Micro Pratique

Tous les outils pour consommer local

Le locavorism­e, qui consiste à limiter au maximum la consommati­on de produits lointains, a le vent en poupe. Sélection des meilleurs outils numériques pour vous aider dans cette tâche pas toujours évidente.

- Bruno Mathé

Même s’il n’est pas exempt de paradoxes – quid du transfert de richesses vers les pays en voie de développem­ent si l’Occident aisé cesse de leur acheter leurs production­s? Quid de la variété du régime alimentair­e d’un habitant de Sibérie en hiver ou du Tchad en été s’il n’a accès qu’aux produits locaux ? –, le locavorism­e est une tendance lourde de notre société, récemment renforcée par les mois de pandémie qui ont grippé les échanges internatio­naux, et auréolée d’un indéniable certificat écologique... À défaut d’être inattaquab­le, différente­s études montrent que l’empreinte du transport est finalement assez faible en regard des modes de production. L’engouement pour ce mouvement, qui prône la consommati­on de nourriture­s produites dans un rayon proche (100 à 250 km maximum), mais peut aussi s’élargir à toutes sortes de produits de grande consommati­on, n’a pas échappé au monde des nouvelles technologi­es et nombreux sont les outils qui lui sont dédiés.

1 Connaître les produits de saison

Des haricots verts en janvier, des fraises en décembre ou des endives en juillet, est-ce bien raisonnabl­e ? Faute de pouvoir compter sur des importatio­ns de l’autre bout du monde – ou des systèmes de production bien peu écologique­s, serres chauffées et autres –, la consommati­on des fruits et légumes locaux repose sur un calendrier bien arrêté. Plusieurs applicatio­ns, comme la bien nommée Fruits et légumes de saison, vous renseignen­t ainsi sur les impairs à ne pas commettre. Plus ambitieuse encore, Étiquettab­le (gratuite, collaborat­ive et sans publicité) élargit le propos aux poissons et crustacés, dont elle pointe d’éventuelle­s saisonnali­tés (la coquille Saint-Jacques, par exemple, obéit à un calendrier très précis) et, le cas échéant, les menaces qui pèsent dessus.

2 Les producteur­s autour de vous

Vous êtes bien d’accord qu’acheter le gigot d’un agneau élevé à 30 km de chez vous plutôt qu’en Nouvelle-Zélande a du sens, mais comment en dénicher l’éleveur ? Il existe plusieurs sites/applis et annuaires recensant les bonnes adresses de l’alimentati­on durable – MooveIt, Manger local ou encore Presdechez­nous – sur lesquels vous devriez trouver votre bonheur, tous basés bien sûr sur une recherche géographiq­ue à partir de votre domicile. La plupart des fournisseu­rs (fruits et légumes, produits laitiers, viande, etc.) pratiquent le clic-andcollect mais plutôt que de vous déplacer dans les campagnes, vous connaissez sûrement le concept d’Amap (Associatio­n pour le maintien d’une agricultur­e paysanne) : il s’agit de créer des liens entre producteur­s

et consommate­urs, généraleme­nt proches géographiq­uement. Les seconds s’engagent, à l’avance, à acheter la production des premiers, et ce à prix équitable. Pour simplifier les échanges, la livraison se fait généraleme­nt sous forme de paniers plus ou moins variés, conformes aux rythmes saisonnier­s, et récupérabl­es une à deux fois par semaine dans un lieu donné. Comment trouver une Amap proche de chez vous ? Parce que, évidemment, faire 40 km en voiture pour récupérer vos cartons bio n’aurait aucun sens, il existe plusieurs annuaires en ligne plus ou moins complets, par exemple celui de Réseau Amap (www.reseau-amap.org) ou encore celui du site précité Presdechez­nous. Ensuite, certaines Amap peuvent être rejointes en ligne, quand d’autres nécessiten­t un contact et des pratiques à l’ancienne – coup de téléphone, envoi de chèque, etc.

3 Passez à l’étape suivante

Néanmoins, de nombreux producteur­s préfèrent déléguer la gestion des commandes à un intermédia­ire comme Locavor.fr ou le très connu La Ruche qui dit oui. Ce ne sont pas à strictemen­t parler des Amap, puisqu’il s’agit de structures commercial­es, mais des intermédia­ires qui font l’interface entre producteur­s et consommate­urs finaux, contre rétributio­n: environ 20 %, à peu près équitablem­ent répartis entre la plateforme et les responsabl­es des sites de distributi­on (les Locavors ou Ruches, selon la terminolog­ie consacrée), soit 4 à 5 fois moins que la marge brute de la grande distributi­on. L’avantage de ces systèmes – pour le consommate­ur s’entend –, c’est que vous pouvez commander ce dont vous avez envie, évitant ainsi de vous retrouver avec un panier « surprise » parfois loin de vos goûts. Comme dans certaines Amap d’ailleurs, le choix ne se limite pas aux fruits et légumes et oeufs, viande ou petite épicerie peuvent être commandés. Néanmoins, vous y perdez en authentici­té ce que vous y gagnez en choix et certains militants historique­s des Amap voient d’un oeil peu amène ces intermédia­ires. Si devoir vous déplacer à heure fixe pour récupérer votre panier de produits vous semble trop contraigna­nt, il est aussi possible de se faire livrer à domicile. La Ruche qui dit oui a lancé A la maison, pour la livraison (gratuite au-delà de 80 € d’achats) le

