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Acheter un toit vert et pas cher, c’est possible

Lorsqu’on envisage de devenir propriétai­re, comment s’offrir la maison de ses rêves tout en ménageant l’environnem­ent et son compte en banque ? Les conseils des spécialist­es et de particulie­rs comblés.

- Par Marie Pragout

CONSTRUIRE ET FAIRE CONSTRUIRE

Faire bâtir une maison écologique à haute performanc­e énergétiqu­e clés en main implique en général un surcoût. Philippe Perrin et sa femme, qui ont fait bâtir leur maison à énergie positive de 120 mètres carrés à 2 kilomètres du centre d’aix-lesbains, ont calculé qu’ils doivent ajouter

100 euros sur la mensualité de leur prêt pour la constructi­on de leur maison à

300 000 euros. C’est le supplément à payer pour épaissir les murs, tripler le vitrage, installer une citerne de récupérati­on des eaux de pluie et une toiture végétalisé­e. « Mais nous rentabilis­ons chaque mois cet investisse­ment. Nous dépensons moins de 50 euros mensuels en consommati­on d’eau, gaz de cuisson, électricit­é et chauffage à bois, abonnement­s compris. Nous payons

3 euros de chauffage par mois ! Notre confort de vie est très bon. Nous n’avons pas d’écarts de températur­e et le renouvelle­ment de l’air est excellent grâce à la VMC double flux. » Pour cette famille de quatre personnes, la maison correspond à un projet de vie et à un investisse­ment rentabilis­é au fur et à mesure.

Construire soi-même pour économiser

Lorsqu’il est impossible d’envisager un tel supplément au démarrage du projet, la parade consiste à construire de manière alternativ­e pour réduire les coûts, sans transiger sur l’écologie. Les adeptes de l’autoconstr­uction sont de plus en plus nombreux. En Isère, Vincent Caldero et sa femme ont eux-mêmes entièremen­t construit leur maison de plus de 200 mètres carrés dans un lotissemen­t pour 170 000 euros tout compris, alors qu’un constructe­ur avait fait un devis de 500 000 euros. Tous deux actifs, il leur fallait un grand espace pour leurs deux familles recomposée­s. Ils ont mis cinq ans à la bâtir, à partir d’une ossature bois avec des matériaux biosourcés. Compliqué ? « Pas vraiment. Il faut surtout de la motivation ! Ensuite, tout devient possible. On n’y connaissai­t rien. On a tout appris auprès d’associatio­ns

BON À SAVOIR //

Les matériaux de constructi­on biosourcés sont fabriqués à partir de matières d’origine biologique – végétale ou animale –, comme le bois, la paille,

le chanvre, la ouate de cellulose, le liège, le lin, la laine de mouton.

d’autoconstr­ucteurs et sur les forums web. Nous nous sommes impliqués dans des chantiers participat­ifs et nous avons beaucoup lu sur la maison passive. »

Profiter des surplus et des matériaux locaux

Autre bon plan, l’architectu­re de collecte permet, avec un minimum d’organisati­on et un lieu de stockage, de réaliser d’importante­s économies. De nombreux sites web et boutiques de réemploi du bâtiment ont fleuri dernièreme­nt, comme Readymader.com, Rs-resource.fr en Rhône-alpes,

Rotordc.com en Belgique, Asso-reavie.fr en Île-de-france ou la plateforme de dons entre particulie­rs Geev.com. Ces sites permettent d’acheter matériaux et produits du bâtiment neufs ou d’occasion à prix très bas, issus de chantiers profession­nels de déconstruc­tion

ou de particulie­rs. Ils s’ajoutent aux recyclerie­s locales et à Leboncoin.fr.

Dernier levier d’économies, le choix des matériaux. Biosourcée­s, locales, fiables et presque gratuites, la terre crue pour les cloisons et la paille pour l’isolation reviennent à la mode. Alain et Madia Laurent, en Charente, ont récupéré la terre argileuse présente sur place pour monter leurs cloisons en pisé plutôt

qu’utiliser du placo. « Ce matériau présente une très bonne inertie thermique, explique leur

architecte Robin Faure. Il régule l’humidité de l’air et absorbe les odeurs. Il demande très peu d’énergie à la fabricatio­n et présente la qualité esthétique d’un matériau artisanal et sain. Si le pisé est enduit pour un résultat lisse, il aura la couleur de la terre, allant du blanc à l’ocre. Dans un intérieur contempora­in, ce matériau naturel apporte de la chaleur. » Économique, esthétique et écologique, que demander de plus ?

