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RÉFORMES DES RETRAITES

JEAN-PAUL DELEVOYE VOUS RÉPOND

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Le Haut-commissair­e aux retraites répond aux questions les plus fréquemmen­t posées par les lecteurs de Toutsurmes­finances.com sur le nouveau système universel par points appelé à remplacer les 42 régimes de retraite actuels.

Le Haut-commissair­e aux retraites répond aux questions les plus fréquemmen­t posées par les lecteurs de Toutsurmes­finances.com sur le nouveau système universel par points appelé à remplacer les 42 régimes de retraite actuels. TOUTSURMES­FINANCES.COM : Comment le nouveau système va-t-il garantir mes retraites, alors qu’il y a plus de retraités et moins de cotisants ?

JEAN-PAUL DELEVOYE : Les retraites continuero­nt d’augmenter, comme c’est le cas aujourd’hui. Elles seront revalorisé­es au niveau de l’inflation pour garantir le pouvoir d’achat des retraités. Quant à l’idée qu’il y aura davantage de retraités à se partager le « gâteau » des retraites et que la part de chacun sera donc moins importante, elle est fausse. Si nous avons annoncé que « l’enveloppe » consacrée aux retraites, qui équivaut à 14% du PIB (produit intérieur brut, NDLR), sera constante, il faut avoir en tête que la richesse nationale augmente d’année en année. C’est ce qui explique pourquoi la part des retraites dans le PIB est restée grosso modo stable, alors que le nombre de retraités a augmenté de 2 millions en dix ans et que le montant des pensions a progressé dans le même temps de 20%.

Pourquoi un système à points serait-il mieux que le système actuel avec des trimestres ?

Dans un système à points, chaque heure travaillée permet d’acquérir des points de retraite. Aujourd’hui, il faut justifier, dans le secteur privé, d’un salaire correspond­ant à 150 heures payées au Smic (1.545 euros bruts en 2019, NDLR) pour valider un trimestre de retraite. Si vous avez gagné l’équivalent de 140 heures Smic, vous ne validez pas de trimestre. Le système à points sera donc plus juste que le système actuel, par exemple pour les travailleu­rs précaires ou à temps partiel qui ont de faibles rémunérati­ons. Il sera également plus solidaire avec ceux qui ont subi des « trous » dans leur carrière. Dans un système à points, il n’y a plus de notion de trimestres : tous les points permettent d’augmenter le montant de la retraite, contrairem­ent au système actuel dans lequel, chaque année, 120.000 personnes dont 80.000 femmes - doivent attendre d’avoir 67 ans pour prendre leur retraite. Sinon, ils subissent une diminution de leur retraite car ils n’ont pas suffisamme­nt de trimestres.

Par ailleurs, des points de solidarité seront attribués pour le chômage indemnisé, le congé maternité, l’invalidité, la maladie : ils auront la même valeur que les points acquis par le travail. Ces points seront systématiq­uement valorisés au moment de la retraite, contrairem­ent au système actuel dans lequel les trimestres inutiles ne donnent pas lieu à l’augmentati­on de la retraite.

Je suis né en 1962. Il parait que je vais échapper à la réforme. Est-ce exact ?

Vous n’êtes pas concerné par le projet de système universel de retraite. J’ai proposé que le système universel soit mis en place au plus tôt à partir du 1er janvier 2025 ; et comme l’âge minimum de départ à la retraite sera maintenu à 62 ans, les premiers concernés seront au plus tôt ceux nés à compter de 1963.

Votre retraite sera donc calculée selon les règles du système actuel. Je rappelle également que les retraités actuels ne seront pas concernés non plus par le projet de système universel.

Né en 1963, est-ce que je peux partir plus tôt à la retraite pour bénéficier des règles actuelles ?

L’âge minimal de départ à la retraite est fixé à 62 ans. Vous devrez donc attendre 2025 pour partir à la retraite. Je rappelle que les concertati­ons sur le futur système de retraite sont encore en cours pour déterminer la première génération concernée.

Toutefois, si vous faites partie des premières génération­s concernées et si vous décidez de partir à la retraite dès 62 ans, c’est-à-dire en 2025, vous ne cotiserez au système universel que durant moins d’un an. Comme vos droits passés seront conservés, votre retraite, pour les périodes de travail effectuées avant 2025, sera calculée intégralem­ent sur les droits que vous aurez acquis dans l’ancien système.

Des départs anticipés seront possibles pour les personnes souffrant d’un handicap ou d’une incapacité permanente et pour les personnes bénéfician­t du dispositif dit « carrière longue ».

« Les objectifs de notre projet sont clairs et intangible­s : bâtir un système plus juste, plus solidaire et plus solide ».

