RETOUR À LA NORMALE APRÈS LE CHAOS ?
Après une année folle sur les marchés actions, à quoi faut-il s’attendre en 2021 ? L’expérience de 2020 montre que tout peut arriver, ce qui tend à relativiser la portée des prédictions. Il n’empêche : le consensus qui semble se dégager est plutôt celui d’une perspective haussière des cours. Ne serait-ce qu'en raison de l'absence de véritables alternatives à disposition des investisseurs pour générer de la performance.
Après une année folle sur les marchés actions, à quoi faut-il s’attendre en 2021 ? L’expérience de 2020 montre que tout peut arriver, ce qui tend à relativiser la portée des prédictions. Il n’empêche : le consensus qui semble se dégager est plutôt celui d’une perspective haussière des cours. Ne serait-ce qu'en raison de l'absence de véritables alternatives à disposition des investisseurs pour générer de la performance.
2020 va rester dans les annales sur les marchés financiers. Marquée du sceau de la crise de la Covid-19, l’année écoulée a tout connu : de l’euphorie initiale au flou le plus total à la fin du mois de février, illustrée par un krach éclair jusqu’à la mi-mars, avant un redressement plus ou moins rapide ou marqué selon les places boursières et le type de titres, à la faveur des plans de soutien gouvernementaux et des politiques monétaires ultra-accommodantes des banques centrales.
-7,1% POUR LE CAC 40, +47,6% POUR LE NASDAQ 100
La levée des incertitudes en novembre (élection de Joe Biden aux États-unis, annonce de l’efficacité des vaccins) a permis aux actions de connaître leur meilleur mois depuis plus de trente ans et aux indices américains de clôturer l’année sur de nouveaux records absolus. De -7,1% pour le CAC 40 à +47,6% pour le Nasdaq 100, les actions ont fini en ordre dispersé, démontrant au passage le statut de valeur refuge des grandes valeurs technologiques américaines, à l’image du parcours boursier spectaculaire des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) et plus encore de Tesla, dont la valeur a été multipliée par huit en 2020 !
« HORIZON ÉCLAIRCI » PAR LES VACCINS
Après cette année chaotique, un exercice 2021 moins acrobatique se profile. « L’annonce de Pfizer et Biontech sur l’efficacité de leur vaccin en novembre a constitué un véritable game changer pour les marchés, analyse Alexandre Baradez, responsable des analyses de marché D’IG France. L’horizon s’est éclairci, la vaccination empêchera toute rechute forte et prolongée des cours, même si on ne peut exclure des corrections temporaires ». La plupart des spécialistes anticipent globalement une année plutôt bonne pour les actions. D’abord parce qu’après une récession historique, un rebond de l’économie est attendu par tous, même s’il sera moindre qu’initialement anticipé, le retour aux niveaux d’activité d’avant-crise ne devant pas intervenir avant 2022 voire 2023. « Nous pensons que la croissance des bénéfices favorisée par une vive reprise de l’économie devrait l’emporter sur un moindre soutien des banques
« La plupart des spécialistes anticipent globalement une année 2021 plutôt bonne pour les actions ».
centrales, par rapport à 2020 et emmener les marchés actions plus haut qu’aujourd’hui », résume Frédéric Rollin, conseiller en stratégie d’investissement chez Pictet AM. Ensuite parce que faute d’alternative plus rémunératrice, au regard du niveau historiquement bas des taux d’intérêt et des rendements obligataires dans le monde entier, les portefeuilles doivent rester investis en actifs risqués.
LES ACTIONS INCONTOURNABLES
« Le spread - l’écart de rendement des actions par rapport au taux des obligations sans risque - se situe autour de 6%, ce qui est exceptionnel dans un monde où on ne trouve plus de rendement, observe Stéphane Levy, stratégiste et responsable de l'innovation chez Chahine Capital. Cette prime de risque, qui mesure l’excès de rendement théorique offert par les actions au regard des perspectives de bénéfices, se compare à une moyenne de l’ordre de 5% sur 20 ans. Il n’y a aucune raison de ne pas revenir vers ces niveaux moyens. C’est ce qui m’amène à penser que le renchérissement n’est pas achevé ». Le choix des actions s’impose donc, quelle que soit la durée de détention. « Dans un contexte de taux négatifs, les actions ne peuvent pas être négligées sur un horizon de placement à moyen terme : leur performance annualisée se situera probablement dans une fourchette de 5 à 7% à 5 ans, en incluant les distributions de dividendes, jauge Frédéric Rollin. C’est la classe d’actifs liquides la mieux exposée au retour de la croissance économique mondiale ». À court terme, la remontée n’est peut-être pas achevée. « La dynamique des marchés est clairement haussière, constate Stéphane Levy. Tous les indices sont au-dessus de leur moyenne mobile à 200 jours et l’observation statistique montre que la saisonnalité est bonne pour les actions jusqu’au mois de mai. Des catalyseurs sont susceptibles de conforter la tendance, comme la reprise des distributions de dividendes ou l’assouplissement des règles de Solvabilité 2 attendue par les assureurs, qui leur donnerait une bouffée d’oxygène en leur permettant d’investir davantage en actifs risqués, actions en tête ».
