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LA RÉPONSE DE L’EXPERT

- Jean-pierre PROHASZKA Notaire à Villeurban­ne (Rhône)

1 SIGNER UN MANDAT DE PROTECTION FUTURE

Bernard sait qu’il va bientôt devenir dépendant. Tant qu’il a toute sa tête, il souhaite prendre les devants et décider lui-même de la ou des personnes qui le représente­ront lorsqu’il ne sera plus en état de pourvoir seul à ses intérêts. Il veut donc signer le plus rapidement

2 CHOISIR L’HABILITATI­ON FAMILIALE

L’état de santé de Bernard se dégrade plus vite que prévu. Il n’est plus en mesure de prendre certaines décisions et n’a pas eu le temps de signer encore un mandat de protection future. Françoise s’entend très bien avec ses enfants ainsi qu’avec le fils aîné de son époux. Elle envisage donc de solliciter une habilitati­on familiale auprès du juge des tutelles. Souple et simple à mettre en place, ce dispositif permettra d’assister ou de représente­r Bernard, ainsi que d’effectuer certains actes en son nom sans recourir à une mesure de protection judiciaire trop invasive. Concrèteme­nt, une fois la ou les personnes habilitées désignées, le juge n’interviend­ra plus (sauf cas exceptionn­els) dans la gestion des affaires de Bernard.

Pouvant évoluer en fonction de l’état de santé du majeur ainsi protégé, cette option apparaît donc comme un bon compromis pour Bernard.

Si le juge estime en effet que celui-ci est encore capable d’effectuer certaines tâches, il peut limiter l’habilitati­on à un ou plusieurs actes spécifique­s. Comme accompagne­r Bernard lors de la souscripti­on d’un emprunt pour lequel sa signature est nécessaire. Pour toutes les autres démarches, Bernard reste seul décisionna­ire. Si, en revanche, le juge considère que l’intérêt de Bernard l’exige, il peut élargir cette habilitati­on. Celui à qui il a confié cette mission peut dès lors représente­r Bernard dans tous les actes qu’il estime nécessaire­s, excepté ceux de dispositio­n à titre gratuit. Concernant Françoise et les trois enfants de Bernard, le choix de l’habilitati­on familiale n’est toutefois pas sans risque. Certes limitée dans le temps (durée de dix ans maximum renouvelab­le), elle peut poser problème. Car, à la différence du mandataire nommé dans le cadre d’un mandat de protection future, la personne habilitée n’est pas obligée d’expliquer le pourquoi de ces décisions.

À noter : si l’habilitati­on a été accordée pour la réalisatio­n d’un acte spécifique, elle prend fin immédiatem­ent après exécution.

3 DEMANDER LA MISE SOUS SAUVEGARDE DE JUSTICE

Si les enfants de Bernard s’entendent tous bien avec Françoise, c’est loin d’être le cas entre eux. L’aîné, issu d’un premier lit, reproche à son cadet ses relations tendues avec son père. Françoise redoute que confier l’habilitati­on familiale à un membre de la famille puisse donc créer, à terme, des tensions entre les fils. Elle préfère en conséquenc­e que la protection de Bernard soit remise à une personne extérieure à la famille. Consciente que Bernard est encore capable d’accomplir certains actes de la vie courante mais qu’il peut à tout moment prendre des décisions contraires à ses intérêts, elle aspire à la mise en place d’une mesure de protection légère en attendant de voir comment évolue la maladie. Elle penche alors pour une mise sous sauvegarde de justice. Grâce à cette mesure de protection, elle sait que le mandataire désigné par le juge des tutelles pourra contrôler régulièrem­ent ce que

Bernard a fait, par exemple l’utilisatio­n d’un placement bancaire. Efficace pour parer à la perte d’autonomie progressiv­e de Bernard, cette option assure à ses proches une plus grande tranquilli­té d’esprit car la personne nommée peut contester (soit en les annulant, soit en les corrigeant) certaines décisions prises individuel­lement par Bernard durant cette période. De plus, à la différence de la solution précédente, le tiers désigné pour cette mission est tenu de rendre compte de l’exécution de son mandat à la personne protégée ainsi qu’au juge. Particuliè­rement séduisant à première vue, ce choix apparaît cependant peu satisfaisa­nt, à terme, pour Françoise. Car, limitée dans le temps (un an maximum renouvelab­le une fois), la sauvegarde de justice ne fait que repousser le problème.

4 OPTER POUR LA MISE SOUS TUTELLE

Le juge des tutelles a choisi de nommer Françoise comme mandataire de son époux dans le cadre de la procédure de sauvegarde. Craignant que celle-ci soit influencée dans ses décisions par ses propres fils, l’aîné de Bernard dépose un recours contre cette nomination. Pour éviter d’amplifier les tensions familiales, elle aimerait alors que la gestion des affaires de son mari, tant sur le plan de sa santé que de son patrimoine, soit confiée à une personne extérieure à la famille. L’état de santé de Bernard étant devenu réellement préoccupan­t, Françoise pense donc qu’il serait préférable qu’il soit mis sous tutelle. En privilégia­nt cette solution, Françoise sait que son époux perdra tout pouvoir de décision au profit de son tuteur et qu’il sera désormais jugé incapable d’agir dans son intérêt. Le tuteur pourra en effet effectuer tous les actes de gestion courante de la vie de Bernard sans le consulter. Contrairem­ent aux trois autres options envisagées, la tutelle se révèle un choix très lourd. Et ce, autant sur le plan humain qu’administra­tif. Elle nécessite par ailleurs un certain laps de temps avant de pouvoir être mise en place et, surtout, implique une décision de justice.

En revanche, elle s’avère sécurisant­e pour Françoise et les enfants car l’action du tuteur est contrôlée. Non seulement celui-ci a l’obligation de remettre chaque année un compte de gestion au greffe du tribunal, mais il peut en plus être surveillé par un subrogé tuteur, également nommé par le juge. Plus rassurant encore, il doit obtenir l’accord de ce dernier pour réaliser des actes de dispositio­n au nom de Bernard et peut être remplacé si un membre de la famille le réclame. Mieux, une fois la mise sous tutelle de Bernard actée, Françoise n’a plus à s’inquiéter durant plusieurs années du régime de protection juridique de son mari, la durée d’une telle mesure pouvant aller jusqu’à dix ans renouvelab­les.

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La maladie neurodégén­érative d’une personne est un facteur de mise sous protection juridique.

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