Midi Olympique

« Je suis arrivé à Toulon Anglais, j’en repars Toulonnais »

DIMANCHE, POUR SON DERNIER MATCH SUR LE BANC DU RCT LE TECHNICIEN BRITANNIQU­E COMPTE JOUER UN MAUVAIS TOUR À CLERMONT, SON ANCIEN CLUB. ET AJOUTER, AUSSI, UNE LIGNE À SON PALMARÈS AFIN DE MARQUER D’UNE TRACE INDÉLÉBILE SON PASSAGE SUR LA RADE.

- Propos recueillis par Pierrick ILIC-RUFFINATTI

Richard, en disposant de La Rochelle, vous avez enchaîné un sixième succès consécutif...

Mike (Ford) est très bon entraîneur mais ça n’a pas pris. Je ne peux pas l’expliquer. Alors, quand il est parti, j’ai pris plusieurs joueurs à part et je leur ai dit : « Ok, il nous reste huit semaines, sept matchs, que fait-on ? » On s’est mis d’accord pour revenir à un jeu plus simple. Depuis le RCT enchaîne les succès et engrange de la confiance. C’est important pour un groupe d’apprendre à gagner et à trouver des solutions ensemble. De mon côté, la seule chose que je demande aux gars c’est de ne pas se projeter sur les échéances suivantes. Je leur dis : on prépare un match, on le gagne, on passe au suivant.

Comment décririez-vous le « management à la Cockerill » ?

D’abord j’essaye de véhiculer une attitude positive. Si le chef est positif, le groupe, le staff, le président suivront. Quand tu es le manager tu dois donner le tempo, c’est ce que je tente de faire. Ensuite je leur ai interdit de perdre un seul match. Si nous avions commencé à nous chercher des excuses, nous n’aurions jamais pu enchaîner les succès. Mon discours est simple : « Nous avons un bon staff, un bon esprit, de grands joueurs, je refuse que vous vous incliniez. »

Et personnell­ement, vous est-il arrivé de douter ?

Je me l’interdis. Imaginez si je leur disais « je ne sais pas, peutêtre, peut-être pas. » Ils douteraien­t à leur tour. Contre Pau ou La Rochelle nous étions privés de Nonu et Trinh-Duc. Et alors ? Je ne suis jamais allé parler avec les autres joueurs pour leur dire « comment va-t-on faire sans Ma’a ni François ? » Je n’ai pas montré d’inquiétude au groupe et j’ai dit : « Pas de problème : O’Connor et Belleau sont d’excellents joueurs, ils vont jouer. »

Vous qui n’aviez connu que Leicester, avez-vous rapidement trouvé votre place dans le vestiaire Toulonnais ?

Pour être honnête, ce n’est pas bien compliqué d’entraîner Toulon. Il y a quand même trois joueurs à plus de 100 sélections (Giteau, Nonu et Habana) ! Puis, tu as le capitaine de l’équipe de France et d’autres joueurs précieux comme Trinh-Duc, Fernandez Lobbe, Mitchell ou Bastareaud. Je le dis souvent, ce n’est pas mon équipe, c’est l’équipe des joueurs. Moi je suis le coach, je dirige l’entraîneme­nt, je donne les ordres et quand je dis « on fait ça », on fait ça. En échange je les consulte énormément et ils n’hésitent pas à me donner leurs avis. C’est un parfait équilibre.

Dimanche si Toulon s’impose vous aurez réussi votre pari. En revanche, en cas de défaite ne craignez-vous pas qu’on dise « tout ça pour ça » ?

Pour moi le plus important démarre maintenant. La finale ? À Toulon on ne peut pas s’en contenter. Le seul objectif, quand tu défends les couleurs du RCT, c’est d’être champion. Si on joue mal ? Je m’en fous. Il faudra juste gagner. 3-0 ça me suffit. Si on s’incline dimanche, les six victoires consécutiv­es n’auront servi à rien. Aujourd’hui, le Bouclier de Brennus est dans nos mains, il ne nous reste plus qu’à les fermer.

Cette équipe qui s’est inclinée 29-9 contre Clermont début avril peut-elle vraiment l’emporter au Stade de France, en finale ?

À Toulon il y a de bons joueurs, un bon esprit, un groupe en confiance et comme une victoire en emmène souvent une autre… On verra dimanche ! Mais au regard de leur saison, les Clermontoi­s sont favoris. Ils ont une super équipe et ont connu une saison beaucoup plus calme qu’à Toulon. Dimanche pour rivaliser il faudra impérative­ment que les galères de la saison restent à Berg et que nous soyons à 100 %. Ensuite ? Je ne vais pas leur mettre la pression, mais à la fin de la rencontre, je veux regarder le score et voir le RCT champion de France.

En signant à Toulon, pensiez-vous disputer une finale de Top 14 cinq mois plus tard ?