RISQUE DE CORRECTION
Cependant, le risque de correction ne peut être écarté, les valorisations intégrant d’ores et déjà une large part de la remontée des bénéfices attendue en 2021, aux quatre coins de la planète. « Les marchés ont valorisé très en avance la reprise de la croissance des bénéfices, souligne Alexandre Baradez. Il est frappant de voir que l’indice S&P 500 se paie quasiment 30 fois ses bénéfices, largement au-dessus de sa moyenne de long terme. L’annonce des résultats du quatrième trimestre 2020 ou du premier trimestre 2021 permettra de vérifier valeur par valeur si les chiffres publiés sont en concordance avec ce que le marché a anticipé. Dans le cas contraire, les sanctions tomberont, lorsque les investisseurs se rendront compte qu’ils ont payé trop cher telle ou telle valeur ».
Ce qui pose la question des secteurs et titres à privilégier. Les valeurs favorites de 2021 seront-elles les mêmes qu’en 2020 ? Pas nécessairement. « La direction du marché est claire, mais les différentes catégories de valeurs vont se comporter à l’avenir de manière différente par rapport à la décennie précédente. Les titres à forte lisibilité qui ont le plus profité de la baisse des taux d’intérêt comme Air Liquide, Danone ou L’oréal ne bénéficieront plus de ce moteur pour les soutenir », estime Stéphane Levy. « On voit mal comment les banques centrales pourraient intervenir davantage et le marché anticipe un retour de l’inflation à moyen terme. La thématique de la baisse des taux qui a favorisé les valeurs refuge, ne pourra plus jouer avec la même puissance qui a favorisé l’inflation de ces actifs », confirme Alexandre Baradez.
ROTATION SECTORIELLE
Les mouvements de marché des dernières semaines peuvent mettre les investisseurs sur la voie. En effet, une rotation sectorielle (réallocation des portefeuilles, NDLR) a commencé à s’opérer dès le mois de novembre, au profit des petites et moyennes valeurs et des titres jusque-là délaissés. « Les small caps sont l’un des segments les plus intéressant pour jouer le thème de la normalisation de l’économie, relève Alexandre Baradez. Les indices européens, qui comportent davantage de valeurs cycliques, devraient davantage tirer leur épingle du jeu qu’en 2020 ».
Pour Stéphane Levy, l’intérêt pour la value (titres décotés, NDLR) ne s’explique pas uniquement par des raisons conjoncturelles. « Nous assistons à un changement d’ère : nous sommes arrivés à la fin d’une longue séquence de baisse ininterrompue des taux d’intérêt, qui a eu pour conséquence de renchérir très puissamment la quasi-totalité des classes d’actifs, expose-t-il. Dans ce contexte, les investisseurs ont été progressivement amenés à prendre plus de risque pour trouver du rendement. Ce phénomène de renchérissement n’est pas totalement terminé : il devrait en toute logique se propager aux segments des marchés actions les plus dégradés comme les valeurs bancaires, l’énergie, les minières, les valeurs cycliques d’une manière générale ». « Si les valeurs de croissance restent notre conviction la plus forte à long terme, notre préférence va momentanément aux valeurs cycliques, notamment dans les secteurs des matériaux de base (ciment, acier) ou des matières premières », complète Frédéric Rollin.
Les valeurs technologiques en général et les Gafam en particulier pourront-elles rééditer leur exploit boursier de 2020 ? « Le Nasdaq et le S&P 500 sont très dépendants des valeurs technologiques qui ont été surjouées par le marché, tempère Alexandre Baradez. Le catalyseur de l’action des banques centrales s’atténue et les facteurs de risques (antitrust, fiscalité, réglementation) auront plus de force, après avoir été relégués au second rang, tant les Gafam ont bénéficié de leur statut de refuge face au risque sanitaire. Les flux devraient également moins jouer en leur faveur, les stock pickers (spécialistes de la sélection de titres, NDLR) préférant investir là où les multiples de valorisation soit les moins élevés ». Comme toujours, la sélectivité s’impose, peut-être plus encore qu’à l’accoutumée.