La réforme de l’impôt en 10 points
Dès janvier prochain, la réforme va bouleverser nos habitudes de paiement de l’impôt sur le revenu. Pour s’y préparer, voici les grands changements à venir et ce qui est maintenu.
Vous paierez les impôts l’année où vous percevez les revenus
Jusqu’à présent, les revenus perçus dans l’année n’étaient taxés que l’année suivante. Par exemple, vos revenus de 2017 ont été déclarés et imposés en 2018. En outre, chaque année, les premiers versements n’étaient que des acomptes, estimés d’après vos revenus de l’année N-2, car l’administration n’avait pas encore calculé l’impôt exact à partir de votre déclaration de revenus déposée au printemps. Ainsi, les deux premiers tiers de 2018 – comme pour les contribuables mensualisés, les mensualités réglées jusqu’en octobre 2018 – ont été déterminés d’après les revenus de 2016. À compter du 1er janvier 2019, ce rythme est modifié : vous paierez l’impôt de l’année en cours au fur et à mesure que vous percevrez vos revenus.
Comme ils le pratiquent déjà pour les cotisations sociales, les employeurs le ponctionneront directement sur le salaire de leurs salariés et le reverseront au Trésor public. Les caisses de retraite en feront autant pour les pensions servies aux retraités, Pôle emploi pour les allocations chômage, l’assurancemaladie pour les indemnités imposables qu’elle verse, etc.
Comme avant, l’administration calculera le montant définitif de votre impôt de l’année après le dépôt de votre déclaration de revenus au printemps suivant (par exemple, au printemps 2020 pour les revenus de 2019). À partir de 2020, chaque été, elle comparera la somme de tous les prélèvements à la source
de l’année précédente à l’impôt réellement dû et pratiquera une régularisation s’il existe un écart. Ainsi, elle vous remboursera si vous avez trop versé ou vous demandera un complément si les prélèvements à la source ont été insuffisants.
Si vous êtes travailleur indépendant (bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux ou bénéfices agricoles) ou si vous percevez des revenus fonciers, aucun organisme collecteur ne peut gérer ce prélèvement. L’administration prélèvera donc elle-même l’impôt pour l’année en cours sur votre compte bancaire, d’après vos revenus estimés en fonction des dernières informations dont elle dispose. Mais, comme il s’agit bien de l’impôt de l’année en cours, vous pourrez demander à ajuster le prélèvement à la baisse en cas de vacance locative, ou si vous perdez un gros contrat, par exemple.
Vous acquitterez votre impôt en 12 fois (au lieu de 10 ou 3)
Aujourd’hui, si vous êtes mensualisé, l’impôt est réglé sur dix mois, en général de janvier à octobre (avec une régularisation en novembre et en décembre, le cas échéant), ou par tiers provisionnel en février et en mai avec un solde
en septembre. À partir de 2019, avec le prélèvement à la source, votre employeur le retiendra chaque mois si vous êtes salarié. Même principe pour les allocations chômage, ou les retraites versées mensuellement.
Vous le paierez donc en douze fois.
Autre changement, le montant de cet impôt ne sera pas forcément identique tous les mois, comme c’était le cas jusqu’à présent si vous étiez mensualisé. En effet, il pourra s’adapter aux sommes que vous percevrez, puisqu’il s’agit d’un pourcentage de votre revenu à reverser à l’état. Les travailleurs indépendants et les contribuables qui reçoivent des revenus fonciers paieront aussi par prélèvement mensuel (le 15 de chaque mois) sur leur compte bancaire, sauf s’ils optent pour un paiement trimestriel. Les prélèvements commenceront alors à partir du 15 février.
Votre taux de prélèvement en 2019 dépend de vos revenus de 2017
Il incombe à l’administration fiscale de communiquer votre taux de prélèvement aux entreprises et organismes qui ont besoin de le connaître pour prélever l’impôt. Elle calcule ce taux d’après la déclaration de vos revenus 2017 déposée au printemps 2018. Elle a indiqué dans votre dernier avis d’imposition le taux qui vous sera appliqué. Vous pouvez le retrouver dans votre compte fiscal sur le site Impots.gouv.fr.
