PAS D’BLAGUE, BERNIE !
LES FRANCILIENS ONT LEUR DESTIN ENTRE LES MAINS ET COMPTENT, POUR L’ULTIME MATCH DE LA PHASE RÉGULIÈRE, SUR L’ÉNERGIE DE LE ROUX, REVENU DU DIABLE VAUVERT, POUR TERMINER UNE SAISON NOIRE SUR UN FEU D’ARTIFICE.
Dans les Hauts-de-Seine, la tempête s’est provisoirement apaisée. La pluie de cendres qui accompagnait le Racing depuis dix mois a tout à coup cessé, laissant place à l’espoir de terminer cette funeste saison sur un sourire jusqu’ici inespéré. Pour la première fois depuis des lustres, les planètes semblent enfin alignées et, si l’on en croit les astres, une victoire contre des Bordelais en souffrance, pour ne pas dire au gnouf, conjuguée avec les défaites plus que probables du Stade français à Montpellier et de la Section paloise à Mayol propulserait le Racing en barrages, vraisemblablement dans l’Hérault, territoire ennemi par excellence et où les Franciliens viennent d’encaisser cinquante points. « Un
beau finish nous ferait tout oublier », sourit Bernard Le Roux en préambule. De l’affaire des corticos à celle de l’higénamine, en passant par l’exil de Goosen ou le licenciement d’Ali Williams, sans oublier le gros coup de blues de Dan Carter, puisque le champion du monde a bel et bien souhaité, contrairement à ce qu’il affirme, briser son contrat et retourner en Nouvelle-Zélande en début d’année. « Les derniers mois ont été difficiles pour tout le monde, poursuit le flanker international. J’ai moi-aussi eu mes mauvais
moments. » Indisponible durant quatre mois en raison d’une large déchirure à la cuisse, ledit Bernie a broyé du noir : « Après le Mondial, mon corps a dit stop. Je n’ai pas fait une très bonne saison l’an passé, malgré le titre. Et celle qui a suivi a été pire. » Pour le troisième ligne du XV de France, l’amertume ayant fait suite à l’accident industriel du 17 octobre 2015 (défaite 62-13 contre les All Blacks) fut plus destructrice qu’il n’y paraissait : « Je n’ai pas voulu me l’avouer, au départ. Mais je n’évacue ce Mondial qu’aujourd’hui. Vous savez, je m’étais préparé pendant quatre ans pour ça : j’avais pensé « Coupe du monde, Coupe du monde, Coupe du monde », sans m’arrêter. Et puis... » Bernard Le Roux a pris une porte en plein visage. « Sans la finale barcelonaise, je dirais que les derniers mois
ont été horribles pour moi. Je me mettais trop de pression, j’avais perdu tout plaisir et après chaque défaite, je m’enfermais dans ma boîte. » Alors, il y eut bien cette sélection en équipe de France, acquise à Dublin lors du dernier Tournoi des 6 Nations. Ce jour-là, Le Roux revenait à peine de blessure et, propulsé dans l’enfer de l’Aviva, a livré son plus mauvais match en Bleu : « Je n’étais pas en forme. Cette sélection est peut-être arrivée trop tôt et les critiques qui ont suivi m’ont beaucoup touché. J’avais un sentiment d’injustice. On oubliait mes vingt-cinq premières caps avec l’équipe de France pour ne retenir que la pire. » CIEL MON RACING ! Depuis un mois, les blessures de Bernie se sont refermées et, de l’autre côté du périph’, le natif de Mooreesburg semble enfin être revenu à son meilleur niveau. À cet instant de la conversation, on lui glisse que son avenir se fera probablement au poste de deuxième ligne, où sa puissance et son abattage feraient de lui le complément idéal de Sébastien Vahaamahina en équipe de France. « Je ne sais pas… Je ne fais qu’1,96m, c’est plutôt petit pour le rugby international. Et puis, je perds beaucoup d’énergie en mêlée fermée. Un cran plus bas, j’ai l’impression d’avoir plus de liberté. » Dans la cage ou sur le flanc de la troisième ligne, Bernard Le Roux sera l’un des hommes clés de la fin de saison du Racing. Cette saison qui, pour l’anecdote,
aurait pu être la dernière du club ciel et blanc : « Je suis arrivé au Racing à 19 ans et je me considère comme un enfant du club. Le jour où le président nous a annoncés le projet de fusion, j’ai donc été sous le choc. Dans ma tête, je m’étais toujours dit que j’accrocherai un jour ou l’autre les 300 matchs avec le Racing. D’un coup, ma seconde famille allait disparaître... » Il coupe, reprend sa respiration, conlut ainsi : « Tout ça est derrière moi, désormais. J’ai retrouvé mes frères. Aujourd’hui, je veux que nous défendions notre titre jusqu’au bout. » Portés par l’hyperactivité de leur plaqueur le plus prolifique, les Franciliens se sont promis une revanche. C’est maintenant ou jamais…