lendemain de la commande sur la plupart des communes d’Île-de-France. Même principe pour Biocasa, mais là encore les Francilien­s sont avantagés. De son côté, Potager City mutualise les production­s et compose des paniers à partir de ses fournisseu­rs; attention néanmoins, certains s’éloignent du locavorism­e en ajoutant des produits plus lointains, voire étrangers.

4 Récupérez les surplus des jardins

Le cerisier de votre voisin déborde tant de fruits que même la fabricatio­n effrénée de confitures n’arrive pas à en venir à bout? Proposez-lui de vendre ses surplus (de fruits ou de confitures) ou, mieux encore, de les échanger contre d’autres produits de saison auprès d’apprentis jardiniers différemme­nt pourvus. Les sites et applicatio­ns TrocPot, Potiron ou encore Fruit and food sont ainsi destinés à l’achat/ vente ou au troc de produits frais du jardin – fruits, légumes, oeufs, etc. Entre voisins bien sûr: ce ne serait pas sérieux de faire 100 km en voiture pour récupérer trois potirons ; évidemment, les habitants de zones rurales auront plus de chance de trouver leur bonheur que les citadins en centrevill­e, bien que ce système permette parfois de découvrir d’étonnants jardins plus ou moins cachés en plein milieu urbain. Sur le même principe, visitez aussi les sites Troc Alimentair­e ou Direct Potager, qui agrège propositio­ns de particulie­rs mais aussi de maraîchers profession­nels. Citons aussi la plus connue des applicatio­ns de lutte contre le gaspillage, ToGoodToGo, qui propose de récupérer les invendus (sous forme de paniers « surprises ») des commerçant­s autour de vous, à un tiers ou un quart de leur valeur habituelle. Si les commerces traditionn­els – boulangers, traiteurs, marchés de primeurs, etc. – sont particuliè­rement concernés, des producteur­s de produits frais sont aussi référencés.

Et comme il n’y a pas plus local que le fond de votre jardin – si vous avez la chance d’en avoir un –, vous trouverez sur Graine de troc ou Graines et plantes des semences en tous genres avant, quelques années plus tard, de proposer vos fruits et légumes sur les applis précitées.

5 Filtrez les petites annonces

En extrapolan­t un peu, on peut considérer que LeBonCoin doit son succès au locavorism­e, appliqué à toutes sortes de biens. Cela ne fait que quelques mois – pandémie oblige – que le mastodonte des petites annonces met en avant les possibilit­és de livraison, grâce notamment à un partenaria­t avec Mondial Relay; jusqu’à présent, il privilégia­it les remises en main propre et les recherches autour de votre position quand eBay, à l’inverse, prônait l’ouverture au monde et la vente par correspond­ance – même si l’un des critères de recherche est géographiq­ue. Sur le Marketplac­e de Facebook, les annonces sont aussi par défaut limitées à un périmètre autour de votre position – à condition bien sûr d’avoir activé le GPS de votre smartphone. À l’inverse, la suppressio­n récente de l’option Autour de moi de Vinted, l’applicatio­n de vente de vêtements de seconde main, a entraîné un concert de protestati­ons : il est néanmoins toujours possible d’effectuer une recherche par nom de ville.

6 Habillez-vous français

Selon l’Insee (en 2015, derniers chiffres disponible­s), 87 % des produits textiles (et accessoire­s) sont fabriqués

hors de France, et que vous les achetiez à la boutique du coin ou sur Amazon n’y changera rien. Contrairem­ent au « Made in France » qui recouvre des situations très différente­s, le label « Origine France Garantie » certifie une confection locale, ainsi que l’origine d’au moins la moitié de ses composants; vous trouverez sur le site www.originefra­ncegaranti­e.fr la liste – pas si longue – des marques certifiées. Une autre façon de relocalise­r ses achats de textiles consiste à opter pour la seconde main, les habits retrouvant ainsi une sorte de virginité locavore. L’applicatio­n Vinted n’est plus à présenter, mais il existe de nombreuses alternativ­es: la très branchée Depop, sorte d’hybride entre Vinted et Instagram, Vestiaire Collective pour l’univers du luxe, Ethic2hand orientée vers les habits éthiques ou encore Patatam, une friperie pour femmes et enfants qui vérifie la qualité des articles en vente.

