QUELS CHANGEMENTS POUR L’ASSURANCE VIE ?
La loi Sapin 2 restreint la liberté des détenteurs d’assurances vie. Le texte prévoit une limitation – mais pas un blocage – des rachats sur les contrats en cas de circonstances exceptionnelles. L’objectif est d’éviter la faillite des assureurs en cas de
La loi Sapin 2 restreint la liberté des détenteurs d’assurances vie. Le texte prévoit une limitation – mais pas un blocage – des rachats sur les contrats en cas de circonstances exceptionnelles. L’objectif est d’éviter la faillite des assureurs en cas de remontée des taux d’intérêt et d’encadrer les taux de rendement des fonds euros.
QUE PRÉVOIT LA LOI SAPIN 2 POUR L'ASSURANCE VIE ?
En résumé, l’article 49 de la loi Sapin 2 prévoit un encadrement du taux de rendement des fonds euros attribués aux assurés détenteurs d’un contrat d’assurance vie. En parallèle, le texte accorde la possibilité aux pouvoirs publics de restreindre temporairement la libre disposition d’une assurance vie pendant deux trimestres consécutifs au maximum.
Dans le détail, le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) pourra imposer une diminution des taux de rémunération des fonds euros, à savoir les produits à capital garanti des contrats d’assurance vie, lorsqu’il le jugera nécessaire. L’instance présidée par le ministre des Finances en place – actuellement Michel Sapin – aura également le pouvoir de limiter la liberté des épargnants dans l’utilisation de leur contrat en cas de crise financière grave. Concrètement, cette restriction se traduira par une limitation des rachats (retraits d’argent) pour une durée de trois mois maximum renouvelable, afin d’éviter d’aggraver la situation financière des assureurs. Pour ne pas bloquer trop longtemps les mouvements des épargnants, le Sénat a toutefois précisé que les mesures de restriction ne peuvent être maintenues plus de six mois consécutifs. A noter également que la notion de blocage d’un contrat a été supprimée, les parlementaires ayant exclu la possibilité de suspendre les opérations de gestion.
L’objectif de ces mesures est de protéger de la faillite les sociétés d’assurance, les mutuelles et les institutions de prévoyance en France.
QUEL SERA LE RÔLE DU HCSF ?
Selon l'article 49 du texte, le HCSF pourra dans certaines circonstances prendre les mesures conservatoires suivantes :
• Limiter temporairement l'exercice de certaines opérations ou activités, y compris l'acceptation de primes ou versements ;
• Restreindre temporairement la libre disposition de tout ou partie des actifs ;
• Limiter temporairement, pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat ;
• Retarder ou limiter temporairement, pour tout ou partie du portefeuille, la faculté d'arbitrages ou le versement d'avances sur contrat. Ces dispositions pourront être prises pour « prévenir des risques représentant une menace grave et caractérisée pour la situation financière de l'ensemble ou d'un sous-ensemble significatif de ces [compagnies d'assurance] ou pour la stabilité du système financier ». Le HCSF pourra agir « pour une période maximale de trois mois, qui peut être renouvelée si les conditions ayant justifié la mise en place de ces mesures n'ont pas disparu, après consultation du comité consultatif de la législation et de la réglementation financières. Les mesures prévues [...] ne peuvent être maintenues plus de six mois consécutifs ».
QUELLES CONSÉQUENCES POUR LES TAUX DE RENDEMENT DES FONDS EUROS ?
Précisément, le texte de loi prévoit de donner le pouvoir au HCSF de « moduler les règles de constitution et de reprise de la provision pour participation aux bénéfices* » pour tout ou partie du secteur de l'assurance vie française. Qu'est-ce que cela signifie ? Que l'assureur n'aura plus forcément les mains libres pour fixer les taux de rendement servis aux assurés sur leur fonds euros. Ou, en d'autres termes, que le HCSF pourra contraindre les assureurs à accélérer la baisse du taux de rémunération des fonds euros, s'il la juge insuffisante. Cette décision pourra être prise sur proposition du gouverneur de la Banque de France et sans
avoir à justifier de motivations. Certains professionnels jugent cependant cette disposition difficilement applicable. *La provision pour participation aux bénéfices (PPB) ou provision pour participation aux excédents (PPE) est une réserve de rendement mise de côté pour être redistribuée dans un délai maximum de 8 ans. Cette faculté de ne pas distribuer immédiatement les bénéfices est parfaitement légale.
POURQUOI LA LOI SAPIN 2 ESTELLE SOURCE D'INQUIÉTUDES ?
