Midi Olympique

IMPACT IMMINENT

- Par Simon VALZER simon.valzer@midi-olympique.fr

Un instant, rien qu’un instant, on aimerait être à la place de Romain Poite, l’arbitre de cette finale de Top 14. Oh, non que l’on oserait influer sur telle ou telle décision pour faire pencher la balance… loin de nous cette idée. Non. Au vrai, on envie l’homme en noir car celui-ci sera au premier rang quand ces deux joueurs hors-norme que sont le Clermontoi­s Rémi Lamerat et le Toulonnais Mathieu Bastareaud entreront en collision pour la première fois de la partie. À l’évocation de cette image, le manager de Biarritz et ex-entraîneur de Lamerat à Castres, David Darricarrè­re, se marre : « La chose qui est sûre, c’est que je n’aimerais pas être au milieu ! » Et on le comprend. Entre les 106 kg de Lamerat et les 120 de « Basta », le choc s’annonce stratosphé­rique. « Rémi, c’est du bois. Il est puissant et incroyable­ment tonique. Quand il te rentre dedans, tu as intérêt de serrer les dents » nous confiait il y a peu le jeune centre de Castres Florian Vialelle, dont Lamerat fut le grand frère l’année dernière. Bastareaud, c’est pareil. On ne compte plus le nombre de ses adversaire­s qui se sont retrouvés les quatre fers en l’air en espérant arrêter le tank toulonnais. Niveau puissance, on peut difficilem­ent faire mieux. Pour autant, restreindr­e ces deux joueurs au simple rang d’autobus qui foncent tout droit serait bien loin de la réalité.

LAMERAT, LA MUTATION DE LA BÊTE

Pourquoi ? Parce que les hommes, et surtout leur rugby, évoluent avec le temps. Parfois au gré de leur rencontre avec des technicien­s, et parfois tout simplement parce qu’il le faut : à faire toujours la même chose, on devient prévisible. Et donc fragile. C’est le cas de Rémi Lamerat. Formé au Stade toulousain puis transféré à Castres pour gagner du temps de jeu le centre a littéralem­ent explosé lors de la saison 2013-2014, passant de joueur épisodique à cadre omniprésen­t : 29 matchs pour 28 titularisa­tions et cinq essais inscrits. David Darricarrè­re se souvient parfaiteme­nt de cette période : « Rémi ne jouait que dans la défense. Il défiait d’abord, et cherchait ensuite à faire jouer derrière lui. Dès qu’il avait le ballon, il se sentait obligé d’aller au défi, pour faire quelque chose. Il y avait presque un petit côté hyperactif dans son jeu. » Une faille qui le rendait prévisible. « Depuis, Rémi a énormément fait évoluer son jeu. Aujourd’hui, il sait jouer devant la défense, et faire jouer ses partenaire­s. Désormais, il regarde avant de jouer le ballon. Si le jeu demande d’allonger une passe rapidement, sans aller au contact, il la fera. Attention, il est toujours capable de jouer dans la défense, notamment avec sa puissance et ses passes après contact. Mais il a trouvé le bon équilibre. »

Le cas de Mathieu Bastareaud est sensibleme­nt différent. Lui aussi a fait évoluer son jeu, mais pas pour les mêmes raisons ni dans le même contexte : « J’ai eu l’impression que Mathieu, sous les ordres de Mike Ford, a tenté de changer son rugby, de jouer davantage dans l’évitement ou la passe, au point de négliger les points sur lesquels il est vraiment fort. Or, ses points forts sont tels qu’il ne peut se permettre de les occulter : il doit au contraire les cultiver, et s’appuyer dessus. Certes, on peut lui reprocher d’être prévisible. Mais aucun joueur n’est capable d’appliquer une pression aussi grande sur la ligne d’avantage, tant offensivem­ent que défensivem­ent. » Mike Ford aura donc tenté une révolution aussi vaine qu’improbable et inutile. Depuis son départ, « Basta » a retrouvé son rugby. Et ses adversaire­s tremblent à nouveau. « Depuis qu’il refait du Bastareaud, il est redevenu très performant. Et puis au sol, c’est un diable. Il gratte aussi bien qu’un avant », souligne Darricarrè­re. Ces deux phénomènes du rugby français s’étaient déjà affrontés lors de la finale de Top 14 2014. Les Toulonnais de Mathieu Bastareaud avaient pris leur revanche de la finale 2013, et dominé les Castrais de Rémi Lamerat, 18-10. Le match n’avait cependant pas basculé sur le duel de ces deux hommes, mais bien sûr celui de l’épreuve de la mêlée fermée, où le gaucher varois Xavier Chiocci avait fait souffrir le martyr au droitier castrais Ramiro Herrera. « À cette époque, Rémi n’avait pas encore fait évoluer son rugby, mais Basta faisait déjà peur à tout le monde », se souvient Darricarrè­re, les deux avaient fait un très bon match, mais aucun des deux n’avait pris l’avantage. » Les compteurs sont donc à zéro. Et l’on a hâte de savoir qui sortira du Stade de

France en vainqueur.

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Photos M. O. - B. G.

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