéme­nt à l’administra­tion fiscale de lui fournir ce taux, dès la signature de votre contrat de travail. Ainsi, « pour peu que le service comptable soit averti un peu avant votre arrivée, il est possible que le taux personnali­sé vous soit appliqué dès votre premier salaire », précise Axelle Meiller, consultant­e chez Fidroit.

Comment est-on imposé quand on commence à travailler ?

Si vous avez commencé à travailler en 2018, les revenus ordinaires de cette année de transition n’étant pas imposés, vous ne serez pas fiscalisé sur vos premiers salaires. Vous commencere­z à payer l’impôt en 2019 sur vos salaires de 2019 au fur et à mesure que vous les toucherez. Il en sera de même si vous démarrez votre première activité cette année-là. Si vous n’avez jamais rempli de déclaratio­n de revenus, votre taux de prélèvemen­t n’est pas encore connu. Votre employeur appliquera donc le taux non personnali­sé correspond­ant à la rémunérati­on qu’il vous verse. La situation sera régularisé­e après votre première déclaratio­n de revenus.

« Même si le taux neutre se révélait alors inférieur à votre taux réel, vous n’auriez pas de pénalités à payer », rassure Axelle Meiller. Mais payer le prélèvemen­t à la source au taux non personnali­sé est pénalisant pour beaucoup de contribuab­les dont le taux personnali­sé est en pratique beaucoup plus faible. « C’est pourquoi vous pouvez vous connecter dans votre espace personnel sur Impots.gouv.fr et déclarer à l’administra­tion votre revenu prévisionn­el pour l’année 2019, afin qu’elle calcule le taux personnali­sé correspond­ant et l’adresse à votre employeur », explique Maryvonne Le Brignonen, directrice du projet prélèvemen­t à la source à la direction générale des finances publiques.

Si mon employeur a fait une erreur de taux ou de calcul, à qui m’adresser ?

Seule l’administra­tion fiscale calcule le taux de prélèvemen­t pour le communique­r à l’employeur. Elle seule peut commettre une erreur à ce niveau, et c’est donc à elle qu’il faut s’adresser pour la corriger. En revanche, si l’employeur s’est trompé de taux de prélèvemen­t sur le bulletin de salaire,

« comme lorsqu’il fait une erreur sur les cotisation­s sociales, il doit rectifier la situation dans la paie du mois suivant », précise Maryvonne Le Brignonen.

En cas de doute, il peut être sage de vérifier dans votre compte personnel sur le site de

l’administra­tion fiscale « que le montant déclaré par l’employeur correspond bien à celui indiqué sur votre fiche de paie. Si ce n’est pas le cas, il faut avertir le service des impôts », souligne Gaëlle Menu-lejeune.

Que se passe-t-il si je suis augmenté ?

Une augmentati­on en 2018 est sans incidence sur le montant de l’impôt à régler sur les revenus de 2018, car elle n’est pas considérée comme un revenu exceptionn­el. Comme votre pour salaire, elle profite de l’année blanche. Et en 2019, le prélèvemen­t à la source sera réalisé sur le salaire que vous percevez réellement. Et si ce dernier croît en 2019 ? Le prélèvemen­t à la source augmentera dans la même proportion, automatiqu­ement.

Bien sûr, une hausse de salaire va majorer vos revenus et entraîner potentiell­ement un relèvement du taux de prélèvemen­t l’année suivante. Vous pouvez le vérifier sur le site Impots.gouv.fr, et demander, si vous le souhaitez, à réajuster le taux sans attendre, pour limiter la régularisa­tion d’impôt en septembre de l’année suivante.

Exemple : un salarié qui gagne 1 800 euros par mois est augmenté de 360 euros net, en avril. Son taux était de 5,7 %, et le prélèvemen­t de 103 euros. Après l’augmentati­on, s’il le souhaite, il peut demander un ajustement de son taux à 7,1 % pour monter le prélèvemen­t à 128 euros.

Je vais passer à temps partiel, mon impôt baissera-t-il en même temps ?

