Protection sociale, ce qui change pour les indépendants
AUPARAVANT GÉRÉE PAR LE RÉGIME SOCIAL DES INDÉPENDANTS (RSI), ELLE EST INTÉGRÉE DEPUIS LE 1er JANVIER 2020 AU RÉGIME GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE. DÉCRYPTAGE DES CONSÉQUENCES DE CETTE RÉFORME.
DE NOUVEAUX INTERLOCUTEURS
Travailleur indépendant, vous avez désormais les mêmes interlocuteurs que les salariés pour votre protection sociale : l’assurancemaladie pour vos prestations santé et invalidité-décès, l’assurance-retraite pour vos pensions de base et complémentaire et les Urssaf pour le recouvrement de vos cotisations sociales.
Transfert automatique. La bascule vers le régime général se fait automatiquement, sans démarche à effectuer. Le transfert avait été opéré plusieurs années avant la réforme concernant les Urssaf, déjà chargées du recouvrement des cotisations sociales des indépendants. Pour l’assurance-maladie, la récupération des dossiers qui relevaient auparavant d’organismes conventionnés tels que la RAM a eu lieu entre le 20 janvier et le 17 février. L’ensemble des données ayant été reprises, vous avez seulement à mettre à jour votre carte Vitale. « Inutile, par exemple, de redonner le nom de votre complémentaire santé, l’information a été transférée. Elle est donc connue de votre caisse primaire d’assurance-maladie », note Aurélie Combas-richard, directrice de la mission Intégration des régimes à la Caisse nationale de l’assurance-maladie. Pas de formalités à accomplir non plus auprès de l’assuranceretraite, où le transfert s’est opéré le 1er janvier. « Pour les retraités qui percevaient une pension de la caisse de retraite des indépendants, les paiements continuent à être versés à l’identique, seul le libellé du virement change », précise Philippe Bainville de la Caisse nationale d’assurance-vieillesse (CNAV).
Davantage de services. Vous bénéficiez aujourd’hui des mêmes services que les autres affiliés au régime général. « Désormais, les indépendants peuvent se rendre dans plus de 2 000 points d’accueil de l’assurancemaladie, contre 120 précédemment au RSI », décrit Aurélie Combas-richard. Il en va de même des points d’accueil physiques des caisses régionales de l’assurance-retraite et des Urssaf. Pour faciliter vos démarches et bénéficier des différents services en ligne, vous pouvez créer un compte Ameli
sur Ameli.fr et un espace personnel sur Lassuranceretraite.fr. La gestion de vos cotisations sociales demeure inchangée avec votre compte personnel sur le site Secu-independants.fr ou, si vous êtes microentrepreneur, Autoentrepreneur.urssaf.fr. Aides en cas de difficultés. Les aides sanitaires et sociales, auparavant octroyées par le RSI, ne disparaissent pas. Les organismes du régime général de votre lieu de résidence (CPAM, Urssaf ou Carsat) sont désormais chargés d’instruire les demandes en fonction de leur nature.
Médiateurs régionaux. Dans le cadre de la réforme, une médiation institutionnelle pour la protection sociale a été mise en place par le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI). En cas de problème, vous pouvez saisir le médiateur de votre région directement en ligne sur Secu-independants.fr/saisirle-mediateur/. « Les médiateurs sont euxmêmes des travailleurs indépendants, nommés par le CPSTI, qui ont un regard de chef d’entreprise. Chaque médiateur peut faire des préconisations à l’administration mise en cause et remonter le problème au niveau national », indique Sophie Duprez, présidente du CPSTI.
LE CAS PARTICULIER DES PROFESSIONS LIBÉRALES
La réforme n’affecte que partiellement les professions libérales dites « réglementées », telles que les médecins, architectes, avocats ou notaires. Celles-ci conservent en effet leur propre régime de retraite et continuent à cotiser auprès de leur caisse habituelle (CNAVPL ou CNBF). « Contrairement aux
artisans et aux commerçants, les professions libérales affichent une vraie solidarité professionnelle. Cela explique qu’elles aient
pu maintenir leur autonomie », analyse Bruno Chrétien, président de l’institut de la protection sociale. Comme les autres travailleurs indépendants, les professions libérales ont en revanche été rattachées au régime général pour leur couverture santé.
