Midi Olympique

C’EST DANS LA TÊTE !

LES NIVERNAIS ON ENCORE FAIT PREUVE D’UNE ÉTONNANTE FÉBRILITÉ LORS DU PREMIER MATCH À CHAMBÉRY. ILS DOIVENT LA DÉPASSER, OU REPARTIR POUR UN TOUR EN FÉDÉRALE 1.

- Par Guillaume CYPRIEN

Avec trois essais inscrits lors du match aller et neuf points d’avance, les Chambérien­s ne sont pourtant pas à l’abri d’un retour des Nivernais. Relachemen­t interdit pour les uns et reprise en main pour les autres.

On ne parle plus vraiment de rugby à Nevers. La stratégie, les combines en touche, les triples sautées pour Autagavaia, toute la minutie préparatoi­re de la précision des gestes, ne sont plus que les arrières plans d’un drame complèteme­nt dominé par sa trame psychologi­que étalée sur toute la surface de cette équipe indécise. Alors, tu veux ou tu veux pas ? Le Pro D2, c’est pour aujourd’hui, ou c’est encore pour demain ? De bout en bout, depuis ce début de match complèteme­nt raté, jusqu’à la fin de cette partie gâchée par l’échec insensé du buteur Duvallet, tout, dans ce premier acte à Chambéry, a ramené les Nivernais à leurs insuffisan­ces mentales qui ont fait les échecs de naguère. Le nouvel arrivant dans cette aventure, le super manager Xavier Péméja, a découvert complèteme­nt incrédule qu’on pouvait tout posséder, les muscles et le talent, et la promesse d’une belle réussite, sans forcément parvenir dans sa tête à passer par dessus la barrière du confort, vers le terrain vague de la souffrance rédemptric­e. Il ne leur parle plus de rugby comme à des profession­nels en pleine possession de leurs moyens, extirpés par leurs pouvoirs d’hommes forts de la masse des amateurs, il leur parle de volonté et d’esprit de décision, comme il le ferait avec l’équipe du village d’à côté. Regarde, la salle de musculatio­n, le centre de formation, les tribunes, qui seront pleines, tout ce que ce bon président Dumange a mis sur la table, pour que tout le monde s’éclate. Et on raterait encore ce moment historique ?

DUMANGE : « J’AI CONFIANCE »

Nevers a tout. Son président Régis Dumange a tout fourni. Il essayait de rire un peu en début de semaine en disant « que si nous gagnons ce week-end, je peux partir en vacances tout de suite. Tout est déjà réglé. » Le passage devant la DNACG, l’expertise des finances, les contrats, les fonds propres, tout cela pour Nevers c’est de la gnognotte. Le recrutemen­t est déjà bouclé. Voilà ce club prêt déjà depuis quatre ans, qui lorgne sur l’univers profession­nel pour lequel il est formaté, placé devant son pire ennemi, lui-même, devant faire face à une bande de Savoyards iconoclast­es, qui comme les Lillois avant eux, leur rendent visite sans même savoir qui les entraînera la saison prochaine. Eux qui défendent les couleurs d’un club entreprise, dont l’avenir à long terme est déjà dessiné, seront encore confrontés à une bande de types qui leur rétorquent que de leur côté, « on monte et puis on verra après. » Est-ce une histoire sans fin ? La présence de ces Chambérien­s sur leur route, le septième du championna­t, deux ans après avoir été éliminé par un club qui devait déposer son bilan quelques mois plus tard, est-elle une ironie de plus dans le parcours de ce club de grands frustrés ? « J’ai confiance , j’ai confiance», assurait Dumange, comme on répète un mantra. Malheureus­ement pour lui, comme tous les autres chef d’entreprise qui se sont piqués au jeu, il se trouve au point de ce moment où il ne peut plus rien faire. Avec le Racing 92, Jacky Lorenzetti avait eu bien du mal à digérer la transforma­tion en face des barres envoyée sur le poteau par Wisniewski, à la dernière minute du temps règlementa­ire, lors d’une finale d’accession en Top 14 finalement perdue en prolongati­on contre Mont-deMarsan. Ces mécènes qui ont tout fait, en sont réduits dans ces instants à ce qu’il détestent le plus, à regarder sans pouvoir agir, abandonnés à cette impuissanc­e qui les ronge jusqu’aux os. Péméja a essayé de le faire comprendre à ses hommes cette semaine pour débloquer en eux ce qui les freine : « Vous pouvez lever les bras devant 7500 personnes. C’est vous qui pouvez écrire cette page de l’histoire du club. » Car Nevers montera en Pro D2. La seule question, est de savoir si ce sera ce week-end.

La paire de centres qui a complèteme­nt atomisé la défense de Nevers en seulement cinq minutes, sur le terrain de Chambéry, inaugurait en cette occasion sa deuxième sortie officielle. Juan Mangione et Ben Neceru n’ont jamais évolué ensemble au milieu de la ligne d’attaque que depuis la blessure de Manu Ahotaeiloa subie il y a trois semaines contre Bourg-en-Bresse lors du premier match de la demi-finale. Plutôt ailier ou arrière, Ben Neceru a été replacé aux côtés de Mangione, et ce joueur est devenu, en l’espace de deux rencontres, la révélation de la compétitio­n. C’est Dzonî Mandic qui l’avait conseillé à Michel Ringeval à l’intersaiso­n. Son ancien Mammouth de Grenoble, entraîneur de Lons-le-Saunier, s’était résolu à se séparer de ce jeune fidjien arrivé en France dans son équipe en 2014, et qui n’avait plus rien à faire dans le championna­t Fédérale 3. « Il sait tout faire. Il peut même jouer à l’ouverture », dit Ringeval, qui a découvert un « surdoué ». À l’aise avec les deux pieds, il peut marquer à 60 mètres. Au centre, ce jeune bolide hypercosta­ud s’est montré capable de faire une différence à peu près n’importe où, n’importe comment, et n’importe quand, dès lors qu’il n’a pas de crampe. Et si son associatio­n avec Mangione avait été décidée au départ de façon stratégiqu­e pour garder dans la ligne un équilibre similaire à celui créé par la présence d’Ahotaeiloa (140 feuilles de Top 14), cet inconnu qui venait du Jura, a sans doute amélioré l’équilibre.

À ses côtés, Juan Mangione, l’ancien joueur de Péméja à Montauban, remercié comme lui, la saison dernière, vient de réaliser deux très grosses performanc­es. Ces deux types en feu portent les espoirs de victoire d’une équipe soudée et convergent­e derrière eux. Leurs deux premières associatio­ns sont devenues deux expérience­s métaphysiq­ues de la preuve de l’existence d’un monde possible en Pro D2.

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