À BOUT DE SOUFFLE
ARRIVÉS EN AFRIQUE DU SUD ÉPUISÉS PAR LEUR DÉTOUR À MAYOTTE ET À LA RÉUNION, LES TRICOLORES ONT VOLONTAIREMENT VERSÉ DANS LE SURENTRAÎNEMENT POUR MIEUX SE PRÉPARER AUX 1 500 MÈTRES D’ALTITUDE DE PRETORIA, OÙ SE DISPUTERA LE PREMIER TEST. MAIS EN AFRIQUE,
Ce n’est pas que l’on veuille jouer les pisse-vinaigre, attention. Mais si on était entraîneur de l’équipe de France, on avoue que l’on se serait fait quelques petits soucis. En question ? Oh, des broutilles. Lesquelles, lorsqu’elles s’accumulent, prennent toujours plus de poids. On veut parler, d’abord, de ce détour par les Dom-Tom riche de sollicitations en tous genres, sans aucun accompagnement des dirigeants fédéraux. Lequel, s’il a fait le bonheur des enfants locaux, a également fait grincer quelques dents en interne, tant il a coûté en énergie. « Les premiers jours en Afrique du Sud, j’étais éreinté, souriait le talonneur Camille Chat. J’étais à Mayotte, où nous avons passé un jour et une nuit, avant de rejoindre le reste du groupe à la Réunion puis de terminer le voyage. Lors des premiers entraînements, je n’avais aucun gaz et l’impression de peser 130 kg… » Le problème ? C’est qu’il ne s’agit pas que de cela… Le « physio » Bruno Dalla Riva et le deuxième ligne Yoann Maestri, eux aussi passés par Mayotte, ont ainsi payé pour le savoir, cantonnés à la chambre pour les premiers jours à Johannesburg. Des absences qui n’ont pas été sans conséquences, fatalement. En premier lieu parce qu’elles ont contraint le préparateur physique Julien Deloire à travailler seul, donc moins efficacement, dans une période d’adaptation à l’altitude où la moindre séance s’avère cruciale. Ensuite parce qu’en l’absence de Maestri, les Bleus ne comptaient plus que Julien Ledevedec comme deuxième ligne valide (les autres deuxième ligne sélectionnés, Arthur Iturria et Romain Taofifenua, étant sur le pont de la finale). Ce qui a contraint Bernard Le Roux, Anthony Jelonch ou Uini Atonio à jouer les utilités pour le travail des phases de conquête…
BRU : « L’OBJECTIF RESTE DE REMPORTER LA SÉRIE »
Des « détails » forcément pénalisant pour un travail de précision, qui plus est pour le perfectionniste devant l’éternel que demeure Yannick Bru. Alors, ajoutez à cela le forfait appris samedi de l’ouvreur Camille Lopez, et vous conviendrez que, mis bout à bout, tous ces éléments ont de quoi inquiéter… « Il faut composer avec quelques blessures inhérentes au haut niveau, avec la fatigue des joueurs clermontois qui sont allés loin sur les deux tableaux cette saison, soufflait Bru. Mais tous ces éléments ne constitueront en rien une excuse. Notre objectif est intact, qui consiste à remporter cette série de tests en Afrique du Sud. Nous avons terminé troisièmes du dernier Tournoi, alors ce n’est pas se mettre une pression supplémentaire que de dire qu’une tournée réussie ne peut être qu’une tournée victorieuse. Nous avons envie de battre des nations mieux classées que nous au classement de World Rugby pour matérialiser notre progression. Et nous en avons les moyens. »
Voilà pourquoi, loin de baisser les bras devant ces coups du sort, le XV de France a enfilé le bleu de chauffe cette semaine. L’objectif ? « Provoquer les joueurs dans une haute intensité, quitte à verser dans le surentraînement, avant de basculer sur une semaine « classique » de préparation de test », dixit Jeff Dubois, afin de permettre aux joueurs au repos depuis trois semaines de retrouver du rythme, ainsi de s’acclimater à l’altitude. « Si on ne s’entraîne pas très dur maintenant, je ne sais pas quand on le fera… », souriait Louis Picamoles.
À L’ABORDAGE DES PIRATES
C’est dans cette optique que les Français avaient décidé, ce samedi, d’organiser un entraînement dirigé avec un club local. Un rendez-vous qui, là encore, a subi un imprévu, puisque l’adversaire originel, le club de l’université de Johannesburg, avait déclaré forfait une semaine plus tôt. « Ils avaient un match en retard à récupérer, qui leur a été fixé ce week-end la semaine dernière, relatait Bru. Il a alors fallu parer au plus pressé, et Lionel Rossigneux nous a trouvé cette opposition. » Laquelle lui fut conseillée par Olivier Meyer, ancien rugbyman du Puc exilé en Afrique du Sud, qui désigna illico le club des Pirates. « D’abord parce que c’est un des plus vieux clubs d’Afrique du Sud, expliquait ce dernier. Et surtout parce que c’est un club qui a été fondé par des Anglais, donc plus métissé… Si le XV de France avait été opposé à des Afrikaners, on peut être certain que ces derniers auraient essayé de jouer dur, et il y aurait eu des risques de blessure. Avec les Pirates qui ont un esprit différent, on savait que ce ne serait pas le cas. »
Le hic ? C’est que l’opposition constituée des moins de 21 ans du club local, accompagnés de quelques équipiers premiers, ne fut pas vraiment du calibre espéré pour permettre aux Bleus de travailler dans les meilleures conditions. Un dernier aléa qui faisait presque sourire le staff tricolore. « L’essentiel était de courir, de trouver quelques repères et surtout ne de pas céder à la facilité, souriait Bru. Et puis, ce qui est chouette, c’est de découvrir le rugby du pays, de partager un moment avec les locaux autour d’un barbecue. Ce sont aussi des moments comme ça qui font une tournée. » Les Bleus ayant, de leur côté, définitivement pris conscience des effets du manque d’oxygène sur les hautes plaines du Gauteng. « Ça brûle les poumons, c’est même assez différent de ce qu’on peut connaître lors des stages en altitude qu’on peut effectuer en France, soufflait Yoann Huget. C’est assez surprenant et ce genre de galop permet de s’y habituer. » « Le deuxième souffle est dur à trouver, convenait Maxime Machenaud. Mais une fois qu’on est habitué, ça va mieux. »
De bon augure pour la suite des débats, à commencer par cette deuxième semaine dont on espère qu’elle sera beaucoup plus calme ? Ce serait la moindre des choses, car ce n’est pas en évoluant une semaine de plus à bout de souffle que les Bleus pourront s’offrir la peau des Springboks samedi à Pretoria, qui plus est privés des finalistes du Top 14…