Midi Olympique

LES PROMESSES DE L’AUBE

COUPABLES DE DIX PETITES MINUTES DE RELÂCHEMEN­T FACE À DES TOULONNAIS PLUS EXPÉRIMENT­ÉS ET OPPORTUNIS­TES, LES CASTRAIS ONT TERMINÉ LEUR SAISON VENDREDI SOIR, À MAYOL. MAIS L’ALCHIMIE DANS LE GROUPE A PRIS, ET CELLE-CI AUGURE UN BEAU FUTUR...

- Par Simon VALZER, envoyé spécial simon.valzer@midi-olympique.fr

Voilà, c’est fini. L’an II du CO nouveau s’est donc terminé vendredi soir dernier, à Mayol. Au coup de sifflet final, l’émotion était grande côté tarnais. Il y eut des larmes, sur le terrain et dans les tribunes. Celles du puncheur Benjamin Caminati, auteur d’une prestation remarquée face à son ancien club, ou celles de la révélation castraise Mathieu Babillot, inconsolab­le malgré les embrassade­s des supporters castrais massés dans le coin gauche d’un des virages de Mayol. Pour autant, le vestiaire castrais n’est pas resté longtemps silencieux. « Il y a rapidement eu de la joie », raconte le manager Christophe Urios. « Les mecs se sont mis à chanter ensemble », prolonge son adjoint Joe El Abd. De la joie, vraiment ? Oui, de la joie. « Parce qu’aujourd’hui, les mecs n’ont pas à rougir de ce qu’ils ont fait. Parce que même si elle se termine un peu tôt, l’histoire est quand même belle. Et parce que nous avions des choses à fêter, comme le dernier match de Brice Mach, qui termine son aventure avec le CO sur un gros match, et qui méritait d’être célébré », ajoute l’Anglais. Bien sûr, la douleur est là. Lucide, le manager Christophe Urios dressait son propre bilan : « Cela fait trois matchs de barrage que je perds. J’aurais vraiment aimé disputer cette demi-finale contre la Rochelle. » À sa décharge, on peut dire que sur ces trois matchs de barrages, tous étaient à l’extérieur : avec Oyonnax à Toulouse, à Montpellie­r l’année dernière avec Castres. Et que sur ces trois matchs couperets, ses hommes ont manqué la victoire d’un cheveu. Ou plutôt à dix minutes. À Ernest-Wallon, il avait manqué dix minutes de ressources physiques aux Oyomen pour contenir les assauts toulousain­s et l’essai de 70 mètres conclu par Cyril Baille.

DIX MINUTES FATALES

Vendredi soir, l’histoire s’est répétée. Il a manqué dix minutes de lucidité aux Castrais pour contenir l’avancée des cuirassés varois : à l’heure de jeu, alors qu’ils étaient devant au score et en double supériorit­é numérique, les Tarnais se sont éteints. Ou plutôt ils ont perdu les pédales, subissant « la révolte » des Toulonnais, dixit Urios : « Ces dix minutes de flottement nous coûtent le match, en effet », regrettait le centre Thomas Combezou, mordant à Mayol. « Les Toulonnais ont été capables de nous mettre sous pression au moment où nous devions être supérieurs. Bien qu’à treize, ils avancent, marquent une pénalité, puis un essai en bout de ligne », reprenait le deuxième ligne Loïc Jacquet. Au total, le CO encaissa treize points alors qu’il était en supériorit­é numérique, avant de remettre la main sur le match grâce à l’énergie des remplaçant­s. « Nous avons été attentiste­s », regrettait l’ex-Clermontoi­s. « Nous avons voulu gérer alors qu’il fallait leur mettre la tête sous l’eau. Dans un match comme celuici, à l’extérieur, on ne peut pas gérer. » En définitive, cette courte défaite est un peu à l’image des prestation­s du CO à l’extérieur cette saison : toujours au rendez-vous, coriace, difficile à manoeuvrer mais qui manque encore de maîtrise collective dans le « money time », période dans laquelle les Tarnais ont laissé filer « quatre ou cinq rencontres » selon leur manager.

COMBEZOU : « UN GROUPE S’EST FORMÉ »

De la frustratio­n donc, mais pas de colère. Tout le contraire donc de l’ambiance qui régnait dans le vestiaire castrais l’année dernière à l’Altrad Stadium au même stade de la compétitio­n : « Ce jour-là, nous avons explosé physiqueme­nt et humainemen­t », se souvenait Urios. « Je me souviens bien de ce moment », grimaçait Joe El Abd, « on ne pouvait plus se voir en photo. On ne se supportait plus, tout le monde voulait partir en vacances. Aujourd’hui, c’est totalement différent. Le groupe a changé, il voulait vivre ce moment de douleur et de joie ensemble. » Oui, le CO reste encore à la porte des demi-finales. Mais au moins, on peut dire qu’il possède aujourd’hui un groupe solide et homogène : « Cette année, un groupe s’est formé. Il n’est plus dispersé comme avant, comme quand il y avait les anciens du club, les nouveaux, ou les mecs d’Oyonnax. Cet effectif s’est construit et c’est prometteur pour la suite », expliquait le centre Thomas Combezou. Ces promesses, ce sont aussi celles faites par la jeune garde du Castres olympique : le troisième ligne Anthony Jelonch, 20 ans, titulaire samedi soir face à Juanne Smith, monument du rugby sud-africain. Celles de Victor Moreaux, encore auteur d’une entrée en jeu remarquée, ou celles de Mathieu Babillot et Florian Vialelle qui ont signé des saisons remarquabl­es pour leurs jeunes âges. Le tour d’autres jeunes viendra, comme le pilier gauche Tudor Stroe ou l’arrière Kylian Jaminet, vu comme l’un des meilleurs joueurs des Espoirs castrais. Il y a aussi celles qui ont été tenues par les recrues, ces revanchard­s du Top 14 tels que le centre Robbie Ebersohn et Loïc Jacquet, omniprésen­ts tout au long de la saison : « J’ai retrouvé du plaisir, de l’épanouisse­ment au sein de ce groupe et ce club », nous confiait le deuxième ligne. J’ai l’impression de retrouver mes années Espoir où l’on s’envoie sans avoir peur de faire une bêtise. Et puis j’ai eu la chance de rejouer des gros matchs, alors qu’à Clermont je n’étais plus invité à partir du mois de mars. Ça me fait du bien au moral. » Sans oublier celles des bonnes surprises du recrutemen­t castrais, à l’image du numéro huit Steve Mafi ou de Ma’ama Vaipulu, l’exjoueur des Chiefs qui croisa le fer avec le monument sud-africain Duane Vermeulen : « Tous ces mecs ne sont arrivés que cette année, et apporteron­t encore plus l’année prochaine », promet Joe El Abd. « J’ai déjà hâte que la saison prochaine recommence », glissait dans un sourire Loïc Jacquet. « Quelle fierté de diriger ce groupe », abondait Urios, « même si le résultat est décevant, cela donne envie d’y retourner. » Les Castrais n’ont même pas encore pris le temps de ranger leurs crampons qu’ils songent déjà à la reprise. Voilà qui montre bien l’appétit d’un groupe qui n’en est qu’au début de son histoire collective.

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