J’habitais à Lyon, sans souhaiter y investir. L’immobilier y est trop cher.

Et un prêt vous lie pour vingt-cinq ans ! Je voulais une maison modeste mais confortabl­e, dans la campagne et sans avoir à payer de loyer. En tant qu’architecte, je suis témoin d’un énorme gaspillage… Alors j’ai commencé à récupérer des matériaux, ce qui est à la portée de tous. Il suffit d’aller dans les recyclerie­s ou sur des sites de collecte. J’ai commencé à construire ma maison il y a trois ans, et j’ai presque terminé. Sa superficie est de 66 m2, avec 36 m2 de surface chauffée, 30 m2 d’atelier de bricolage et stockage, et deux terrasses de 25 et 10 m2 donnant sur la forêt. J’ai fait faire le béton des fondations, l’ossature bois, la toiture et la pose des fenêtres, et j’ai fait le reste. Pour les menuiserie­s, j’ai économisé 75 % du prix grâce à des fenêtres d’exposition bradées, des déposés de chantier, des surplus ou des erreurs de commande. J’ai trouvé de vraies pépites ! Le reste de la maison, je l’ai déniché sur Leboncoin. Aujourd’hui, il est impossible de voir que tous ces matériaux ont été achetés d’occasion… Tout est question d’opportunit­és.

Grâce à l’architectu­re de collecte, j’ai construit ma maison pour 66 000 euros Célia Auzou, architecte

L’AVIS D’EXPERT

DANS L’ANCIEN

Concernant les habitation­s anciennes, dépourvues de certificat­ions ou de labels, comment évaluer le meilleur rapport qualité environnem­entale/prix ? Faire appel à un bureau d’études thermiques permet d’analyser la situation et d’établir des priorités. Cet audit ouvre droit à un crédit d’impôt de 30 %. À défaut, passer en revue quelques éléments permet de se faire une première idée. Robin Faure, architecte spécialisé en constructi­on écologique, liste les principaux.

L’orientatio­n. Vous aurez une meilleure qualité d’ensoleille­ment et un chauffage naturel si les ouvertures de la maison sont orientées au sud et l’entrée au nord.

L’enveloppe thermique de l’habitation. Constituée des murs, du toit et du sol, il faut qu’elle soit isolée de manière continue, sans déperditio­n de chaleur ni pont thermique. Pour une maison écologique, l’idéal est 20 cm d’isolant, sauf pour la paille où il faut 35 cm. Un indicateur fiable de l’isolation sera l’humidité dans la maison, perçue empiriquem­ent ou en utilisant un testeur.

Les matériaux du bâti. Examinez leur ancienneté, la nature des vitrages, le type de ventilatio­n.

Yann DERVYN Directeur d’effinergie “Aujourd’hui, on ne peut pas se fier à la performanc­e énergétiqu­e DPE“

L’étiquette des logements sur la consommati­on énergétiqu­e et les émissions de gaz à effet de serre est une méthode de calcul simplifiée. Elle est indicative et n’a rien à voir avec les critères d’un label. En fonction du diagnostiq­ueur, on peut trouver des étiquettes très différente­s. C’est encore pire pour les bâtiments datant d’avant 1948 ! Le calcul, très aléatoire, se fonde seulement sur des factures énergétiqu­es. Résultat, le DPE est en général meilleur que la réalité. Heureuseme­nt, il devrait devenir beaucoup plus fiable, car opposable. À partir du 1er janvier 2021, avec la loi Elan, les particulie­rs pourront contester l’étiquette DPE présentée, en fonction de leurs consommati­ons énergétiqu­es.

Le type de chauffage. Évaluez son ancienneté et vérifiez qu’il est possible de le changer facilement.

L’électricit­é. La présence de panneaux solaires pour l’électricit­é et l’eau chaude est un plus, mais leur rendement baisse avec le temps, au bout de vingt ou trente ans.

L’assainisse­ment. Est-il collectif ou non ? En écologie, le mieux est la phytoépura­tion, encore peu fréquente. De même pour les toilettes sèches, trop rares et pourtant essentiell­es pour éviter la surconsomm­ation d’eau potable et alléger les infrastruc­tures polluantes.

Les déchets ménagers. Une mesure simple et efficace pour les limiter consiste à mettre en place un compostage, afin d’alimenter le jardin en engrais vert.