À l’avenir, chaque année, le nouveau taux sera calculé après le dépôt de votre déclaration de revenus et s’appliquera dès septembre. Il tient compte de l’ensemble de vos revenus, de votre situation et de vos charges de famille. Il intègre les avantages fiscaux accordés sous forme d’abattements, comme la déduction forfaitaire de 10 % pour les salariés, mais pas les crédits d’impôt dont vous profitez pour certaines dépenses (travaux d’économies d’énergie, emploi d’un salarié à domicile, etc.). C’est pourquoi il peut excéder votre taux d’imposition réelle.
Si vous êtes marié ou pacsé, votre conjoint et vous-même avez en principe le même taux : c’est le taux personnalisé, celui du foyer fiscal. Mais s’il existe un écart important entre vos deux revenus, vous pouvez demander un taux individualisé, calculé en fonction de vos revenus respectifs, afin que l’impôt soit plus équitablement réparti. Si vous le sollicitez d’ici au 15 décembre 2018, il devrait être communiqué à temps à votre employeur pour le 1er janvier 2019.
En cours d’année, vous aurez en outre la possibilité de demander auprès de l’administration fiscale un ajustement du taux de prélèvement si vos revenus varient sensiblement ou si votre situation familiale évolue. L’objectif est de ne pas payer plus que vous ne devez ou, au contraire, éviter de payer trop peu et donc d’avoir à débourser le complément au moment de la régularisation. Enfin, si vous ne voulez pas que votre employeur connaisse votre taux d’imposition, l’administration fiscale vous autorise à opter pour un taux non personnalisé, appelé aussi taux neutre, fixé par un barème en fonction du salaire versé par l’employeur (lire p. 38).
Vous ne paierez pas plus d’impôt…
« Le prélèvement à la source modifie les modalités de collecte de l’impôt, pas son
mode de calcul », rappelle Paule Guglielmi, secrétaire nationale du syndicat Solidaires finances publiques. À l’arrivée, après la régularisation annuelle, vous ne paierez donc ni plus ni moins qu’avec l’ancien système. Pour que vous n’ayez pas à régler deux fois l’impôt l’année du passage au prélèvement à la source (une fois au titre des revenus de l’année précédente, et une autre fois pour ceux de l’année en cours), l’état a prévu d’annuler l’impôt que vous auriez dû régler sur vos revenus habituels encaissés en 2018. Pour chaque contribuable, l’impôt des revenus 2018 sera donc calculé normalement… puis effacé par un crédit d’impôt exceptionnel, le crédit d’impôt modernisation du recouvrement (CIMR). Si vous avez perçu uniquement des revenus non exceptionnels entrant dans le champ du prélèvement à la source, vous n’acquitterez ainsi aucun impôt sur vos revenus 2018.
Vous n’avez rien à faire : c’est l’année blanche. Vous ne paierez en 2019 que l’impôt sur les revenus de 2019. « En revanche, si vous avez perçu des revenus exceptionnels en 2018, ils seront taxés au titre de l’année 2018, et vous paierez l’impôt correspondant en 2019, en plus de celui prélevé à la source », précise Axelle Meiller, consultante chez Fidroit.
… mais, dans certains cas, vous le paierez plus tôt
Pour de nombreux contribuables, le prélèvement à la source sera plus favorable en matière de trésorerie qu’avec l’ancien système. Par exemple, les années passées, fin mars, vous aviez réglé soit trois dixièmes de votre impôt si vous étiez mensualisé, soit un tiers si vous payiez en trois fois. Désormais, vous n’en acquitterez que trois
douzièmes. L’exception ? Si vous bénéficiez d’ordinaire de crédits ou de réductions d’impôt, vous aurez en général à consentir un effort de trésorerie plus important. Auparavant, en effet, l’impôt ponctionné par mensualité ou par tiers était calculé en intégrant les avantages fiscaux. Il était donc minoré dès le départ. Demain, le taux de prélèvement ne les prenant pas en compte, votre impôt prélevé à la source sera calculé sans eux. Son poids au départ sera donc plus lourd. Mais vous serez ensuite remboursé (lire ci-après). Attention toutefois au décalage de trésorerie.
