C’ÉTAIT BIEN, QUAND MÊME…
MONTAUBAN A DÉJOUÉ TOUS LES PRONOSTICS ET S’EST OFFERT UNE SAISON AU PRESQUE PARFAIT. RETOUR SUR LES MOMENTS CHARNIÈRES D’UNE SAISON DE FINALISTE, BELLE MALGRÉ LA FRUSTRATION DE LA DÉFAITE.
Surtout, pas de regret. La marche était trop haute, ce dimanche après-midi pour les Montalbanais, acteurs malheureux du superbe spectacle offert par cette finale dans l’écrin de Chaban-Delmas. Agen était trop prêt, trop préparé, trop expérimenté. Trop fort, tout simplement. Quand les derniers ressentiments de la tristesse se seront évaporés, les Montalbanais, Petit Poucet du championnat (5,5 millions d’euros de budget) pourront se targuer d’avoir été un adversaire magnifique. Et d’avoir honoré leur adversaire agenais, vainqueur sublime au bout d’une logique implacable. Cette défaite lors de l’ultime chapitre de l’histoire ne doit en rien ternir le roman de la plus belle saison de l’USM chez les professionnels.
Le club de la cité d’Ingres a su gérer à la perfection le nouveau statut qui lui a collé à la peau une grande partie de la saison. Très vite en effet, tous les observateurs ont compris que ce club revenu des enfers d’une relégation administrative avait les moyens humains et sportifs de vivre une belle aventure. Hormis le faux pas inaugural à Vannes, chez un promu euphorique poussé par toute une région, le début de l’exercice est parfait, avec une première série de sept victoires consécutives. Tellement parfait qu’au coeur de l’hiver, au soir de la 14e journée, Montauban occupe la première place du classement et dispute, avec Agen et Oyonnax, le titre honorifique de champion d’automne. S’ils abandonnent la tête du classement lors de la 15e journée, battus à Agen, les Montalbanais marquent les esprits et posent les jalons de leur exploit. « Se retrouver premiers au milieu d’une saison n’est jamais anodin, souligne Olivier Caisso. Cela nous a fait prendre conscience que nous étions capables de rivaliser, que quelque chose de grand était à notre portée. »
UN PROJET CONSTRUIT SUR LA DURÉE
Non, Montauban n’est pas une comète, le seul produit d’une fin de Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany saison réussie, comme auraient pu l’être Biarritz ou Perpignan, auteurs de remontées fantastiques après des débuts difficiles. Les Vert ont construit leur projet dans la longueur, en misant sur la régularité des résultats, sur la force de leur groupe et sur l’aura de leur antre de Sapiac que seuls les Agenais, toujours eux, ont réussi à faire plier. Caisso se souvient : « Une belle saison de rugby, c’est avant tout une belle histoire d’hommes. Lorsque les nouveaux sont arrivés et qu’il a fallu les intégrer, en début de saison, nous sommes partis en stage avec les militaires du 17e RGP dans les gorges de l’Aveyron. C’était très dur et, à la fin du stage, nous avons fait une fête pour introniser les nouveaux et terminer cette étape de cohésion sur une bonne note. J’ai immédiatement senti qu’un groupe était en train de naître. Humainement, cette équipe est forte. » Dans ce club au fonctionnement « à l’ancienne », dixit Daniel Bory, l’humain est et a toujours été au centre des relations. Pour autant, les hommes du duo Lafond-Whitaker n’ont pas roulé trente journées durant sur une route parfaitement plane, dénuée d’obstacles. Daniel Bory, marathonien et « trailer » émérite à ses heures perdues, savaient que ce championnat long et homogène, était semblable au 42,195 km de l’épreuve olympique qu’il y aurait des moments difficiles à négocier. Et ce fut le cas. Olivier Caisso déroule : « Il y a eu la défaite contre Agen, la seule de la saison à Sapiac, le manqué à Bourgoin (défaite 16-14, N.D.L.R.) où tous nos concurrents directs se sont imposés et surtout la déroute à Perpignan, où nous avons pris quasiment 40 points (37-3, le 12 mars, lors de la 24e journée) ». Une défaite terrible sur le moment mais finalement salutaire.