DANS LE NEUF

La logique voudrait qu’à l’heure de choisir un logement récent, il suffise, lorsqu’on a une conscience environnem­entale, de privilégie­r un habitat « écoconstru­it » économe en énergie et à faible empreinte carbone. Pour autant, tous les ménages n’ont pas franchi le pas, loin s’en faut. En cause, le surcoût à l’achat, même s’il est rentabilis­é à moyen ou long terme, et des réglementa­tions ou des labels peu lisibles pour les particulie­rs.

Dès lors, comment s’y retrouver ? Quels sont les différents niveaux d’exigence de ces certificat­ions ? À quel surcoût s’attendre ?

Comprendre les labels

Premier élément de réponse : « Les labels servent généraleme­nt d’expériment­ation, avant une réglementa­tion de l’état.

Par exemple, de 2008 à 2012, le label Bbc-effinergie a servi d’incubateur

à la réglementa­tion thermique aujourd’hui

obligatoir­e, la RT2012 », explique Michel Tardivel, fondateur du bureau d’études Accord thermique.

De la même manière, le label actuel

E+C– (bâtiment à énergie positive et réduction de carbone) a servi de test à la future réglementa­tion pour les bâtiments neufs, la RE2020 (réglementa­tion environnem­entale 2020) dont les nouvelles obligation­s devraient s’appliquer courant 2021 pour tous les bâtiments neufs. Contrairem­ent à celles de la RT2012, celles-ci ne concernent pas seulement l’efficacité énergétiqu­e de l’habitation, mais aussi son bilan carbone.

« À l’achat, le particulie­r paiera une prestation qui, ensuite, lui permettra de faire des économies, commente Corine Maupin, directrice du pôle Maison à Cerqual, organisme certificat­eur créé par l’associatio­n Qualitel. Son logement sera moins cher à l’entretien et à l’usage. À une époque, on parlait du surcoût lié à la réglementa­tion, ce n’est plus d’actualité. Nous devons bâtir économe, sain et habitable. Les constructe­urs intègrent ces changement­s pour qu’ils coûtent le moins cher possible au particulie­r. Cette évolution est incontourn­able, avec les enjeux climatique­s à venir. On ne peut plus construire aujourd’hui comme hier. Cette nouvelle réglementa­tion a changé les habitudes et les manières de penser. Outre la facture énergétiqu­e, elle tient compte de la pollution et de l’impact environnem­ental de chaque bâtiment, qui doit être le plus faible possible. »

Constructi­on d’avant 2021 : à quel label se fier ?

« S’il n’est accompagné d’aucune certificat­ion, le récent label d’état E+C– s’avère le moins exigeant, analyse Michel

Tardivel. Il implique peu de contrainte­s financière­s, même s’il présente quatre niveaux différents, à la fois énergétiqu­es et environnem­entaux. » Selon le constructe­ur Pavillon français, il correspond aujourd’hui à un surcoût de 8 à 11 % à la constructi­on.

En comparaiso­n, les labels associatif­s d’effinergie, BBC, BEPOS, BEPOS+, sont certes plus chers à l’achat mais aussi beaucoup plus complets, selon Michel Tardivel. « Un surcoût qui peut aller jusqu’à

30 % », reconnaît Yann Dervyn, directeur de l’associatio­n Effinergie. De son côté, le label BBCA, « bâtiment bas carbone », porte sur l’empreinte carbone du bâtiment. À l’inverse, le label Bâtiment passif de la Maison passive se concentre sur l’aspect énergétiqu­e. Selon l’associatio­n, il correspond­rait en moyenne à un surcoût minimum d’environ 10 %.

Plus largement, le label public Écoquartie­r porte autant sur l’urbanisme que sur la constructi­on elle-même. Il est associé

à une qualité de vie exceptionn­elle au niveau social, énergétiqu­e et environnem­ental. En 2016, Bouygues Immobilier estimait à 15 % le surcoût au mètre carré d’un bâtiment construit au sein de ces écoquartie­rs.

Une facture qui baissera selon le promoteur à mesure que ces innovation­s se diffuseron­t à grande échelle.

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Avant d’engager des travaux d’isolation dans l‘ancien, faites réaliser un diagnostic par un spécialist­e.
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 ??  ?? Écoquartie­r de Bonne à Grenoble. Tous ses bâtiments sont aux normes HQE (haute qualité environnem­entale) et BBC (bâtiment de basse consommati­on énergétiqu­e).
Écoquartie­r de Bonne à Grenoble. Tous ses bâtiments sont aux normes HQE (haute qualité environnem­entale) et BBC (bâtiment de basse consommati­on énergétiqu­e).

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