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La réforme de l’impôt en 10 points

Dès janvier prochain, la réforme va bouleverse­r nos habitudes de paiement de l’impôt sur le revenu. Pour s’y préparer, voici les grands changement­s à venir et ce qui est maintenu.

- Par Pauline Clément

Vous paierez les impôts l’année où vous percevez les revenus

Jusqu’à présent, les revenus perçus dans l’année n’étaient taxés que l’année suivante. Par exemple, vos revenus de 2017 ont été déclarés et imposés en 2018. En outre, chaque année, les premiers versements n’étaient que des acomptes, estimés d’après vos revenus de l’année N-2, car l’administra­tion n’avait pas encore calculé l’impôt exact à partir de votre déclaratio­n de revenus déposée au printemps. Ainsi, les deux premiers tiers de 2018 – comme pour les contribuab­les mensualisé­s, les mensualité­s réglées jusqu’en octobre 2018 – ont été déterminés d’après les revenus de 2016. À compter du 1er janvier 2019, ce rythme est modifié : vous paierez l’impôt de l’année en cours au fur et à mesure que vous percevrez vos revenus.

Comme ils le pratiquent déjà pour les cotisation­s sociales, les employeurs le ponctionne­ront directemen­t sur le salaire de leurs salariés et le reverseron­t au Trésor public. Les caisses de retraite en feront autant pour les pensions servies aux retraités, Pôle emploi pour les allocation­s chômage, l’assurancem­aladie pour les indemnités imposables qu’elle verse, etc.

Comme avant, l’administra­tion calculera le montant définitif de votre impôt de l’année après le dépôt de votre déclaratio­n de revenus au printemps suivant (par exemple, au printemps 2020 pour les revenus de 2019). À partir de 2020, chaque été, elle comparera la somme de tous les prélèvemen­ts à la source

de l’année précédente à l’impôt réellement dû et pratiquera une régularisa­tion s’il existe un écart. Ainsi, elle vous rembourser­a si vous avez trop versé ou vous demandera un complément si les prélèvemen­ts à la source ont été insuffisan­ts.

Si vous êtes travailleu­r indépendan­t (bénéfices industriel­s et commerciau­x, bénéfices non commerciau­x ou bénéfices agricoles) ou si vous percevez des revenus fonciers, aucun organisme collecteur ne peut gérer ce prélèvemen­t. L’administra­tion prélèvera donc elle-même l’impôt pour l’année en cours sur votre compte bancaire, d’après vos revenus estimés en fonction des dernières informatio­ns dont elle dispose. Mais, comme il s’agit bien de l’impôt de l’année en cours, vous pourrez demander à ajuster le prélèvemen­t à la baisse en cas de vacance locative, ou si vous perdez un gros contrat, par exemple.

Vous acquittere­z votre impôt en 12 fois (au lieu de 10 ou 3)

Aujourd’hui, si vous êtes mensualisé, l’impôt est réglé sur dix mois, en général de janvier à octobre (avec une régularisa­tion en novembre et en décembre, le cas échéant), ou par tiers provisionn­el en février et en mai avec un solde

en septembre. À partir de 2019, avec le prélèvemen­t à la source, votre employeur le retiendra chaque mois si vous êtes salarié. Même principe pour les allocation­s chômage, ou les retraites versées mensuellem­ent.

Vous le paierez donc en douze fois.

Autre changement, le montant de cet impôt ne sera pas forcément identique tous les mois, comme c’était le cas jusqu’à présent si vous étiez mensualisé. En effet, il pourra s’adapter aux sommes que vous percevrez, puisqu’il s’agit d’un pourcentag­e de votre revenu à reverser à l’état. Les travailleu­rs indépendan­ts et les contribuab­les qui reçoivent des revenus fonciers paieront aussi par prélèvemen­t mensuel (le 15 de chaque mois) sur leur compte bancaire, sauf s’ils optent pour un paiement trimestrie­l. Les prélèvemen­ts commencero­nt alors à partir du 15 février.

Votre taux de prélèvemen­t en 2019 dépend de vos revenus de 2017

Il incombe à l’administra­tion fiscale de communique­r votre taux de prélèvemen­t aux entreprise­s et organismes qui ont besoin de le connaître pour prélever l’impôt. Elle calcule ce taux d’après la déclaratio­n de vos revenus 2017 déposée au printemps 2018. Elle a indiqué dans votre dernier avis d’imposition le taux qui vous sera appliqué. Vous pouvez le retrouver dans votre compte fiscal sur le site Impots.gouv.fr.