UNE RÉUNION POUR TOUT CHANGER
2017 ouvre son printemps et Montauban, pour la première (et seule) fois de la saison, est au creux de la vague, sorti du quinté de tête, des bleus au coeur et à l’âme. Il est urgent de réagir et Pierre-Philippe Lafond et Chris Whitaker ont le bon réflexe. Sitôt la déroute de Giral débriefée à la vidéo, les deux hommes convoquent quelques joueurs expérimentés du groupe à rester avec eux dans le ventre de Sapiac. S’ensuit une réunion informelle, une conversation à bâtons rompus pour poser les bases d’un nouveau départ. « Il fallait nous remettre en question, expose Pierre-Philippe Lafond. Nous avons écouté les joueurs et corrigé de petites choses sur notre fonctionnement, sur notre approche, sur notre façon de travailler. Nous avons remis la notion de groupe au centre des débats. » Olivier Caisso reprend : « Cette réunion a agi comme un déclic. « PP » a su trouver les mots. Il restait six matchs à jouer. Nous étions toujours maîtres de notre destin. Restait à savoir ce que nous voulions en faire. » Les joueurs ont eu le choix entre vivre une fin de saison exceptionnelle ou entrer définitivement dans le rang du championnat. Ils ont choisi. Et n’ont déçu personne. Depuis leur petite réunion dans l’alcôve de Sapiac, les Vert n’ont plus perdu le moindre match. Ils ont surtout gagné à Colomiers lors de la 29e journée, un de leurs concurrent direct dans la course à la qualification, les éliminant de fait et s’offrant une demi-finale à domicile.
C’était le 30 avril dernier. Le jour où ils ont compris que cette saison était celle de tous les possibles. Daniel Bory raconte : « Mentalement, cette victoire nous a projeté. Elle nous offrait la possibilité de jouer la demi-finale à Sapiac, de nous ouvrir le tableau et surtout de récompenser notre public. Même si ce match est arrivé très tard dans la saison, c’est un vrai tournant. » La suite donnera raison au président Bory : en demi-finale, Montauban, dans un Sapiac en fusion, n’a fait qu’une bouchée de Mont-de-Marsan et s’est ouvert la route de la finale. « Nous avons le plus beau public de Pro D2, décrète Olivier Caisso sans ambages. Nous voulions vraiment lui offrir ce cadeau. » Son capitaine, Mickaël Ladhuie, 99 matchs en Vert et Noir depuis dimanche, corrobore : « Notre public nous porte, c’est une arme pour nous. Il est extraordinaire. »
Et maintenant ? « Cette saison n’est pas une fin en soi, pose d’emblée le président Daniel Bory qui pourrait, après sept ans au club, passer la main dès la saison prochaine, ou la saison d’après. Nous ne comptons pas disparaître des écrans radars l’an prochain. Il faudra apprendre à situer Montauban sur la grande carte de l’Ovalie. Nous voulons montrer que nous sommes redevenus, à force de travail, une place forte du rugby. » Et le président sportif - il a rejoint Bordeaux et le Stade Chaban-Delmas à vélo pour honorer un pari, 240 kilomètres d’une traite ! - d’en profiter pour planter une banderille : « J’ai l’impression qu’on nous a un peu oubliés, cette saison. Je « consomme » beaucoup de sport à la télévision et dans les journaux. J’ai vu beaucoup d’émissions spécialisées, lu beaucoup d’articles. Et j’ai surtout entendu les journalistes et autres consultants parler de Biarritz, d’Oyonnax, d’Agen, de Béziers même. Très peu de Montauban. À croire que nous n’existions pas. » Pour sûr, à l’avenir, les Verts auront droit à la mise en lumière qu’ils méritent. Cette belle réussite est aussi l’occasion pour les dirigeants de « remettre les compteurs à zéro » après l’affront de la relégation administrative de 2010. « Cela est loin désormais. Mais quand on en parle avec les Montalbanais, on s’aperçoit que beaucoup restent marqués par cette descente. Elle a fait énormément de mal dans l’entourage du club. Là, nous offrons une nouvelle fierté aux gens », explique Bory. Dimanche soir, tout le peuple sapiacain s’était donné rendez-vous dans sa célèbre cuvette, théâtre de tant d’exploits. À l’initiative de la Mairie de Montauban, les joueurs, les dirigeants et tous les sympathisants de l’USM étaient invités à une grande fête visant à célébrer cette saison à nulle autre pareille. L’heure est au plaisir. Pour le reste on verra demain. Et demain, c’est loin. Allez, musique !