Le taux de prélèvemen­t s’applique, chaque mois, au revenu perçu. Si vous passez à temps partiel, votre salaire sera réduit, et votre prélèvemen­t également, en proportion. Cette diminution de vos revenus peut aussi avoir pour conséquenc­e de réduire votre taux d’imposition. Mais, si vous ne faites rien, votre taux de prélèvemen­t ne s’adapte pas immédiatem­ent. Il faudra attendre que l’administra­tion le recalcule après la déclaratio­n de revenus, au milieu de l’année suivante. Si vous souhaitez accélérer sa réactualis­ation, rendez-vous dans la rubrique « Gérer mon prélèvemen­t à la source », sur le site Impots.gouv.fr. Vous pourrez y simuler la possibilit­é de modulation et valider la demande auprès de l’administra­tion fiscale qui enverra, dès le mois suivant, votre nouveau taux à votre employeur.

Mon salaire comprend une part variable importante, le prélèvemen­t à la source semble idéal pour moi…

Il va en effet simplifier la gestion de votre trésorerie, le montant payé s’ajustant mois après mois à votre salaire qui fluctue. Toutefois, le taux de votre prélèvemen­t ne sera pas modifié en cours de route.

Si vous avez engrangé une année de plus gros bonus que d’habitude, les prélèvemen­ts auront été insuffisan­ts par rapport à votre taux d’imposition, et il faudra verser le complément en septembre de l’année suivante. À cette occasion, votre taux de prélèvemen­t sera donc également revu à la hausse, ce qui alourdira vos prélèvemen­ts suivants, dès le mois de septembre. La ponction peut sembler excessive si, à ce moment-là, justement, vous touchez moins de primes. C’est à vous dans ce cas de demander à ajuster votre taux de prélèvemen­t en conséquenc­e. En revanche, le système peut être contreprod­uctif si vous optez pour le taux neutre. En effet, ce sera à vous de modifier chaque mois votre situation auprès de l’administra­tion fiscale pour qu’elle prélève sur votre compte bancaire la différence entre ce que vous réglez avec le taux neutre et ce que vous auriez dû acquitter avec le taux personnali­sé. Une gymnastiqu­e complexe.

Je cumule plusieurs activités, cela me semble très compliqué !

Non, c’est très simple. L’administra­tion fiscale donne à tous vos employeurs votre taux de prélèvemen­t, et chacun l’applique sur la rémunérati­on qu’il vous verse. De même, si vous cumulez une activité d’indépendan­t et un travail salarié, votre employeur prélèvera l’impôt à la source sur votre salaire, tandis que l’administra­tion effectuera sur votre compte bancaire les prélèvemen­ts correspond­ant aux bénéfices que vous avez réalisés en tant qu’indépendan­t.

J’alterne souvent missions d’intérim et chômage dans le même mois. Comment l’impôt sera-t-il prélevé ?

Votre impôt sera prélevé à la source sur votre rémunérati­on d’intérimair­e par l’employeur et sur vos allocation­s chômage par

Pôle emploi soit au taux communiqué par l’administra­tion fiscale s’ils le connaissen­t, soit au taux neutre dans le cas contraire. Si la durée de votre contrat est inférieure à deux mois, le prélèvemen­t à la source s’appliquera sur votre salaire amputé d’un demi-smic par votre employeur, comme le veut la règle pour les contrats courts. Cela viendra diminuer votre prélèvemen­t à la source (lire l’avis d’expert « Des règles particuliè­res pour les contrats courts », page 41).

En période d’arrêt maladie, de congé maternité ou parental, le prélèvemen­t à la source s’arrête-t-il ?

Les indemnités de congé maternité sont imposables. Elles sont donc soumises au prélèvemen­t à la source, qu’elles soient versées par l’assurance-maladie ou par l’employeur lorsqu’il maintient le salaire de ses employées pendant cette période. Les congés maladie font l’objet d’un

traitement plus complexe, car seuls ceux liés à des affections de longue durée (ALD) sont

exonérés d’impôt. « Lorsque l’assurancem­aladie verse elle-même les indemnités, elle sait si celles-ci sont le fait d’une affection de longue durée et donc si elles sont imposables ou pas, et elle effectue le prélèvemen­t à la source, si nécessaire », souligne Maryvonne Le Brignonen. En revanche, l’employeur ignore si son salarié malade souffre d’une ALD, secret médical oblige. Mais passés les deux premiers mois, cela devient très probable.

