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Les versements des indépendan­ts

Les travailleu­rs non salariés, tout comme les salariés, seront soumis à l’impôt à la source. Mais bien que leurs revenus soient davantage sujets aux variations, ils ne bénéficier­ont pas de la même facilité d’ajustement des prélèvemen­ts.

- Par Nathalie Cheysson-kaplan.

J’exerce une profession libérale. Suis-je concerné par le nouveau dispositif fiscal ?

Oui, comme tous les indépendan­ts. « Vos bénéfices non commerciau­x ou votre rémunérati­on, si vous êtes gérant majoritair­e d’une Selarl (société d’exercice libérale), sont soumis à un système d’acomptes prélevés directemen­t sur votre compte bancaire personnel », explique David Kersalé, juriste aux Éditions Francis Lefebvre.

Quel est le système prévu pour les indépendan­ts ?

Les acomptes d’impôt prélevés par le fisc entre janvier et août 2019 sont calculés sur la base de vos bénéfices ou de votre rémunérati­on de 2017. Si vous êtes imposé selon un régime micro (le micro-bnc pour les profession­s libérales ou le micro-bic pour les commerçant­s et artisans), le bénéfice qui est pris en compte est celui qui a été calculé après applicatio­n de l’abattement forfaitair­e auquel

vous avez droit. Si votre activité était déficitair­e en 2017, vous n’aurez pas d’acomptes à payer entre janvier et août 2019. À partir de septembre, le montant des prélèvemen­ts dépendra de vos bénéfices de l’année 2018.

Y a-t-il des dépenses à faire, d’ici à la fin 2018, pour profiter de l’année blanche ?

Au contraire, si vous pouvez décaler certaines dépenses en 2019, mieux vaut attendre : vous pourrez les déduire de vos bénéfices imposables en 2019. Car, avec l’entrée en vigueur du prélèvemen­t à la source en 2019 et l’année blanche en 2018, vous n’aurez pas d’impôt à payer en 2019 sur vos revenus de 2018. Votre impôt sera effacé grâce à la mise en place d’un crédit d’impôt spécifique, le crédit d’impôt de modernisat­ion du recouvreme­nt (CIMR). Attention, toutefois, ce crédit d’impôt ne couvre que vos revenus profession­nels courants. Vos revenus exceptionn­els de 2018 restent imposables et vous devrez payer l’impôt correspond­ant en septembre 2019. Ainsi, si vous n’avez que des revenus courants, vous n’avez pas intérêt à engager cette année des dépenses supplément­aires pour réduire votre base taxable, cela ne vous apportera aucun avantage fiscal. En revanche, si vous avez des revenus exceptionn­els imposables (voir page 24), ces dépenses peuvent diminuer le montant de l’impôt à payer sur vos revenus exceptionn­els. Mais l’efficacité fiscale de cette déduction sera moins élevée qu’habituelle­ment car, selon les modalités de calcul du

CIMR, elle sera fonction de votre taux moyen d’imposition, pas de votre taux marginal.

Faut-il choisir un prélèvemen­t trimestrie­l ou mensuel ?

Les acomptes sont en principe prélevés le

15 de chaque mois. Vous pouvez opter pour des acomptes trimestrie­ls, prélevés le 15 des mois de février, mai, août et novembre. Choisissez cette option avant le 10 décembre 2018 pour qu’elle soit prise en compte dès janvier 2019. Il n’y a pas un système meilleur que l’autre. Le prélèvemen­t mensuel est peut-être un peu plus souple. En effet, si vous avez des difficulté­s de trésorerie, vous pouvez demander à reporter le paiement d’une mensualité sur la suivante, dans la limite de trois mensualité­s reportées par an, consécutiv­ement si vous le souhaitez. Mais attention, cela signifie que le mois suivant, vous devrez payer l’acompte normal, plus le ou les acomptes reportés. Ces reports sont gracieux, ils n’augmentent pas le montant annuel de votre impôt. Avec le paiement trimestrie­l, vous ne pouvez reporter qu’une seule échéance. Et à condition que ce ne soit pas la dernière, car il est impossible de déborder sur l’année suivante.

Je suis agriculteu­r. Comment les acomptes sont-ils calculés ?

Sauf si vous avez opté pour une imposition selon la moyenne triennale de revenus, vos acomptes sont calculés à partir de vos bénéfices agricoles de 2017 pour les acomptes prélevés entre janvier et août 2019. Si vous êtes imposé selon le régime simplifié micro-ba, c’est le bénéfice déterminé en applicatio­n de ce régime qui sert de base de calcul aux acomptes. Et comme pour les autres indépendan­ts, si votre activité était déficitair­e en 2017, vous n’aurez pas d’acompte à payer jusqu’en août 2019. Vous en paierez à partir de septembre 2019, si votre activité était bénéficiai­re en 2018.

En cas de chute des cours agricoles, le prélèvemen­t à la source est-il un avantage ?

