Racheter une entreprise, les précautions à prendre
PLUS RAPIDEMENT RENTABLE ET PLUS SÛRE QUE LA CRÉATION, LA REPRISE D’ENTREPRISE ATTIRE UN GRAND NOMBRE DE CANDIDATS. MAIS LE PARCOURS EST LONG, ET LA VIGILANCE S’IMPOSE.
DÉFINIR PRÉCISÉMENT SON PROJET
Se poser les bonnes questions permet de cibler sa recherche. « Il faut mesurer ses motivations : ai-je envie de manager ? Quel secteur m’attire ? Un projet bien cadré est un facteur clé de succès », explique Bruno Ravard, expert-comptable à BDO. Les chambres de commerce et d’industrie
(CCI) et les chambres des métiers (CMA) ont des conseillers spécialisés dans la transmission-reprise. Ils vous aident à structurer votre projet. Leur conseil est gratuit. « Ensuite, nous pouvons accompagner le repreneur sur l’élaboration de son business model et de son business plan, jusqu’à la recherche de financement », précise Marielaure Rieupeyroux, chargée de mission transmission-reprise à la CCI de Dordogne. Coût : 2 600 euros.
SAVOIR S’ENTOURER
Il est préconisé de s’appuyer sur des conseillers, dès le démarrage : un expertcomptable et un avocat, ayant si possible l’habitude de travailler ensemble. « Un candidat à la reprise peut trouver un dossier intéressant mais une lecture rapide peut démontrer qu’il ne l’est pas », note Éric Bouron, président du comité Transmission du conseil supérieur de l’ordre des expertscomptables. Ces professionnels vous
accompagneront durant toute la durée des négociations, jusqu’à la signature de l’acte de vente. Le coût pour une très petite entreprise (TPE) s’élève à environ 15 000 euros hors taxes.
EXPLORER PLUSIEURS PISTES
À moins de reprendre l’entreprise dans laquelle on est salarié, il est nécessaire de courir plusieurs lièvres à la fois. « C’est comme une recherche d’emploi, il faut envoyer plusieurs CV pour avoir davantage de chances de trouver », résume Louiza Piéplu, qui a repris un fonds de commerce, après cinq rencontres infructueuses. D’autant que le marché n’est pas en faveur des acheteurs. « Le marché de la reprise est déséquilibré, car il y a plus de demandes que d’offres, plus encore sur les belles affaires », constate Bernard Fraioli, de l’association Cédants et Repreneurs d’affaires (CRA).
SOIGNER LA PREMIÈRE RENCONTRE
Puisqu’il y a généralement plusieurs candidats, c’est le cédant qui décide. « Une fois sur deux, une affaire se conclut parce que l’acheteur et le vendeur se sont appréciés. L’acheteur doit séduire le vendeur en lui montrant sa capacité à reprendre son affaire, à la maintenir et à la développer », observe Éric Bouron. La rencontre doit également vous permettre de vérifier que l’entreprise correspond à votre attente. En principe, le cédant vous a déjà envoyé une première « liasse », c’est-à-dire l’exercice fiscal de l’année précédente. « Le repreneur doit diagnostiquer rapidement le dossier pour savoir s’il continue ou pas. C’est le diagnostic “Go/nogo” », explique Bruno Ravard. Ce dernier propose à ses clients une check-list de questions à poser au cédant pour évaluer les forces et les faiblesses de l’entreprise, comme son positionnement stratégique, son avantage concurrentiel, sa clientèle, la qualité de l’outil de travail, etc. Un des points essentiels est de mesurer le degré de dépendance de l’entreprise à son dirigeant, à ses managers ou à ses clients. Par exemple, si le chiffre d’affaires dépend à 80 % de deux clients, cela pose problème. Experts-comptables et repreneurs sont unanimes : on ne parle jamais prix lors de la première rencontre ! Et à ce stade, on ne vient pas avec son expert-comptable ou son avocat.
FAIRE UN DIAGNOSTIC APPROFONDI : CHIFFRES, BIENS MATÉRIELS, CONTRATS
L’entreprise vous intéresse ? C’est le début de négociations qui s’appuieront sur des diagnostics opérationnels à partir des éléments délivrés par les conseils du cédant. L’objectif est de se mettre d’accord sur un prix. L’envoi d’une lettre d’intention au vendeur exprimant votre intérêt avec, si possible, une clause d’exclusivité est recommandé.
Expert-comptable et avocats vont balayer les comptes, le carnet de commandes, la valeur des stocks, les contrats (bail commercial, contrats de travail, fiches de paie, etc.). « La valeur de l’entreprise dépend d’un certain nombre de ratios de performance, comme la marge, la rentabilité ou la productivité », explique Éric Bouron. Lors du rachat d’un fonds de commerce sans les murs, portez votre vigilance sur le contrat de bail en cours : « Si le cédant est en fin de bail, il faut vérifier que le propriétaire est d’accord pour renouveler le bail aux mêmes conditions. Le bail est le contrat essentiel d’un fonds de commerce, à analyser avec attention », signale Marielaure Rieupeyroux.
Une fois que le protocole de vente est signé entre les parties et avant la signature de l’acte de vente, vous devrez faire procéder à un audit d’acquisition, même pour une TPE, sauf si vous rachetez un fonds de
commerce, afin de vérifier la véracité des comptes. Cette démarche est indispensable dès lors qu’on rachète un actif et un passif. Dans le cas d’un fonds de commerce, vous ne rachetez que l’actif (matériel et valeur de clientèle), et l’audit n’est donc pas nécessaire.
ASSURER SES ARRIÈRES
Les avocats des deux parties, ou les notaires dans le cas d’un fonds de commerce, négocient les termes de l’acte de vente. La garantie d’actif passif (GAP) est l’un des éléments clés protégeant l’acheteur. Grâce à elle, votre responsabilité ne sera pas engagée en cas d’erreur ou de faute commise par le cédant. Par exemple, c’est le vendeur qui devra payer en cas de redressement fiscal, deux ans après l’opération.
Lors du rachat d’un fonds de commerce, il faut veiller à se prémunir de la concurrence du vendeur.
RÉUSSIR LE PASSAGE DE RELAIS
Généralement, le cédant reste entre trois et six mois dans l’entreprise après la vente, pour vous accompagner. « C’est primordial, afin qu’il vous explique le processus, vous présente aux fournisseurs et aux clients », témoigne Gilles Amherdt, repreneur d’une cave à vin dans le Périgord. et lorsqu’il y a des salariés, il est indispensable de les rassurer sur la continuité de l’affaire. Durant cette période de démarrage, il est recommandé d’être à l’écoute et disposé à apprendre, avant de vraiment prendre les rênes.