DES SERVICES SPÉCIFIQUES EN PLUS
Vos besoins en tant que travailleur indépendant diffèrent de ceux des salariés, majoritaires au sein du régime général.
Vos particularités seront bien prises en compte au sein du nouveau régime, assurent les organismes désormais chargés de votre protection sociale.
Simulateurs retraite. « Nous avons intégré des services propres aux indépendants, indique Philippe Bainville, de la CNAV. Par exemple, sur le portail Lassuranceretraite.fr, nous avons mis en ligne deux simulateurs qui leur sont destinés, l’un pour estimer leurs cotisations et leurs droits acquis en matière de retraite, l’autre pour connaître le coût et le nombre de trimestres rachetables avec le dispositif Madelin. » Accompagnement des créateurs
d’entreprise. Du côté des Urssaf, une offre d’accompagnement des créateurs d’entreprise, déjà expérimentée dans trois régions, doit être généralisée à tout le territoire, début 2020. « Chaque Urssaf ira au-devant des nouveaux créateurs d’entreprise pour savoir si ceux-ci ont besoin d’un accompagnement particulier et pour répondre à leurs questions éventuelles », explique Éric Le Bont, directeur national du recouvrement des travailleurs indépendants à l’acoss (Agence centrale des organismes de Sécurité sociale, qui pilote le réseau des Urssaf).
Guichets uniques. Autre nouveauté liée à la réforme, la mise en place de points d’accueil physiques destinés aux indépendants, afin de faciliter leurs démarches avec les différentes administrations. Au total, 29 de ces guichets uniques seront déployés partout en France, d’ici à la fin du premier semestre 2020.
« Les travailleurs indépendants pourront s’y rendre spontanément ou sur rendez-vous. En plus d’un accueil sur place, assuré par des conseillers des Urssaf et des Carsat, un espace multimédia leur permettra d’avoir accès à des services en ligne pour leurs cotisations sociales, leur retraite, leur santé, leurs prestations familiales, leurs impôts et leur Assurance-chômage. Ils pourront également assister à des séances d’information collectives sur la création d’entreprise, le congé maternité, la retraite, etc. », détaille Éric Le Bont.
Modulation des cotisations en temps
réel. Un télé-service de modulation des cotisations sociales a également été annoncé. Déjà expérimenté dans deux régions, il permettra aux travailleurs indépendants d’ajuster le montant de leurs acomptes de cotisations en fonction du niveau de leurs revenus déclarés chaque mois ou chaque trimestre. Mais une régularisation aura toujours lieu, après détermination des résultats annuels. La date de la généralisation
de ce service, présentant un intérêt certain pour les indépendants connaissant d’importantes variations de revenus, n’est
cependant pas encore connue. « C’est un point qui intéresse beaucoup les indépendants mais qui est techniquement complexe à mettre en oeuvre. Nous espérons pouvoir l’élargir en 2020 », indique Éric Le Bont.
VERS UN ALIGNEMENT DES DROITS
La réforme a amené le législateur à aligner certains droits des indépendants sur ceux des salariés. Ainsi, depuis le 1er janvier 2019, vous n’êtes plus soumis à l’obligation d’être à jour du versement de vos cotisations sociales pour bénéficier des indemnités journalières
en cas de maladie ou de maternité. De même, la durée du congé maternité pour les indépendantes et les conditions d’octroi de la pension de retraite en cas d’invalidité sont désormais identiques à celles des salariés. Et ce rapprochement des droits pourrait se poursuivre. « On va vers l’alignement des cotisations des indépendants sur celles des salariés, c’est la tendance lourde de l’histoire et la logique de la réforme », constate Bruno Chrétien. La future réforme des retraites pourrait en la matière apporter certains changements. « C’est la mère de toutes les batailles, estime cet expert. Les travailleurs indépendants doivent surveiller cette réforme avec attention, car elle affectera l’ensemble de leur protection sociale. »