Midi Olympique

POKER PERDANT

LE STAFF A MULTIPLIÉ LES TENTATIVES DE BLUFF DANS LES HEURES PRÉCÉDANT LA RENCONTRE. MAIS ENTRE CHOIX NON PAYANTS, COUPS DU SORT ET MANQUE D’INTENTIONS, LES MARITIMES ONT FINI PAR PERDRE LE FIL DE LA PARTIE...

- Par Jérémy FADAT, envoyé spécial jeremy.fadat@midi-olympique.fr

Il suffit de s’inviter à la table des demi-finales pour mesurer à quel point les mises sont énormes. Maître incontesté de la phase régulière du Top 14, La Rochelle s’est offert trois semaines de répit, autant que de crainte, avant de rejoindre le tapis marseillai­s. « J’ai trouvé que mes joueurs n’ont pas subi l’événement, se le sont approprié, assure Patrice Collazo. Ils étaient prêts. » Le propre d’une partie de poker, dans laquelle il s’est lancé en préparant ce match, est pourtant de basculer sur un rien, un coup du sort imprévisib­le. En l’occurrence sorti de la poche de M. Gaüzere. Carton rouge pour Aguillon, Toulon à quinze contre quatorze. « Est-ce important de savoir si je le trouve sévère ? Est-ce que cela va changer quelque chose ? » prévient Collazo. Il a en tout cas changé le cours d’une histoire dont l’épilogue aurait pu être écrit bien plus tôt. Énième rebondisse­ment d’une comédie commencée jeudi, laquelle a fini par virer au tragique. Veille de la rencontre : la compositio­n officielle de l’ASR tombe. Paul Jordaan, annoncé forfait jusqu’à la fin de saison, est titulaire. Levani Botia est maintenu flanker. Jason Eaton n’est même pas dans le groupe. À vrai dire, les premières fuites intervienn­ent le soir même : Botia jouera au centre, Sazy en troisième ligne. Le matin de la rencontre, on nous confie même du côté toulonnais : « On sait qu’Atonio sera deuxième ligne. » Alors que le coup de bluff est révélé par nos soins à deux heures du coup d’envoi, le speaker énumère pour les supporters du Vélodrome les numéros : Botia en 12, Sazy en 6, Eaton en 19. Mais le staff rochelais aura poussé le vice jusqu’au bout en tentant une double esbroufe. Au moment de l’entrée des joueurs, Atonio porte bien le 4. Exit Cedaro, qui n’est même plus sur la feuille de match, bienvenue Kaulashvil­i qui démarre pilier droit. Ultimes remplaceme­nts qui n’ont finalement pas dupé grand monde. Patrice Collazo a cherché à gagner à Rugby Manager. Cela aurait pu fonctionne­r, comme lors du déplacemen­t à Toulouse en mars dernier. Néanmoins, vendredi soir, il aurait sûrement suffi de jouer au rugby, tout court, pour l’emporter tellement les Maritimes semblaient supérieurs à leurs adversaire­s. Pendant cinquante minutes, ils ont dominé, jusqu’à s’octroyer neuf points d’avance (156) mais ont aussi donné l’impression de freiner leurs intentions et leurs ambitions, au point de laisser en vie ce Toulon poussif et boitillant. Au point de rester à la merci d’une quelconque infortune. Laquelle fut cruelle, comme chacun le sait…

JAMES, LA MALÉDICTIO­N SE POURSUIT

Lorsqu’il fut question de stratégie, une pointe de frustratio­n transpirai­t des propos du boss maritime : « Nous avons mené au score quasiment toute la rencontre et, après l’expulsion, il y a eu la volonté et la déterminat­ion pour essayer de garder cette avance. […] L’équipe s’est concentrée autour, avec des soutiens proches. On espérait prendre trois points par trois points, et les distancer, ce que l’on a fait jusqu’à 15-6. Mais sur la première mi-temps, nous n’avons pas assez utilisé les couloirs sur les extérieurs. Cela a plutôt avantagé Toulon alors qu’on aurait trouvé des solutions dans ce couloir des quinze mètres. » Difficile de lui donner tort. Et dommage que le constat ne puisse limiter les dégâts. Il conviendra toujours de remettre en cause le pari Pelo, titulaire en première ligne derrière une saison chaotique et qui a coûté les six premiers points, l’absence de Januarie dans le XV de départ ou la faillite en touche et sur les réceptions de renvoi, La Rochelle regrettera longtemps sa timidité excessive. La suite n’est que remords et conséquenc­es… Notamment cette dernière possession mal négociée par Kevin Gourdon à la 77e minute. Ou encore l’état physique des troupes, après deux week-ends sans match. « En infériorit­é, nous avons été obligés de nous démultipli­er en défense et en attaque, justifie Collazo. C’est pour ça que, dix minutes plus tard, tout le monde avait des crampes. » Jusqu’à voir Victor Vito, double champion du monde et meilleur joueur du championna­t, avachi sur la pelouse. Mais le plus criant ? Brock James, que la malédictio­n des phases finales poursuivra jusqu’au bout. Un mois après sa demi-finale de Challenge ratée face à Gloucester, l’ouvreur a réalisé une prestation majuscule. Disons plutôt 67 minutes de haut vol, et un sansfaute au pied, avant de céder sa place… « Quand il est sorti, il marchait sur les mains tellement il avait des crampes », souffle Collazo. Forcément, sans les jambes, il aurait été dur de se charger de ces deux pénalités à la ligne médiane que rata Zack Holmes. Elles auraient récompensé cet incroyable public qui a trouvé le moyen de faire jeu égal avec son homologue malgré les 830 km qui séparent Marcel-Deflandre de la cité phocéenne. « Ça fait mal mais il faut en passer par là pour se construire, affirme l’entraîneur. On est encore en évolution, la taxe pour apprendre est chère. » Poker perdant. Et le RCT a raflé les gains.

 ?? Photo Midi Olympique - Bernard Garcia ?? Le reposition­nement de Uini Atonio en deuxième ligne n’a pas franchemen­t eu le résultat escompté par le staff rochelais. Ci-dessus, la fatigue de l’ouvreur Brock James, sorti, perclus de crampes.
Photo Midi Olympique - Bernard Garcia Le reposition­nement de Uini Atonio en deuxième ligne n’a pas franchemen­t eu le résultat escompté par le staff rochelais. Ci-dessus, la fatigue de l’ouvreur Brock James, sorti, perclus de crampes.
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