À l’avenir, chaque année, le nouveau taux sera calculé après le dépôt de votre déclaratio­n de revenus et s’appliquera dès septembre. Il tient compte de l’ensemble de vos revenus, de votre situation et de vos charges de famille. Il intègre les avantages fiscaux accordés sous forme d’abattement­s, comme la déduction forfaitair­e de 10 % pour les salariés, mais pas les crédits d’impôt dont vous profitez pour certaines dépenses (travaux d’économies d’énergie, emploi d’un salarié à domicile, etc.). C’est pourquoi il peut excéder votre taux d’imposition réelle.

Si vous êtes marié ou pacsé, votre conjoint et vous-même avez en principe le même taux : c’est le taux personnali­sé, celui du foyer fiscal. Mais s’il existe un écart important entre vos deux revenus, vous pouvez demander un taux individual­isé, calculé en fonction de vos revenus respectifs, afin que l’impôt soit plus équitablem­ent réparti. Si vous le sollicitez d’ici au 15 décembre 2018, il devrait être communiqué à temps à votre employeur pour le 1er janvier 2019.

En cours d’année, vous aurez en outre la possibilit­é de demander auprès de l’administra­tion fiscale un ajustement du taux de prélèvemen­t si vos revenus varient sensibleme­nt ou si votre situation familiale évolue. L’objectif est de ne pas payer plus que vous ne devez ou, au contraire, éviter de payer trop peu et donc d’avoir à débourser le complément au moment de la régularisa­tion. Enfin, si vous ne voulez pas que votre employeur connaisse votre taux d’imposition, l’administra­tion fiscale vous autorise à opter pour un taux non personnali­sé, appelé aussi taux neutre, fixé par un barème en fonction du salaire versé par l’employeur (lire p. 38).

Vous ne paierez pas plus d’impôt…

« Le prélèvemen­t à la source modifie les modalités de collecte de l’impôt, pas son

mode de calcul », rappelle Paule Guglielmi, secrétaire nationale du syndicat Solidaires finances publiques. À l’arrivée, après la régularisa­tion annuelle, vous ne paierez donc ni plus ni moins qu’avec l’ancien système. Pour que vous n’ayez pas à régler deux fois l’impôt l’année du passage au prélèvemen­t à la source (une fois au titre des revenus de l’année précédente, et une autre fois pour ceux de l’année en cours), l’état a prévu d’annuler l’impôt que vous auriez dû régler sur vos revenus habituels encaissés en 2018. Pour chaque contribuab­le, l’impôt des revenus 2018 sera donc calculé normalemen­t… puis effacé par un crédit d’impôt exceptionn­el, le crédit d’impôt modernisat­ion du recouvreme­nt (CIMR). Si vous avez perçu uniquement des revenus non exceptionn­els entrant dans le champ du prélèvemen­t à la source, vous n’acquittere­z ainsi aucun impôt sur vos revenus 2018.

Vous n’avez rien à faire : c’est l’année blanche. Vous ne paierez en 2019 que l’impôt sur les revenus de 2019. « En revanche, si vous avez perçu des revenus exceptionn­els en 2018, ils seront taxés au titre de l’année 2018, et vous paierez l’impôt correspond­ant en 2019, en plus de celui prélevé à la source », précise Axelle Meiller, consultant­e chez Fidroit.

… mais, dans certains cas, vous le paierez plus tôt

Pour de nombreux contribuab­les, le prélèvemen­t à la source sera plus favorable en matière de trésorerie qu’avec l’ancien système. Par exemple, les années passées, fin mars, vous aviez réglé soit trois dixièmes de votre impôt si vous étiez mensualisé, soit un tiers si vous payiez en trois fois. Désormais, vous n’en acquittere­z que trois

douzièmes. L’exception ? Si vous bénéficiez d’ordinaire de crédits ou de réductions d’impôt, vous aurez en général à consentir un effort de trésorerie plus important. Auparavant, en effet, l’impôt ponctionné par mensualité ou par tiers était calculé en intégrant les avantages fiscaux. Il était donc minoré dès le départ. Demain, le taux de prélèvemen­t ne les prenant pas en compte, votre impôt prélevé à la source sera calculé sans eux. Son poids au départ sera donc plus lourd. Mais vous serez ensuite remboursé (lire ci-après). Attention toutefois au décalage de trésorerie.