Certain échapperont au prélèvement à la source
Un taux de prélèvement nul (0 %) sera appliqué aux contribuables non imposables au cours des deux dernières années d’imposition et dont le revenu fiscal de référence (mentionné dans le dernier avis d’imposition) est inférieur à 25 000 euros par part de quotient familial. « Puisque les réductions et crédits d’impôt ne seront pas pris en compte pour le calcul du taux de prélèvement, les contribuables non
imposables en raison de ces avantages fiscaux devront tout de même être soumis au prélèvement à la source : leur taux ne sera
pas nul », rappelle Axelle Meiller, consultante chez Fidroit.
Vous êtes travailleur indépendant ? Si vous êtes non imposable en raison vos revenus ou de votre situation familiale, vous ne devrez rien, vous non plus, aux services fiscaux.
Ces derniers ne prélèveront donc aucune somme sur votre compte bancaire.
Quant aux salariés déclarés par des particuliers avec le CESU (chèque emploi service universel) ou Pajemploi, ils devaient initialement échapper au prélèvement à la source jusqu’en 2020 en payant cette année-là à la fois les impôts de 2019 et ceux de 2020. Dans un deuxième temps, Bercy avait évoqué la possibilité de leur accorder une exonération d’impôt en 2019, qui aurait sans doute été retoquée par le Conseil constitutionnel en raison d’une rupture de l’égalité devant l’impôt. Finalement, le 4 septembre dernier, le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé qu’ils devront verser un acompte annuel en septembre 2019, calculés sur la base des derniers revenus connus.
Les crédits et réductions d’impôt sur les dépenses engagées en 2018 sont maintenus
Vous avez, en 2018, réalisé des travaux d’économies d’énergie, versé des dons aux associations caritatives, employé un salarié à domicile, fait garder les enfants, etc. Vous conservez le bénéfice du crédit ou de la réduction d’impôt correspondant à ces dépenses, malgré l’année blanche. Le Trésor public vous les remboursera à l’été 2019. Un remboursement accéléré concerne les dons liés aux oeuvres, personnes en difficulté et cotisations syndicales, à l’emploi d’un salarié à domicile, à la garde d’enfants de moins de 6 ans et aux dépenses d’accueil en Ehpad, ainsi qu’en faveur de l’investissement locatif (Pinel, Duflot, Scellier, investissement social et logement dans les DOM, Censi-bouvard). Pour eux, vous recevrez un acompte de 60 % dès le 15 janvier 2019 et le reliquat en été. « Mais cet acompte de 60 % concerne seulement les contribuables qui avaient déjà engagé de telles dépenses en 2017, puisque l’administration agit en fonction des informations dont elle dispose, celles de la déclaration de revenus déposée en 2018 pour les revenus 2017 », précise Gaëlle Menu-lejeune, avocat associé chez Fidal.
Les ménages qui, eux, ont utilisé ces avantages fiscaux pour la première fois en 2018 devront patienter sans acompte jusqu’à la régularisation de septembre 2019. « C’est seulement à ce moment que l’administration connaîtra le montant des dépenses à prendre en compte, ajoute la fiscaliste. De même, ceux qui profitaient de ces crédits d’impôt les années passées mais qui n’en bénéficient pas en 2018 recevront malgré tout l’acompte de 60 %, et devront rembourser ensuite. » Le même principe s’appliquera les années suivantes : le Trésor public tiendra compte des crédits d’impôt de l’année passée lors de la régularisation fiscale de l’été, mais versera pour certains d’entre eux un acompte de 60 % avant le 1er mars.