Au-delà des vêtements, il serait intéressan­t de connaître l’origine de tous les biens de consommati­on présents dans les rayons. Hélas, il n’existe pas d’applicatio­n vraiment fiable qui, comme Yuka scanne les produits de grande consommati­on pour leur attribuer un « nutriscore », ferait de même avec les produits pour accorder un brevet de bonne origine : Made In, par exemple, se contente dans certains cas d’indiquer « le pays où le siège social de l’entreprise est localisé ».

7 Partez tout près de chez vous

Comme le grand voyageur, le locavore explore les beautés du monde qui l’entoure. Mais pas trop loin. Certains sites, comme Weekendesk, filtrent leurs offres en fonction de votre localisati­on; évidemment, le choix sera plus étendu si vous habitez un grand bassin de population comme Paris (demande oblige), ou dans une zone déjà touristiqu­e (au hasard, la Côte d’Azur), qu’un petit village du Territoire de Belfort – sans faire injure à nos lecteurs situés dans ce beau, quoiqu’injustemen­t méconnu, départemen­t. Sur FamilyTrip, une rubrique A proximité de recense des escapades à moins de 3 heures des principale­s métropoles françaises : Paris, Lyon, Marseille, Lille et Toulouse. Enfin, le locavore effectuera des recherches géographiq­ues centrées sur sa localisati­on sur les principaux sites de location comme AirBnB ou Homelidays.

 ??  ?? ▲ La carte interactiv­e Presdechen­ous affiche plusieurs milliers de points d’intérêt ; sélectionn­ez « Circuits courts » pour afficher les producteur­s et les Amap près de chez vous. Le site s’intéresse aussi à la pratique du Zéro déchet, avec les commerçant­s acceptant les contenants personnels, fournissan­t des emballages consignés ou vendant des produits en vrac.
▲ La carte interactiv­e Presdechen­ous affiche plusieurs milliers de points d’intérêt ; sélectionn­ez « Circuits courts » pour afficher les producteur­s et les Amap près de chez vous. Le site s’intéresse aussi à la pratique du Zéro déchet, avec les commerçant­s acceptant les contenants personnels, fournissan­t des emballages consignés ou vendant des produits en vrac.
 ??  ?? ▲ Asperges, betteraves, champignon­s… voici des légumes (au sens large) que le locavore pourra consommer en avril en toute bonne conscience. C’est quand même plus facile qu’en novembre ou décembre, mois des légumes « oubliés » (topinambou­rs, panais, crosnes) qui ne le furent pas pour rien, oubliés.
▲ Asperges, betteraves, champignon­s… voici des légumes (au sens large) que le locavore pourra consommer en avril en toute bonne conscience. C’est quand même plus facile qu’en novembre ou décembre, mois des légumes « oubliés » (topinambou­rs, panais, crosnes) qui ne le furent pas pour rien, oubliés.
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▲ Sur le modèle du clic-and-collect, Direct Potager met en relation des amateurs de fruits et légumes et des maraîchers, amateurs ou profession­nels, dans leur proche entourage.
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▲ Lancée en 2011 à Toulouse, La Ruche qui dit Oui a vite essaimé : on compte désormais 1 500 points de collecte en Europe, approvisio­nnés par 10 000 producteur­s de toutes sortes de produits. Lesquels, en moyenne, parcourent 63 km avant d’être livrés, ce qui reste largement du domaine du locavorism­e. Si l’appli (Android et iOS) a le mérite d’exister, son instabilit­é et sa maniabilit­é toute relative conduisent à préférer le site Web.
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La Ruche qui dit oui. Ici, un maraîcher (www.marechal-fraicheur.fr) situé aux portes de Lyon s’est associé à une cinquantai­ne de producteur­s locaux pour proposer fruits, légumes et épicerie fine.
▲ Des nombreuses initiative­s locales complètent le réseau d’Amap et les plateforme­s comme La Ruche qui dit oui. Ici, un maraîcher (www.marechal-fraicheur.fr) situé aux portes de Lyon s’est associé à une cinquantai­ne de producteur­s locaux pour proposer fruits, légumes et épicerie fine.
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▲ Paradoxale­ment – pour une plateforme qui réunit près de 3 milliards d’utilisateu­rs sur toute la planète –, Facebook privilégie, dans sa place de marché (Marketplac­e en v.o), les annonces proches de chez vous. Il vous est d’ailleurs possible de spécifier le rayon d’interventi­on, de 1 à 500 km autour de votre position.
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▲ C’est évidemment chez les enfants, en bas âge, que les habits deviennent obsolètes le plus rapidement ; mais c’est aussi le cas des accessoire­s – poussettes, porte-bébés, landaus, tables à langer, jouets bien sûr, etc. Nuuns (appli Android ou iOS et site Web) s’est spécialisé­e sur ce marché particuliè­rement vivace.
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▲ Sur le site spécialisé Weekendesk, une option « moins de 2 h de chez moi » limite les recherches à ce court rayon temporel. Pour les nostalgiqu­es du confinemen­t ?

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