Midi Olympique

CLERMONT NE CRAINT DÉGUN !

AU FIL D’UNE FINALE ACHARNÉE, INTENSE ET INDÉCISE JUSQU’AU BOUT, LES JAUNARDS ONT LOGIQUEMEN­T CONQUIS LE DEUXIÈME TITRE DE LEUR HISTOIRE SI PARTICULIÈ­RE. CE CLERMONT-LÀ NE CRAINT DÉGUN !

- Par Marc DUZAN marc.duzan@midi-olympique.fr

Il était 22 h 50, lorsque l’armée jaune a laissé échapper un souffle rauque, une gueulante de fond de cave, un incommensu­rable rugissemen­t de plaisir. Avec elle, le squelette de béton du « SDF » a soudaineme­nt été parcouru de ce frisson reconnaiss­able entre mille, avant de volontiers basculer dans une folie pure. Sur la pelouse, les Jaunards ont enfin baissé les armes, laissant l’émotion rompre le barrage qu’ils avaient érigé autour de leur clan, passé la claque d’une insupporta­ble défaite en finale de Champions Cup (17-28). Tout à coup, Damien Chouly s’est effondré sur la pelouse de Saint-Denis. Rémi Lamerat a couru sans vraiment savoir où il allait. Nick Abendanon a essuyé quelques larmes. Morgan Parra et Camille Lopez, eux, sont tombés dans les bras l’un de l’autre. Ces derniers mois, le premier avait perdu sa place en équipe de France quand l’autre, revenu d’entre les morts après avoir raté le Mondial anglais, s’était logiquemen­t imposé comme l’intouchabl­e meneur de jeu des Bleus. Ce 4 juin 2017, Lopez et Parra voyaient néanmoins leurs destins liés sur le point final d’une saison clermontoi­se marquée par les ascenseurs émotionnel­s dont les Jaunards ont la quasi-exclusivit­é, en Europe. Quel match ! Quel pied, ma bonne dame ! Et l’on voudrait, au nom du mérite et de la régularité, nous priver de la transe dans laquelle nous propulsent inexorable­ment les phases finales ? Plutôt crever que de se plier aux diktats de la rationalit­é, faire une croix sur la transhuman­ce inhérente au printemps et, surtout, au torrent émotionnel propre aux quatre-vingts minutes de ce dernier acte.

SUS AUX CHATS NOIRS !

« La chance des supporters clermontoi­s, a coutume de dire l’ancien ouvreur de l’ASM Jean-Pierre Romeu, c’est d’être heureux 350 jours par an et malheureux deux semaines au printemps. » Plus dynamiques, plus joueurs et in fine supérieurs à leurs adversaire­s du soir, les gonzes de Franck Azéma ont pourtant fracassé l’image de « Poulidor sympathiqu­e » qui accompagna­it jusqu’ici leur chemin de croix. Pour préparer au mieux cette foutue finale, le message avait été limpide en Auvergne : les finales perdues se comptaient au nombre de douze et quoi qu’il se passe au fil de la treizième, la défaite ne remettrait pas en cause l’équilibre d’un club squattant le gotha européen depuis près de dix ans. Sans le

banaliser, les Jaunards avaient ainsi choisi de dédramatis­er l’événement. Il ne fallait pas comprendre autre chose lorsque le manager Azéma déclarait quelques heures avant l’instant T : « Honnêtemen­t, si on perd celle-là, ça va faire quoi ? Est-ce que ça va changer l’histoire de l’ASM ? Non. Qu’est-ce que vous voulez qu’il nous arrive, alors ? Perdre une finale ? On est déjà rodé ! » Pour finir de se démarquer de la lourdeur de l’histoire, le patron sportif de Clermont avait aussi choisi de s’appuyer sur cette nouvelle génération clermontoi­se où Damian Penaud (20 ans), Judicaël Cancoriet (21 ans), Alivereti Raka (22 ans), Arthur Ithurria (23 ans) ou Paul Jedrasiak (24 ans) étaient affranchis des pesanteurs du passé…

Face à ça, le RCT privé du meilleur arrière au monde (Leigh Halfpenny) a rendu les armes au fil d’un combat acharné. Au lendemain du deuxième « bouclard » de l’histoire des Jaunards, on est néanmoins en droit de s’interroger sur le cas Halfpenny. Si le Gallois ne pouvait légitimeme­nt dire non à la tournée en Nouvelle-Zélande, on s’étonne de l’attitude quelque peu cavalière du Supremo des Lions Warren Gatland, refusant au joueur le droit de disputer la finale du Top 14 avant de l’écarter de la première feuille de match des « touristes », à Whangarei. Halfpenny a-t-il manqué aux Toulonnais ? C’est indiscutab­le. Le chérubin de Swansea est un buteur à 80 % de réussite et aurait probableme­nt fait mouche là où Anthony Belleau échoua à deux reprises. Une autre fois, qui sait…

POUR L’ÉTERNITÉ

Dimanche soir, la belle a donc bouffé la bête à la régulière, la dominant comme attendu sur la vitesse d’exécution, au gré de superbes lancements de jeu ; la surclassan­t, aussi, dans la conquête directe et en mêlée fermée, où Davit Zirakashvi­li et Raphaël Chaume s’en donnèrent à coeur joie, même à sept contre huit. De cette finale indécise, acharnée et parfois sublime, on gardera en mémoire l’essai de cent mètres aplati en début de match par Alivereti Raka, au terme d’une chevauchée fantastiqu­e de Damian Penaud ; la rage au coeur, aussi, de Ma’a Nonu, touché dans sa chair par une tragédie familiale et de retour au sommet de son art face aux Jaunards ; la complicité et la justesse d’exécution, enfin, de la charnière Parra-Lopez, à ce jour la meilleure en France. Ce dimanche 4 juin, les planètes se sont enfin alignées, Clermont a remporté le deuxième titre de son histoire et les sismograph­es de l’Hexagone ont enregistré des phénomènes nouveaux, place de Jaude. Clermont, c’est peut-être la victoire du plus beau rugby d’Europe. Mais c’est aussi le triomphe d’un élan populaire sans nul autre égal.

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Les Clermontoi­s de Alivereti Raka, auteur du premier essai à la 9e minute, félicité par Rémi Lamerat et David Stettle, du maître à jouer Morgan Parra, exemplaire dimanche soir et de Damian Penaud, supérieurs et à l’image de leur saison, se sont imposés fa
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