Tu y penses, tu l’espères, mais tu n’y crois pas vraiment. Je trouve que ce n’est pas un bon état d’esprit de voir si loin. Quand j’ai rejoint Toulon, il restait cinq mois de championna­t, il ne fallait pas penser à la fin de saison. Le Top 14 est très difficile. Bien plus que la Premiershi­p. Personnell­ement ce sera peut-être ma seule opportunit­é de remporter ce championna­t, je ne veux pas la manquer.

Les deux championna­ts sont-ils si différents ?

Le Top 14 est beaucoup plus physique et les chocs sont impression­nants. Je pense que si les quatre meilleures équipes anglaises jouaient dans le championna­t de France, elles rencontrer­aient de grandes difficulté­s. Ce n’est pas le même rugby. Ici jouer c’est bien, c’est joli, mais l’essentiel c’est de gagner. Qu’importe la manière.

En tant que coach, que retiendrez-vous de cette expérience ?

Rejoindre Toulon m’a permis de prouver que j’étais capable de coacher une autre grande équipe que Leicester. J’ai découvert de nouveaux joueurs, l’attente incroyable qui entoure ce club, un président très exigeant… À mon arrivée, Toulon était mal en point et j’ai montré que je savais toujours entraîner. Dominguez, avec tout le respect que j’ai pour lui, n’a pas su le faire. C’est pareil pour Ford. Moi j’ai réussi.

Mourad Boudjellal a déclaré que s’il n’avait pas engagé Fabien Galthié, il aurait souhaité vous conserver. Ne regrettez-vous pas de quitter Toulon ?

En signant à Toulon je savais que je ne venais que pour cinq mois, et que je n’étais que l’adjoint de Mike Ford. Aujourd’hui je ne suis plus adjoint mais mon contrat reste le même. Puis je ne me fais pas de soucis, le club passera rapidement à autre chose. Moi j’ai signé pour deux saisons à Édimbourg. Ensuite ? Peut-être que je reviendrai­s à Toulon. Ce qui est certain c’est que je veux entraîner à nouveau en France. J’aime le Top 14 et la vie française.

La vie française est-elle si différente ?

Oh oui ! Mais ce n’est pas un jugement de valeur, car ce n’est ni mieux, ni moins bien… C’est juste différent ! En Angleterre les gens sont toujours d’humeur égale. Que tu gagnes ou que tu perdes, les gens ne changent pas de comporteme­nt. Ici, si tu gagnes tu es là (il montre le plafond), si tu perds tu es là (il montre le sol). Les Français sont dans l’émotion.

À Toulon on a pu observer un Richard Cockerill volcanique, loin de l’image très calme des Anglais que vous décrivez.

Quand j’entraîne je ne peux pas être calme. C’est vrai que ça dépareille des autres Anglais. Je vis chaque moment avec beaucoup d’émotions. Je ne suis pas un acteur, je ne joue pas de rôle. Avant un match, je suis très inquiet, c’est pour ça que je crie, que je n’hésite pas à m’exprimer. D’autres coachs vont s’asseoir et prendre des notes. C’est une méthode, pas la mienne ! Finalement vous avez peut-être raison, je me comporte un peu comme un Français, car ici, je suis comme tout le monde, alors qu’en Angleterre c’était moi qui étais différent (rires). On me disait « Richard, calmetoi », je répondais « Quoi calme, toi, ? Je veux gagner, emmener mon équipe ! » Je ne pouvais pas me calmer, c’est comme ça.

Votre fils, Stanley, est né à Clermont. Qui supportera-til dimanche ?

(Rires) Non mais vous rigolez ? Il sera pour Toulon il n’a pas le choix ! De toute façon il est devenu Rouge et Noir, comme papa. Plus sérieuseme­nt il est né à Clermont et a vécu à Leicester, mais il a toujours adoré Toulon. Avant même que je n’en sois l’entraîneur. D’ailleurs cette semaine il a profité des vacances scolaires pour venir me voir, et quand je l’ai emmené à l’entraîneme­nt il était émerveillé de voir tous ces grands joueurs.

Et Richard Cockerill, est-il plus Clermontoi­s ou Toulonnais ?

J’ai d’excellents souvenirs à Clermont, j’y ai passé de belles

années. Mais c’est incomparab­le. Autant Leicester et Clermont étaient similaires, autant Toulon est unique. Quand je suis arrivé il y a cinq mois j’étais perçu comme un étranger. Quand je partirai, je serai Toulonnais ! Toulon c’est ma ville désormais. Comment l’expliquer ? Je n’ai jamais triché et tout le monde l’a vu. Puis nous avons partagé beaucoup d’émotions. Les joueurs sont bons, les supporters sont magnifique­s et toute la ville respire aux exploits du RCT. Je le répète, je suis arrivé à Toulon Anglais, j’en repars Toulonnais.

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Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany

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