ET COLLAZO QUITTA TOULON
LE MANAGER DE LA ROCHELLE, NATIF DE LA SEYNE-SUR-MER, VA RETROUVER, CE VENDREDI, À MARSEILLE, LE CLUB DE SON COEUR. APRÈS DE PROMETTEUSES CLASSES CHEZ LES CATÉGORIES JEUNES, LE PILIER AVAIT RAPIDEMENT MIS LE CAP VERS D’AUTRES HORIZONS. RÉCIT DE SON ÉPHÉMÈ
Minot de La Seyne-sur-Mer, à une demi-douzaine de bornes de Mayol, fils d’un éphémère pilier du RCT et jeune rugbyman façonné à l’école du muguet : tout prédestinait Patrice Collazo à jouer et à vibrer en rouge et noir. Mais en quinze ans de carrière senior, il aura passé une seule saison sous les couleurs de son club de coeur. Un paradoxe comme une anomalie. À l’âge de la majorité, le Seynois s’était pourtant imposé comme un des espoirs du coin : « Il était notre idole chez les jeunes, se remémore Stéphane Marquaire, son coéquipier depuis les minimes et son associé en première ligne. Tout le monde voyait bien qu’il avait les qualités pour percer en équipe première. Il avait notamment une bonne technique et se déplaçait bien, ce qui était rare pour un pilier à l’époque. À La Seyne, il avait joué 10. Il était même capable de buter. » En 1993, à 19 ans, Patrice Collazo commence à trouver le temps long. JeanClaude Ballatore, alors entraîneur de l’équipe fanion, se souvient des trépignements de ce jeune impétueux : « Il était dans l’effectif et on le suivait avec beaucoup d’attention. Mais il n’était pas encore prêt et y avait des joueurs confirmés devant lui. Or, il était impatient et pressé d’arriver. » Au printemps, un premier heurt acte cette tension visà-vis de l’encadrement : « Il avait été retenu pour la finale du challenge Jean-Bouin qui opposait alors les deux demi-finalistes perdants du championnat. C’était un match un peu gigot-haricot mais bon, ça restait une occasion de se montrer... Et bien, on l’attend toujours. Je n’avais pas particulièrement apprécié. » Douze mois après, en juin 1994, le pilier décide de tenter l’aventure béglaise, aux côtés de son beau-frère Nathaniel Garnero : « D’autres clubs lui ont fait des propositions. Il a décidé de partir. » La parenthèse durera un an. Jusqu’à l’arrivée de Manu Diaz sur le banc : « Je me souvenais l’avoir vu jouer en cadets et juniors, se remémore l’ancien pilier gauche. Quand j’ai repris l’entraînement de l’équipe, j’ai fait des pieds et des mains pour le faire revenir. Il avait signé une semaine avant l’élection du FN à la tête de la ville. Il était passé en mutation à la mairie. À quelques jours près, ça n’aurait peut-être pas été possible, avec la nouvelle municipalité... »
« C’ÉTAIT VRAIMENT UN RENDEZ-VOUS MANQUÉ »
Sous la présidence de Loris Pedri, Patrice Collazo parvient enfin à se
révéler en rouge et noir : « C’était un joueur rude. Quelqu’un de fier, qui n’aimait pas se faire chahuter. Il avait joué un bon nombre de matchs. À la fin de cette année-là, je me suis fait débarquer et, un jour, alors que j’étais à la brasserie, il était venu me voir pour me dire : « Je m’en
vais. » Je n’ai pas trop cherché à comprendre. J’ai juste répondu : « Je trouve ça dommage. » À l’époque, il y avait des restrictions de budget. Il ne s’est peut-être pas non plus retrouvé dans le nouveau projet. »
Au printemps 1996, le club traverse une période de turbulences. La réduction drastique de la masse salariale enclenche un phénomène de migration : Loppy, Dasalmartini, Sentenac, Jaubert ou encore Collazo quittent Mayol. Direction Bègles, à nouveau, pour le pilier. « Cette histoire a été bizarre, reprend Stéphane Marquaire. Je n’ai jamais vraiment compris ce qui s’était passé, pourquoi ça n’avait pas marché. Il avait le potentiel pour réussir au RCT. C’est vraiment un rendez-vous manqué. Un peu comme Califano. C’est un vrai Toulonnais. Il n’aurait jamais dû partir. Je pense que le discours ne devait pas être rassurant pour les jeunes. Je comprends qu’à un moment donné, à 21 ans, il ait pu perdre patience. Cela faisait partie de son caractère. » Un tempérament
sans concession : « Il était déjà très exigeant, surtout envers lui-même. Faire un en-avant ou souffrir en mêlée le rendait malade. Il valait mieux qu’il n’y ait pas un adversaire à côté quand il tombait le
ballon... Quant à perdre, c’était inacceptable à ses yeux. » Quitte à tourner le dos à ses origines et à ses premières amours, le minot de la Seyne force son destin et s’en va sous d’autres cieux. Son partenaire d’alors regrette : « Cela aurait été beau qu’il réussisse à Toulon. »
Un exil comme un crève-coeur personnel mais aussi comme le point de départ d’un voyage initiatique enrichissant. Via Bègles, Paris, Toulouse, Gloucester, le Racing-Metro et La Rochelle. « Quand je regarde sa carrière et tout ce qu’il accomplit comme entraîneur, je me dis que toutes ses expériences lui ont été très profitables », analyse JeanClaude Ballatore. Stéphane Marquaire conclut : « À l’époque, on disait : « Quand tu pars de Toulon, tu perds la raison. » Sa trajectoire prouve que ce n’est pas forcément vrai. »