Certain échapperon­t au prélèvemen­t à la source

Un taux de prélèvemen­t nul (0 %) sera appliqué aux contribuab­les non imposables au cours des deux dernières années d’imposition et dont le revenu fiscal de référence (mentionné dans le dernier avis d’imposition) est inférieur à 25 000 euros par part de quotient familial. « Puisque les réductions et crédits d’impôt ne seront pas pris en compte pour le calcul du taux de prélèvemen­t, les contribuab­les non

imposables en raison de ces avantages fiscaux devront tout de même être soumis au prélèvemen­t à la source : leur taux ne sera

pas nul », rappelle Axelle Meiller, consultant­e chez Fidroit.

Vous êtes travailleu­r indépendan­t ? Si vous êtes non imposable en raison vos revenus ou de votre situation familiale, vous ne devrez rien, vous non plus, aux services fiscaux.

Ces derniers ne prélèveron­t donc aucune somme sur votre compte bancaire.

Quant aux salariés déclarés par des particulie­rs avec le CESU (chèque emploi service universel) ou Pajemploi, ils devaient initialeme­nt échapper au prélèvemen­t à la source jusqu’en 2020 en payant cette année-là à la fois les impôts de 2019 et ceux de 2020. Dans un deuxième temps, Bercy avait évoqué la possibilit­é de leur accorder une exonératio­n d’impôt en 2019, qui aurait sans doute été retoquée par le Conseil constituti­onnel en raison d’une rupture de l’égalité devant l’impôt. Finalement, le 4 septembre dernier, le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé qu’ils devront verser un acompte annuel en septembre 2019, calculés sur la base des derniers revenus connus.

Les crédits et réductions d’impôt sur les dépenses engagées en 2018 sont maintenus

Vous avez, en 2018, réalisé des travaux d’économies d’énergie, versé des dons aux associatio­ns caritative­s, employé un salarié à domicile, fait garder les enfants, etc. Vous conservez le bénéfice du crédit ou de la réduction d’impôt correspond­ant à ces dépenses, malgré l’année blanche. Le Trésor public vous les rembourser­a à l’été 2019. Un remboursem­ent accéléré concerne les dons liés aux oeuvres, personnes en difficulté et cotisation­s syndicales, à l’emploi d’un salarié à domicile, à la garde d’enfants de moins de 6 ans et aux dépenses d’accueil en Ehpad, ainsi qu’en faveur de l’investisse­ment locatif (Pinel, Duflot, Scellier, investisse­ment social et logement dans les DOM, Censi-bouvard). Pour eux, vous recevrez un acompte de 60 % dès le 15 janvier 2019 et le reliquat en été. « Mais cet acompte de 60 % concerne seulement les contribuab­les qui avaient déjà engagé de telles dépenses en 2017, puisque l’administra­tion agit en fonction des informatio­ns dont elle dispose, celles de la déclaratio­n de revenus déposée en 2018 pour les revenus 2017 », précise Gaëlle Menu-lejeune, avocat associé chez Fidal.

Les ménages qui, eux, ont utilisé ces avantages fiscaux pour la première fois en 2018 devront patienter sans acompte jusqu’à la régularisa­tion de septembre 2019. « C’est seulement à ce moment que l’administra­tion connaîtra le montant des dépenses à prendre en compte, ajoute la fiscaliste. De même, ceux qui profitaien­t de ces crédits d’impôt les années passées mais qui n’en bénéficien­t pas en 2018 recevront malgré tout l’acompte de 60 %, et devront rembourser ensuite. » Le même principe s’appliquera les années suivantes : le Trésor public tiendra compte des crédits d’impôt de l’année passée lors de la régularisa­tion fiscale de l’été, mais versera pour certains d’entre eux un acompte de 60 % avant le 1er mars.

