IL EST L’HEURE
EN ÉCHEC DEPUIS SEPT ANS, EN PHASE FINALE, MALGRÉ DES SAISONS SOUVENT SUPERBES, LES AUVERGNATS DOIVENT DÉSORMAIS CONCLURE. ILS N’ONT POURTANT JAMAIS SEMBLÉ AUSSI PRÊTS, QUE CE SOIT DANS LEURS TÊTES OU LEUR RUGBY. IL EST TEMPS DE S’AFFRANCHIR DU PASSÉ.
Il fallait s’y attendre. Mourad Boudjellal a toujours une bonne phrase quand il reçoit un promu, signe un joueur ou en vire un autre. Alors, quand il prépare une finale après avoir viré cinq membres du staff dans la saison (Doorey, Dominguez, Delmas, Meehan, Ford) et fait revenir deux « docs » dégagés l’été dernier, le « Comics Tycoon » de Toulon doit forcément aller au bout de la démarche, viscéralement lunatique. Ouvrez les micros, ça va défourailler : « Si on m’avait dit qu’on serait en finale, je ne l’aurais pas cru. Et je suis sincère. C’est déjà pas mal de faire six demi-finales à la suite. Si la vie veut nous en donner un peu plus on prendra, mais faut déjà savoir se contenter de ce que l’on a ». Hein ? Pas un coup de lame, pas une saillie épileptique contre la Ligue, le stade, le ciel, les oiseaux et la mer ? Rien sur l’adversaire ? « Je suis content d’être face à eux, d’être face à Michelin comme propriétaire de club. Mais je n’ai pas envie d’allumer Clermont. Il y a un vrai public » poursuivait le président toulonnais chez nos confrères de Rugbyrama. « La finale du Top 14 représente la vitrine de notre championnat et ça me paraît important pour notre sport que tout se passe dans l’esprit du rugby, avec du fair-play. Je pense vraiment que le rugby en a besoin. Je ne mettrai pas de l’huile sur le feu. […] Faut reconnaître quand les gens bossent bien et Clermont a bien bossé. ».
COURONNER UN RUGBY OFFENSIF
Boudjellal n’est jamais là où on l’attend. Et pour une fois, on trouverait un fond de vrai à son propos. Non pas qu’il se contentera, beau perdant, d’une place de finaliste. Mais Clermont, pour toute son antériorité, mérite certainement plus que quiconque ce bouclier. Il le mérite peut-être plus que jamais, dans la longue énumération de défaites en finale qui fait son histoire.
Entre autre intervention plus posée qu’à l’habitude, Boudjellal livrait également cette sensation, largement partagée : « Je sais que le stade sera derrière eux, que la France pousse derrière Clermont ». Ce n’est pas tant de savoir lequel fait jouer le plus de Français ou d’étrangers, lequel tient la communication la plus sympathique ou la plus « valeurs » (sic). C’est plutôt une forme de morale à laquelle les amateurs du rugby français aspirent : que le champion soit, à nouveau, une équipe au rugby ambitieux. Les demi-finales ont assis ces profils. Toulon n’a pas son pareil pour « destroncher » l’adversaire, détruire ses rucks, fracasser ses lancements et démembrer ses hommes sur la ligne d’avantage. C’est respectable et la recette a tenu La Rochelle en échec. Mais Clermont a produit tout autre chose : une quête constante de vitesse, de création et de mise à mal de l’adversaire par la recherche de l’intervalle, plutôt que de l’homme.
DES RAISONS D’Y CROIRE
C’est aussi une nouveauté à Clermont, à ce stade de la compétition. Les Auvergnats apparaissent soulagés d’un poids, depuis la défaite face aux Saracens et les traces qu’elle a laissé. « Dans les commentaires, tout le monde a été gentil avec nous après Murrayfield, reconnaissait Rémi Lamerat, samedi sur le parvis du Vélodrome de Marseille. Certes, les Saracens sont très forts. Mais nous n’avons jamais joué notre jeu. Nous avions préparé ce match en réfléchissant à contrer les « Sarries », jamais en pensant à ce que nous allions faire. On n’a plus envie de revivre ça. Ce qui importe désormais, c’est notre rugby ». L’Anglais Nick Abendanon assumait cette même envie. « Il faut prendre conscience de la qualité de notre jeu. Il ne faut plus hésiter à tenir le ballon, s’installer dans notre rugby et avoir confiance en ces plans de jeu qui nous ont permis d’obtenir de bons résultats cette saison. Une finale ou une demifinale reste un match, il n’y a pas de raison que notre rugby n’y fonctionne plus ». Pour Clermont, il est l’heure de couronner ce rugby flamboyant, unanimement salué, d’un titre tant attendu depuis sept années systématiquement gâchées par les inhibitions du mois de mai. « On va jouer notre rugby, il n’y a pas de raisons de faire autrement. Reste à savoir si on parviendra à le mettre en place, face à la férocité que nous proposera l’adversaire » se méfie Azéma. La balle est dans le camp de ses joueurs.