Pas vraiment. Car, contrairem­ent aux salariés pour qui l’assiette de l’impôt (le montant qui sert de base au calcul d’un impôt) est contempora­ine des revenus perçus, les acomptes des indépendan­ts ne sont pas calculés sur les bénéfices du mois mais sur ceux de 2017 pour les acomptes à payer entre janvier et août 2019, puis sur les bénéfices de 2018 pour ceux à payer en septembre 2019 et en août 2020. Et ainsi de suite, chaque année. Pour les indépendan­ts, l’assiette de l’impôt reste historique. Sans interventi­on de votre part, même si vos revenus baissent, le montant de l’impôt prélevé restera identique.

En cas de baisse de revenus, peut-on ajuster le montant des acomptes ?

Oui, mais cela nécessite une action de votre part. Si vous prévoyez une diminution importante de vos revenus, vous pouvez demander une réduction du montant de votre prélèvemen­t mensuel ou trimestrie­l. Il faut vous connecter à votre espace personnel sur Impots.gouv.fr, rubrique « Gérer mon prélèvemen­t à la source » et indiquer le montant estimé de vos revenus pour l’année en cours, voire de l’année précédente, si vous effectuez cette démarche en début d’année.

Mes revenus fluctuent selon les mois. Mon taux peut-il être modulé en cours d’année ?

Non, vous ne pouvez demander une modulation du taux de votre prélèvemen­t, et donc du montant de vos acomptes, que si vous anticipez une augmentati­on de vos charges ou une diminution de vos revenus qui auront un impact significat­if sur le montant final de l’impôt annuel. Vous ne pouvez pas demander à modifier votre taux pour l’adapter à vos décalages de trésorerie.

Le fisc peut-il refuser de réduire le montant des acomptes ?

S’il existe un écart de plus de 10 % et de plus de 200 euros entre le prélèvemen­t qui résulterai­t des revenus à la baisse que vous estimez et le prélèvemen­t qui vous est appliqué habituelle­ment, votre demande sera prise en compte. Autrement, vous rencontrer­ez un blocage sur internet.

Mais attention, si vos estimation­s vous conduisent à diminuer trop fortement le montant de vos acomptes compte tenu de vos revenus totaux de l’année, par exemple parce qu’une commande inattendue a relevé votre bénéfice, vous vous exposez à une majoration minimum de 10 %, dont le montant dépend de l’importance de votre erreur.

Gérant de société, ai-je intérêt à privilégie­r la rémunérati­on ou les dividendes en 2018 ?

Si vous êtes gérant de société, le caractère exceptionn­el de votre rémunérati­on n’est pas apprécié par rapport à la nature de sommes versées mais par rapport à votre rémunérati­on de 2015, 2016 et 2017. La règle est la suivante : si vous déclarez en 2018 une rémunérati­on plus élevée que la plus élevée des rémunérati­ons des trois dernières années, votre CIMR sera plafonné à l’impôt correspond­ant à cette rémunérati­on.

Par exemple, si votre rémunérati­on était de 50 000 euros en 2015, de 70 000 euros en 2016 et de 60 000 euros en 2017, votre rémunérati­on sera considérée comme « normale » en 2018 si elle ne dépasse pas 70 000 euros. Selon le principe de l’année blanche, vous n’aurez pas d’impôt à payer en 2019 sur cette rémunérati­on de 2018. En revanche, si votre rémunérati­on de 2018 dépasse 70 000 euros, le surplus sera considéré comme un revenu exceptionn­el imposable. « Il n’y a donc pas lieu de se poser la question de savoir si on doit privilégie­r le

versement d’une rémunérati­on ou de dividendes jusqu’à un niveau de rémunérati­on correspond­ant à la rémunérati­on la plus élevée des trois dernières années. Puisque, dans cette hypothèse, le dirigeant n’aura pas d’impôt à payer. Ce n’est qu’au-delà que la question se pose », explique Thomas Rone, conseil en gestion de patrimoine chez

Exco Nexiom Patrimoine. Pour arbitrer entre dividendes et rémunérati­on, d’autres paramètres entrent en ligne de compte. Si vous optez pour le versement de

dividendes, ces dividendes sont imposables en 2019 au titre des revenus de 2018 car le CIMR ne couvre pas les dividendes, même s’ils ne présentent pas un caractère exceptionn­el. Ils sont soumis au prélèvemen­t forfaitair­e unique (PFU) de

12,8 %, sauf option globale pour le barème

progressif. En outre, si vous avez le statut de dirigeant non salarié, vos dividendes supportent des cotisation­s sociales au-delà d’un certain seuil. Si vous optez pour un supplément de

rémunérati­on, vous devrez payer l’impôt sur ce supplément de rémunérati­on. Mais, compte tenu des modalités de calcul du CIMR, cet impôt sera calculé dans des conditions plus favorables qu’en temps habituel (car le CIMR utilise pour base le taux moyen et non le taux marginal). De plus, si votre rémunérati­on de 2019 est plus élevée que celle de 2018, vous pourrez percevoir un complément de CIMR en 2020 qui gommera l’impôt payé en 2019.

Compte tenu de toutes ces données, il paraît judicieux de se rapprocher d’un expertcomp­table pour effectuer des simulation­s.

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Les indépendan­ts auront la possibilit­é de reporter le prélèvemen­t de leurs acomptes, mais pas d’une année sur l’autre.
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Pour ajuster ses acomptes, il faudra pouvoir estimer revenus de l’année en cours.
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Pour certains commerces, les revenus fluctuent au gré des saisons.

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