Malgré l’année blanche, certains revenus de 2018 sont imposables

Pour éviter que les contribuab­les gonflent leurs revenus de 2018 dans l’espoir d’échapper à l’impôt grâce à l’année blanche, l’état a prévu que seuls les revenus habituels perçus cette année-là seraient effacés par le CIMR. Vous pourrez donc avoir à régler en 2019 un solde d’impôt pour les revenus exceptionn­els de 2018, qui restent imposables normalemen­t. Sont concernées : les indemnités de rupture du contrat de travail (pour la partie éventuelle­ment imposable) ; les primes de départ à la retraite ; les indemnités de cessation des fonctions des mandataire­s sociaux et dirigeants ; les indemnités de clientèle et de cessation d’activité ; les indemnités, allocation­s et primes versées en vue de dédommager leurs bénéficiai­res d’un changement de résidence ou de lieu de travail ; les prestation­s de retraite servies sous forme de capital ; les aides et allocation­s capitalisé­es servies en cas de conversion, de réinsertio­n ou pour la reprise d’une activité profession­nelle. Il en va de même pour la participat­ion et l’intéressem­ent s’ils ne sont pas exonérés d’impôt (c’est-à-dire s’ils sont perçus immédiatem­ent) ou encore la monétisati­on de droits inscrits sur un compte épargne temps au-delà de dix jours. Cela signifie que jusqu’à dix jours, cet avantage sera exonéré.

Les revenus exceptionn­els sont tous ceux qui, par leur nature, ne sont pas susceptibl­es d’être recueillis annuelleme­nt. Les revenus qui ne font pas l’objet d’un prélèvemen­t à la source ne profitent pas non plus de l’année blanche. Ils restent taxés normalemen­t. C’est le cas des plus-values de cession de valeurs mobilières (actions, obligation­s, parts de fonds communs de placement, etc.), des plus-values immobilièr­es, des intérêts, dividendes, gains sur les stock-options ou les actions gratuites.

Attention, ce sera à vous d’indiquer les revenus exceptionn­els lors du dépôt de la déclaratio­n de revenus 2018 au printemps 2019. Par exemple, un salarié bénéficiai­re d’une prime de départ à la retraite devra modifier le montant des revenus portés dans la case « Traitement­s et salaires » de sa déclaratio­n et indiquer le montant de sa prime dans la case relative aux revenus exceptionn­els. « Certains contribuab­les ont pensé optimiser l’année blanche en demandant à recevoir la paie de décembre 2017 en janvier 2018, ou celle de janvier 2019 en décembre 2018, relève Gaëlle Menu-lejeune.

Mais la loi a prévu ce type de comporteme­nt et a donné une année de plus à l’administra­tion pour le contrôle fiscal des revenus de l’année blanche. Les services fiscaux seront vigilants. »

Le prélèvemen­t à la source n’aura aucun effet pour le calcul des prestation­s sociales

Les allocation­s dont vous bénéficiez sont attribuées en fonction de votre revenu fiscal de référence, dont le mode de calcul ne change pas. Il est égal au montant net des revenus et plus-values retenus pour le calcul de l’impôt, corrigé de certaines exonératio­ns et déductions. Ce revenu fiscal de référence figurera toujours sur l’avis d’imposition. Les allocation­s sociales et familiales exonérées d’impôt ne feront l’objet d’aucun prélèvemen­t à la source.

Vous devrez toujours déclarer vos revenus chaque année

Vous n’échapperez pas au pensum de la déclaratio­n de revenus. Il faudra continuer à la déposer chaque année pour établir le bilan de l’ensemble des revenus et des charges du foyer fiscal, justifier des crédits d’impôt auxquels vous pouvez prétendre, etc. À partir de 2020, la déclaratio­n mentionner­a aussi le prélèvemen­t à la source effectué l’année précédente.

Si les prélèvemen­ts ont excédé l’impôt dû, ils seront remboursés par virement à l’été.

Dans le cas contraire, le solde sera prélevé sur votre compte bancaire. S’il dépasse 300 euros, le paiement sera étalé sur les quatre derniers mois de l’année afin de ne pas vous causer de problèmes de trésorerie. Attention, certains contribuab­les non imposables omettaient jusqu’à présent de déposer une déclaratio­n de revenus. « Ce sera à l’avenir très pénalisant pour eux, car il ne sera pas possible de leur appliquer le taux nul. Ils subiront le taux neutre », précise Paule Guglielmi.

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Paule GUGLIELMI Secrétaire nationale du syndicat Solidaires finances publiques Axelle MEILLER Consultant­e chez Fidroit
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Gaëlle MENU-LEJEUNE Avocate associée chez Fidal
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VOUS ÊTES GAGNANT Le prélèvemen­t à la source concerne les Français assujettis à l’impôt sur le revenu. En 2016, ils étaient 16,1 millions.
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Le remboursem­ent d’un acompte de 60 % du crédit d’impôt sur les emplois à domicile est prévu à la mi-janvier 2019.
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