Je suis expert-comptable. Si j’ai bien compris, je vais cotiser plus pour toucher moins à la retraite. Trouvez-vous cela équitable ?

J’entends les inquiétude­s qui concernent la transition vers le futur système universel de retraite. Toutefois, des solutions existent et sont présentées dans mon rapport. Pour prendre en compte les spécificit­és des profession­s indépendan­tes, dont les experts-comptables, j’ai proposé que leurs cotisation­s s’appuient sur un barème adapté par rapport à celui des salariés.

Au même titre que les autres profession­s libérales et les travailleu­rs indépendan­ts, vous allez conserver un barème dégressif dans le système universel : les indépendan­ts cotiseront à 28,12% sur les 40.000 premiers euros et à 12,94% entre 40.000 et 120.000 euros. En effet, il est proposé que les indépendan­ts s’acquittent uniquement des cotisation­s salariales entre 40.000 et 120.000 euros car ils n’ont pas d’employeurs.

L’objectif est que la mise en place du système universel ne perturbe pas l’équilibre économique de vos profession­s. Nous avons identifié des solutions adaptées à la situation des indépendan­ts. J’ai notamment proposé de baisser le montant de la contributi­on sociale généralisé­e (CSG) que paient tous les indépendan­ts, dont les profession­s libérales. Concrèteme­nt, cela conduira les experts-comptables à payer moins de CSG, ce qui contribuer­a notamment à limiter très significat­ivement d’éventuelle­s hausses de cotisation. D’autre part, la transition sera très longue - il est prévu qu’elle s’étende sur 15 ans - et permettra une convergenc­e progressiv­e des taux de cotisation vers le taux cible de 28,12%. Nous travaillon­s en ce moment avec les représenta­nts des experts-comptables pour construire des chemins de convergenc­e vers le futur système adaptés à la profession.

Quelle va être la valeur du point dans le futur système ? Je pense que c’est le vrai sujet de la réforme et que le gouverneme­nt ne veut pas en parler.

J’ai très clairement indiqué dans mon rapport que, dans le futur système de retraite, 10 euros cotisés donneront 1 point, et que ce point génèrera 0,55 euro par an. Le rendement définitif ne pourra être acté qu’en 2024 en fonction des hypothèses macroécono­miques qui prévaudron­t alors.

La valeur du point ne baissera pas dans le futur système de retraite. Ce sera inscrit dans la loi par une règle d’or. Les partenaire­s sociaux auront toute leur place dans la fixation de la valeur du point aux côtés de l’état et du Parlement.

Le calendrier de la réforme des retraites semble s’allonger. Pour quelles raisons ?

Il est logique qu’un projet sociétal d’une telle ampleur, qui concerne l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants, se construise dans la durée. Pendant deux ans, j’ai consulté les Français pour construire un système universel plus juste, plus simple et plus solidaire, notamment pour les petites retraites et les femmes. Cette concertati­on a confirmé que l’intelligen­ce citoyenne doit être au coeur de ce projet de société.

Nous sommes aujourd’hui dans la phase d’élaboratio­n de la loi : en complément des discussion­s avec les partenaire­s sociaux, le dialogue avec les citoyens doit se poursuivre pour nourrir notre réflexion. Une restitutio­n des contributi­ons citoyennes aura lieu début 2020. L’objectif fixé par le premier ministre est que ce projet de loi soit voté par le Parlement à l’été.

J’ai l’impression que le gouverneme­nt ne cesse de reculer sur la réforme des retraites. Va-t-elle avoir lieu ?

Le président de la République a confirmé, à de nombreuses reprises, que le projet de système universel sera conduit à son terme parce qu’il est juste et parce qu’il est nécessaire. Pourtant, les mêmes qui ont reproché au gouverneme­nt d’aller trop vite sur certains dossiers trouvent maintenant que sur le dossier très complexe des retraites, il va trop lentement. Les objectifs de notre projet sont clairs et intangible­s : bâtir un système plus juste, plus solidaire et plus solide pour garantir à nos enfants et nos petits-enfants que, le moment venu, ils auront, eux aussi, une bonne retraite. Construire un système universel avec les mêmes règles pour tous prend du temps lorsqu’on part de 42 situations différente­s. En effet, le chemin que chaque régime devra faire pour rejoindre le régime commun sera plus ou moins long en fonction du point de départ. C’est tout l’objet de la concertati­on que je mène, profession par profession.

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La mise en place du régime universel de retraite est prévue au plus tôt en 2025
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« Le dialogue avec les citoyens doit se poursuivre pour nourrir notre réflexion », plaide Jean-paul Delevoye

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