L'idée même de ne pas pouvoir retirer son épargne à l'avenir, même pendant une période courte et afin d'éviter une faillite de la compagnie d'assurance, est insupportable pour de nombreux épargnants. De plus, la rédaction du texte est anxiogène : la loi Sapin 2 fait référence à la perspective d'une « menace grave » pour le secteur de l'assurance (que la loi entend justement juguler), dont n'avaient pas forcément conscience nombre de détenteurs d'un contrat d'assurance vie, et elle prévoit explicitement des restrictions de liberté en matière de versements, de retraits ou d'arbitrages (passage d'un support à un autre). Autant d'éléments susceptibles de rompre la confiance que nombre de Français accordent à l'assurance vie. Le fait que ces mesures aient été diffusées dans la presse après avoir été prises en catimini par voie d'amendement en mai et juin 2016 à l'assemblée nationale et, d'après plusieurs professionnels du secteur, sans concertation préalable des assureurs, n'est pas de nature à rassurer les épargnants. Enfin, le HCSF est susceptible d'influer à la baisse sur les performances des fonds euros, qui sont déjà sur une pente descendante depuis plusieurs années.
POURRA-T-ON DÉROGER AUX RESTRICTIONS ENVISAGÉES POUR L'ASSURANCE VIE ?
En cas de décision de restrictions d'utilisation de l'assurance vie, la loi prévoit une seule limitation au pouvoir du HCSF : il devra veiller à la protection « des intérêts des assurés, adhérents et bénéficiaires ». En revanche, le Parlement a exclu de prévoir des possibilités de déblocage, à l'image de celles en vigueur pour l'épargne salariale comme le mariage (ou le Pacs), le licenciement ou encore l’acquisition de sa résidence principale.
POUR QUELLE RAISON LA LOI SAPIN 2 PRÉVOIT-ELLE DE TELLES MESURES ?
Ce n'est pas un hasard si ces dispositions sont prises dans un environnement de taux bas. L'OAT à 10 ans (indicateur de référence de la dette de l'etat français) est tombé à moins de 0,1% en septembre 2016 contre 0,85% en moyenne en 2015. Or, les taux de rendement des fonds euros n'ont pas suivi cette courbe (ils ont baissé moins brutalement) avec une rémunération moyenne de 2,3% en 2015 d’après l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Dans ce contexte, le texte de loi poursuit deux objectifs principaux, à savoir faire en sorte que les taux servis aux assurés suivent de plus près la courbe des taux d'intérêt à long terme et prévenir les risques financiers liés à une hausse brutale des taux d'intérêt. Selon le ministre de l'economie et des Finances, il s'agit « avant tout de protéger les petits et moyens épargnants » dans un scénario de remontée rapide des taux d'intérêt. En effet, faute de connaissances ou de conseils, ces épargnants ne pourraient pas forcément investir leurs économies dans des placements obligataires plus rémunérateurs. Michel Sapin veut ainsi « éviter que les gros épargnants, bien informés et avisés, retirent progressivement la totalité des sommes qu'ils avaient déposées dans le cadre d'une assurance vie, au point que l'organisme d'assurance se retrouve à un moment donné dans l'incapacité de faire face aux autres demandes de retrait. Les victimes seront alors les petits épargnants, qui ne disposaient évidemment pas, eux, du même type d'information, et qui ne pourront plus rien retirer parce que leur compagnie d'assurance aura été mise en faillite, ce qui les placera en très grande difficulté ».
POURQUOI LE TEXTE DE LOI NE CONSTITUE PAS UNE MENACE POUR L'ASSURANCE VIE ?
Comme l'a rappelé le député PS Romain Colas à l'origine du texte, « la première protection, pour le titulaire d'une assurance vie, c'est précisément que son assureur ne soit pas mis en faillite ». Le motif d'intérêt général des assurés est donc l'objectif premier de la loi. On peut par ailleurs citer François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, qui a tenu à clore le débat lors d'une conférence à Paris : « Je vous le dis avec fermeté : il n'y a aucune menace sur l'épargne des Français, aucune remise en cause des contrats des assurés ; bien au contraire, notre responsabilité, après la crise que nous avons traversée, est de protéger au mieux les droits des assurés, de tous les assurés. L'unique objectif de cette mesure est de pouvoir protéger l'épargne des Français, en cas de circonstances graves et exceptionnelles menaçant la stabilité financière. Si cela devait s'avérer nécessaire, nous saurions en faire bon usage, dans l'intérêt de tous. »
CETTE RÉFORME EST-ELLE DÉFINITIVE ?
La loi Sapin 2 a été définitivement adoptée au Parlement en novembre dernier puis a reçu l’aval du Conseil constitutionnel pour enfin être promulguée mi-décembre par François Hollande. La mise en application des mesures sur l’assurance vie est donc désormais effective.