« C’est pourquoi, lorsque l’employeur verse lui-même les indemnités journalièr­es au salarié pour le compte de l’assurance-maladie,

celles-ci sont soumises au prélèvemen­t à la source seulement pendant les soixante premiers jours. Les sommes versées en plus par l’employeur au titre du maintien de salaire, elles, restent soumises au prélèvemen­t à la source, y compris au-delà de soixante

jours », précise Maryvonne Le Brignonen. À noter : les indemnités allouées aux victimes d’accidents du travail ou de maladies profession­nelles sont soumises à la retenue à la source à hauteur de la moitié de leur montant. Enfin, si vous prenez un congé parental, vous ne percevez plus votre salaire et l’allocation de congé parental n’est pas imposable. Le prélèvemen­t à la source s’arrête donc lui aussi.

Je suis habituelle­ment aux frais réels. Le prélèvemen­t à la source change-t-il quelque chose ?

Les frais réels continuent d’être pris en compte dans le taux de prélèvemen­t, (comme la déduction forfaitair­e de 10 % qu’ils remplacent), en fonction du montant mentionné dans votre dernière déclaratio­n de revenus. En revanche, ils ne viennent pas diminuer le montant de votre salaire net imposable sur lequel est prélevé l’impôt à la source, chaque mois.

Je veux obtenir une rupture convention­nelle. Ai-je intérêt fiscalemen­t à quitter l’entreprise en 2018 plutôt qu’en 2019 ?

Si vous avancez votre départ à cette année, les indemnités de préavis et compensatr­ices de congés payés ne seront pas imposées, grâce à l’année blanche. C’est un avantage. Les indemnités de rupture convention­nelle, elles, sont exonérées d’impôt en partie ou en totalité selon leur montant et leur origine. Si celles que vous obtenez sont en partie fiscalisée­s, cette fraction sera considérée comme un revenu exceptionn­el de 2018, et donc imposée normalemen­t. Pour ces indemnités de rupture convention­nelle, il n’y a pas d’intérêt à partir cette année plutôt que l’an prochain.

Je vais partir travailler à l’étranger le 1er avril 2019. Que dois-je faire ?

D’abord, vous devrez avertir le centre des impôts de votre nouvelle adresse ; les formalités en cas de départ à l’étranger ne sont pas modifiées par le prélèvemen­t à la source. Ensuite, comme vous aurez perçu des revenus en France les trois premiers mois de l’année 2019, vous devrez remplir une déclaratio­n de revenus en mai-juin 2020 pour « régularise­r votre situation fiscale et payer éventuelle­ment le reliquat d’impôt que vous devez », précise Gaëlle Menu-lejeune. Comme le fisc a déjà prélevé l’impôt à la source sur vos salaires en janvier, février et mars, vous devriez avoir peu à débourser en septembre 2019 pour régularise­r votre situation.

Si mon employeur ne remplit pas ses obligation­s, contre qui se retournera le fisc ?

Si votre entreprise, à tort, n’effectue aucun prélèvemen­t ou un prélèvemen­t minoré, ou si elle ne reverse pas en totalité ou en partie à l’administra­tion fiscale les retenues effectuées, elle est seule responsabl­e.

Les services fiscaux se retournero­nt contre elle, en aucun cas contre vous. Puisque vous avez déjà été prélevé, vous ne serez pas « solidaire » du reversemen­t de l’impôt, et les montants prélevés seront pris en compte pour calculer le montant du solde de votre impôt. C’est seulement si les prélèvemen­ts effectués par l’employeur étaient inférieurs à ce que vous deviez réellement que vous auriez à verser le complément.

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Pour une première embauche en 2019, votre employeur appliquera le taux neutre.
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Pour les contrats courts et l’intérim, les prélèvemen­ts seront effectués par vos différents employeurs.
 ??  ?? Lorsque vous partez travailler quelques mois à l’étranger, le prélèvemen­t à la source stoppe et reprend à votre retour.
Lorsque vous partez travailler quelques mois à l’étranger, le prélèvemen­t à la source stoppe et reprend à votre retour.

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