Midi Olympique

Un monde ovale

- Emmanuel MASSICARD emmanuel.massicard@midi-olympique.fr

Imaginez le scandale si pareille affaire s’était produite en France… À tous coups, les clubs auraient -de bon droit- crié au scandale, peut-être même appelé leurs supporters à la manif’pour défendre le droit des joueurs au travail à domicile. Ils auraient visé la fédé, accusée de faire son beurre sur le dos des clubs et des Bleus en profitant de la tournée pour transforme­r les internatio­naux en têtes de gondoles Outre-Mer, avant de défier les Springboks… Rassurez-vous, toute ressemblan­ce avec des personnes ou des situations existantes, chez nous, ne saurait être que fortuite. Le tohu-bohu dont on parle s’est déroulé de l’autre côté du Channel, en Angleterre, où les Saracens ont préparé leur finale de Champions Cup, face à Clermont, sans six joueurs retenus par les Lions britanniqu­es et irlandais : les frères Vunipola, George, Kruis, Itoje et Farrell… Pas pour jouer, juste manière de régler les questions administra­tives et d’assurer la promo de la tournée en Nouvelle-Zélande.

Vous verriez Franck Azéma entamer, sourire aux lèvres, son sprint vers la finale de ses rêves sans Iturria, Jedrasiak, Chouly, Lopez, Lamerat et Spedding ? Peu probable, évidemment. Mais n’en rajoutons pas, toute ressemblan­ce est, répétonsle, fortuite… Surtout, le business des Lions reste un cas à part sur l’échiquier du rugby mondial ; une incongruit­é posée tous les quatre ans au milieu d’un calendrier internatio­nal alambiqué. Pourtant, le modèle est à surveiller de près. Pardelà son folklore, cette armée rouge revêt bien plus d’importance qu’il n’y paraît de ce côté du Channel. Elle serait même une source d’inspiratio­n pour l’ensemble d’un rugby mondial en quête de ressources financière­s, à l’image des Springboks et des All Blacks dont on dit les fédération­s exsangues. Les sélections sont ainsi devenues les machines à cash des fédés qui n’hésitent plus à les monnayer, multiplian­t les rencontres en dehors des compétitio­ns, parfois en terrain « neutre ». Les Bleus n’échappent pas à la règle : la FFR envisage d’ajouter un cinquième test au programme automnal (déjà renforcé d’un match supplément­aire face à la Nouvelle-Zélande, en semaine), qui serait délocalisé (cette année à Singapour, contre l’Australie) et priverait encore davantage les clubs de leurs internatio­naux. L’affaire est actuelleme­nt en négociatio­ns avec la Ligue. Un jour ou l’autre, il faudra s’y résigner et, surtout, revoir le calendrier pour que l’ambition des patrons de fédération ne fragilise pas la base sur laquelle ils sont assis. Parce que l’on ne badine pas avec le pouvoir, pas plus que l’on ne plaisante avec l’argent… En attendant, les Clermontoi­s ont préparé quasi au complet leur finale européenne, à l’image du Stade français qui jouera sa saison face à Gloucester en Challenge Cup. Une fois n’est pas coutume, la France est ainsi mieux logée que ses adversaire­s. Il convient d’apprécier l’augure comme il faut se préparer à « déguster » le menu offert par le tirage au sort du Mondial 2019… Les Bleus sont dans une poule d’enfer (Angleterre et Argentine, en attendant Fidji, Tonga ou Samoa, sans oublier probableme­nt Usa ou Canada).

Jamais XV de France n’a été soumis à un tel programme ! Si le risque sportif est grand, ces matchs portent une double promesse : celle d’une compétitio­n haletante, dans deux ans au Japon. Et celle d’une motivation décuplée pour Novès, son staff et ses joueurs qui ne pourront guigner les Tournois s’ils entendent se bâtir un palmarès avant d’avoir à lutter pour ne pas être les premiers français à ne pas sortir de la phase préliminai­re d’un Mondial… Bref, vous l’aurez compris, on n’a pas fini d’entendre parler des sélections !

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