PARRA, SEPT ANS PLUS TARD
GRAND ARTISAN DE LA VICTOIRE CLERMONTOISE EN 2010, LE DEMI DE MÊLÉE, MORGAN PARRA, A DEPUIS PERDU DE SON “MODJO”. CEPENDANT, LES COURBES DE SES PRESTATIONS ET DES ATTENTES LE CONCERNANT SE SONT INVERSÉES.
Au fil des ans, l’histoire s’embellit, se déforme pour épouser les traits de l’envie, pas toujours conforme à la réalité. Et Morgan Parra serait presque devenu l’unique détenteur du Bouclier de 2010, tant le souvenir de sa mainmise sur la fin de saison clermontoise demeure prégnant.
Il comporte, soyons honnêtes, une part de vérité. Aujourd’hui respecté comme un patron du vestiaire, Parra était surtout reconnu à l’époque comme « le merdeux », un gamin qui puait le talent et dont la confiance irradiait tout le groupe auvergnat. Le 29 mai 2010, le soir où Clermont souleva le seul Bouclier de son histoire, il avait même réussi à faire de Brock James un joueur décisif dans un soir de finale. « L’exemple de Morgan sert beaucoup à Brock » appréciait alors Julien Bonnaire. « Quand il voit le petit demi de mêlée se jeter dans les jambes des troisième ligne adverses, s’accrocher aux branches et repartir au combat, il se persuade aussi qu’il peut le faire. Brock nous demande de plus en plus de le tester à l’entraînement. Il veut devenir un défenseur de premier plan ». Pour le coup, le souhait n’a pas abouti. Mais la prophétie de Morgan Parra, l’homme à qui aucune finale ne pouvait échapper, s’est aussi arrêtée ce soir-là.
LA FIN DE L’EXORCISTE
À 23 heures, le 29 mai 2010, les certitudes fusaient pourtant dans les couloirs du Stade de France. « La saison dernière, Jérôme Porical nous avait tués. Cette fois-ci, les Catalans sont tombés sur un os, qu’on appelle chez nous le merdeux » claquait Thomas Domingo. « Quand j’ai vu les médias s’emparer de son image, je me suis vraiment inquiété. Il est très jeune. J’ai eu peur qu’il s’effondre. Mais je m’étais trompé. Avant la finale, il était zen, imperméable à toute pression. Comme d’habitude en fait. Ce mec est hallucinant » poursuivait Julien Malzieu. Parra était l’exorciste. « On me dit souvent que je suis un « chattard ». Je commence à y croire… Et je veux d’autres titres » concédait le joueur, non sans rappeler qu’il s’était « pelé » tout ce qui lui arrivait à la force du don de son corps. Sauf que l’histoire a déraillé. L’équipe de France a peu à peu pris de la place
dans la carrière de Parra, les responsabilités se sont multipliées. Le « kid » de Bourgoin devait faire gagner Clermont dont il était devenu le buteur, devenir un cadre des Bleus, battre seul McCaw et sa bande en finale de Coupe du monde, à 23 ans et à un poste qui n’était plus le sien. Au passage, s’il avait pu inverser la courbe du chômage, on l’aurait bien remercié. Forcément trop pour un seul homme. Qui a fini par faillir, impuissant lors des cinq finales perdues depuis 2010 (une de Coupe du monde, trois de Coupe d’Europe, une de championnat de France). Il en sort endurci et n’a jamais semblé aussi proche de retrouver les lignes de son destin clermontois, alors que le maillot bleu s’est éloigné. « Morgan a connu vite et longtemps la sélection, avec deux Coupes du monde en prime. Peut-être qu’il avait besoin de souffler » glissait Franck Azéma au début du mois. Et Parra n’est plus le messie d’un peuple. C’est peut-être mieux ainsi.