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Travail dominical, quels sont vos droits ?

RÉCEMMENT, DEUX EMPLOYÉES D’UNE ENSEIGNE DE LA DISTRIBUTI­ON ONT ÉTÉ LICENCIÉES POUR AVOIR REFUSÉ D’OCCUPER LEUR POSTE LE DIMANCHE. L’OCCASION DE RÉVISER LES RÈGLES QUI S’APPLIQUENT AU TRAVAIL PENDANT UN JOUR EN PRINCIPE CHÔMÉ.

- Par Marion Esquerré

DANS QUELS CAS EST-IL AUTORISÉ ?

Le repos hebdomadai­re doit être donné aux salariés, en principe, le dimanche. Mais, traditionn­ellement, certaines activités bénéficien­t de dérogation­s permanente­s de droit. Il s’agit des activités essentiell­es à la population (soins médicaux, sécurité, transports, etc.), des loisirs au sens large (musées, salles de spectacles, hôtels, cafés et restaurant­s, équipement­s sportifs, etc.), des activités liées au vivant (fleurister­ie, animalerie, etc.) ou des activités industriel­les qui doivent fonctionne­r en continu (fours industriel­s, procédés chimiques, etc.). Dans le commerce, sont concernés les magasins de détail alimentair­es, jusqu’à 13 heures, de

bricolage et d’ameublemen­t. En parallèle, les dérogation­s se sont multipliée­s pour les commerces de détail de biens et de services. Depuis la loi Macron de 2015, le travail dominical est autorisé en permanence dans les zones – définies par arrêtés ministérie­ls – dites « de tourisme internatio­nal » (ZTI), « commercial­es » (ZC), « touristiqu­es » (ZT) et les « gares d’affluence exceptionn­elle ». Ailleurs, les commerces bénéficien­t de la possibilit­é d’ouvrir douze dimanches par an sur autorisati­on du maire (« les dimanches du maire »). Enfin, le préfet a le pouvoir de donner des dérogation­s temporaire­s pour une durée maximale de trois ans. « À l’origine, explique Vincent Lecourt, avocat, l’idée était de pouvoir répondre à une situation particuliè­re, telle qu’une catastroph­e naturelle ou un événement d’une ampleur exceptionn­elle. »

POUVEZ-VOUS REFUSER DE TRAVAILLER LE DIMANCHE ?

« Le principe reste que l’employeur ne peut pas imposer à un salarié de travailler le dimanche, indique Vincent Lecourt. Il faut qu’il obtienne son accord. » Mais si la possibilit­é de travailler le dimanche est inscrite dans le contrat de travail, il devient compliqué de refuser... Il en va autrement dans le cadre des dérogation­s liées à la zone d’implantati­on et des « dimanches du maire ». Là, le salarié doit être volontaire et peut revenir sur son volontaria­t quand il le souhaite. En pratique, souligne Céline Carlen, secrétaire générale de l’union syndicale CGT du commerce et des services de Paris, « les accords de mise en place du travail dominical sont rédigés de telle sorte que le changement est rarement appliqué immédiatem­ent, sous couvert de contrainte­s d’organisati­on de l’entreprise ».

QUE RISQUEZ-VOUS ?

En soi, le refus ne peut pas être un motif de sanction ou de licencieme­nt pour faute, a fortiori là où le principe du volontaria­t est de mise. « Cela renvoie à l’affaire du magasin Cora où deux salariées ont été licenciées pour faute grave pour avoir refusé de travailler le dimanche. Le motif n’était pas valable », commente Vincent Lecourt. Éventuelle­ment, l’employeur pourrait invoquer un motif économique. « À condition qu’il démontre qu’il n’avait pas d’autres solutions que d’imposer le travail dominical au salarié concerné », préciset-il. Dans l’affaire Cora, le refus de ces deux employées n’a pas empêché le magasin de fonctionne­r.

DES RAISONS FAMILIALES OU DE SANTÉ SONT-ELLES VALABLES POUR DIRE NON ?

Ce ne sont pas des motifs opposables à l’employeur. Toutefois, au cas par cas, des arguments peuvent être avancés.

« On pourrait imaginer que dans certains commerces l’affluence soit plus forte les

samedis et dimanches, et que donc le travail soit plus pénible pour un salarié fragile », dit Vincent Lecourt. De même, le travail dominical peut avoir un impact négatif sur la vie familiale, au point de constituer un risque psychosoci­al pour l’employé. « Dans tous les cas, seul le médecin du travail peut imposer à l’employeur

un aménagemen­t des horaires », insiste-il. À noter : il est préférable de signaler ses difficulté­s à l’employeur par écrit. Soit il les prendra en compte pour tenter de trouver une solution. Soit, en cas de contentieu­x devant la justice, cet écrit sera le gage de votre bonne foi dans l’exécution du contrat de travail. LE SALAIRE SERA-T-IL MAJORÉ LE DIMANCHE ?

Contrairem­ent aux idées reçues, le travail dominical ne donne pas systématiq­uement

lieu à des compensati­ons. « Il y a presque autant de règles que de types de dérogation­s et d’accords de mise

en oeuvre », souligne Vincent Lecourt. Au regard de la loi, les dérogation­s permanente­s de droit – qui font du travail dominical une norme – ne renvoient à aucune majoration de salaire, excepté dans les commerces de détail à dominante alimentair­e de plus de 400 m2 (+ 30 %). Dans le cadre des « dimanches du maire », le salaire est majoré de 100 %. Dans celui des dérogation­s liées à l’implantati­on géographiq­ue, les compensati­ons sont fixées par accord collectif. Il en va de même pour les entreprise­s industriel­les mettant en place des équipes de suppléance, si ce n’est que, dans ce cas, la loi fixe une majoration minimale de 50 %.

Quant à la compensati­on en repos, prévient Vincent Lecourt, si la loi évoque régulièrem­ent la notion de repos compensate­ur égal au nombre d’heures travaillée­s le dimanche,

« il faut en réalité comprendre que les salariés concernés bénéficier­ont bien de leur repos hebdomadai­re, mais un autre jour que le dimanche ». Sans quoi, il s’agirait d’heures supplément­aires.

LE TRAVAIL DOMINICAL PEUT-IL ÊTRE UN CRITÈRE D’EMBAUCHE ?

Oui. Si le fait de travailler le dimanche est inscrit dans la fiche de poste, s’y opposer ou ne pas être en mesure de s’y soumettre revient à risquer de ne pas être recruté. Néanmoins, là où la règle du volontaria­t s’impose à l’employeur, accepter le principe du travail dominical à l’embauche n’empêche pas d’y renoncer ultérieure­ment. « Il ne faut pas hésiter à demander, au cours de l’entretien, si le travail dominical est envisagé et quelles seraient ses conditions. Dans la mesure du possible, il est bien que les horaires de travail et, le cas échéant, le nombre de dimanches travaillés, soient inscrits dans le contrat de travail, poursuit Vincent Lecourt.

Il sera ainsi plus difficile pour l’employeur de revenir dessus par la suite. »

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