Malgré l’année blanche, certains revenus de 2018 sont imposables
Pour éviter que les contribuables gonflent leurs revenus de 2018 dans l’espoir d’échapper à l’impôt grâce à l’année blanche, l’état a prévu que seuls les revenus habituels perçus cette année-là seraient effacés par le CIMR. Vous pourrez donc avoir à régler en 2019 un solde d’impôt pour les revenus exceptionnels de 2018, qui restent imposables normalement. Sont concernées : les indemnités de rupture du contrat de travail (pour la partie éventuellement imposable) ; les primes de départ à la retraite ; les indemnités de cessation des fonctions des mandataires sociaux et dirigeants ; les indemnités de clientèle et de cessation d’activité ; les indemnités, allocations et primes versées en vue de dédommager leurs bénéficiaires d’un changement de résidence ou de lieu de travail ; les prestations de retraite servies sous forme de capital ; les aides et allocations capitalisées servies en cas de conversion, de réinsertion ou pour la reprise d’une activité professionnelle. Il en va de même pour la participation et l’intéressement s’ils ne sont pas exonérés d’impôt (c’est-à-dire s’ils sont perçus immédiatement) ou encore la monétisation de droits inscrits sur un compte épargne temps au-delà de dix jours. Cela signifie que jusqu’à dix jours, cet avantage sera exonéré.
Les revenus exceptionnels sont tous ceux qui, par leur nature, ne sont pas susceptibles d’être recueillis annuellement. Les revenus qui ne font pas l’objet d’un prélèvement à la source ne profitent pas non plus de l’année blanche. Ils restent taxés normalement. C’est le cas des plus-values de cession de valeurs mobilières (actions, obligations, parts de fonds communs de placement, etc.), des plus-values immobilières, des intérêts, dividendes, gains sur les stock-options ou les actions gratuites.
Attention, ce sera à vous d’indiquer les revenus exceptionnels lors du dépôt de la déclaration de revenus 2018 au printemps 2019. Par exemple, un salarié bénéficiaire d’une prime de départ à la retraite devra modifier le montant des revenus portés dans la case « Traitements et salaires » de sa déclaration et indiquer le montant de sa prime dans la case relative aux revenus exceptionnels. « Certains contribuables ont pensé optimiser l’année blanche en demandant à recevoir la paie de décembre 2017 en janvier 2018, ou celle de janvier 2019 en décembre 2018, relève Gaëlle Menu-lejeune.
Mais la loi a prévu ce type de comportement et a donné une année de plus à l’administration pour le contrôle fiscal des revenus de l’année blanche. Les services fiscaux seront vigilants. »
Le prélèvement à la source n’aura aucun effet pour le calcul des prestations sociales
Les allocations dont vous bénéficiez sont attribuées en fonction de votre revenu fiscal de référence, dont le mode de calcul ne change pas. Il est égal au montant net des revenus et plus-values retenus pour le calcul de l’impôt, corrigé de certaines exonérations et déductions. Ce revenu fiscal de référence figurera toujours sur l’avis d’imposition. Les allocations sociales et familiales exonérées d’impôt ne feront l’objet d’aucun prélèvement à la source.
Vous devrez toujours déclarer vos revenus chaque année
Vous n’échapperez pas au pensum de la déclaration de revenus. Il faudra continuer à la déposer chaque année pour établir le bilan de l’ensemble des revenus et des charges du foyer fiscal, justifier des crédits d’impôt auxquels vous pouvez prétendre, etc. À partir de 2020, la déclaration mentionnera aussi le prélèvement à la source effectué l’année précédente.
Si les prélèvements ont excédé l’impôt dû, ils seront remboursés par virement à l’été.
Dans le cas contraire, le solde sera prélevé sur votre compte bancaire. S’il dépasse 300 euros, le paiement sera étalé sur les quatre derniers mois de l’année afin de ne pas vous causer de problèmes de trésorerie. Attention, certains contribuables non imposables omettaient jusqu’à présent de déposer une déclaration de revenus. « Ce sera à l’avenir très pénalisant pour eux, car il ne sera pas possible de leur appliquer le taux nul. Ils subiront le taux neutre », précise Paule Guglielmi.