FINITIONS EN CHANTIER
POINT FAIBLE STRUCTUREL DU XV DE FRANCE, L’EFFICACITÉ PRÈS DES LIGNES CONSTITUE L’ENJEU MAJEUR DE CETTE TOURNÉE. QUAND BIEN MÊME LE FORFAIT DE LOPEZ CONSTITUE UNE TUILE DE TAILLE…
Le XV de France et la finition, c’est un peu le mythe de Sisyphe, le supplice de Tantale, ou un peu des deux à la fois. Un mal structurel, un problème aussi profond qu’irrationnel qui, depuis de trop longues saisons, pénalise le XV de France lorsqu’il s’agit de battre des équipes présumées plus fortes que lui. Manque de talent, tout simplement, ainsi que l’assurent certains ? Foutaises. Là où le talent entre en compte, en rugby, ce n’est pas pour finir un coup, mais bien pour se créer une occasion. Or à ce titre, les Bleus n’ont justement rien à envier à personne. « Nous sommes largement dans les standards internationaux en termes de possession et de franchissements, confirme l’entraîneur des avants Yannick Bru. En revanche, nous sommes toujours en quête d’efficacité, qui est souvent liée à la qualité de l’exécution et à celle de la prise de décision. Notamment dans des situations de stress dans les zones proches de l’en-but. » « Après les franchissements, on doit être capables de converger plus vite, d’offrir davantage de solutions au porteur, prolongeait Baptiste Serin. Et dans les zones de marque, d’être plus pragmatiques et réalistes. À ce niveau, quand tu arrives près de l’en-but, il faut que tu plantes… »
DES BALLONS DE COULEUR
Un sujet épineux sur lequel les entraîneurs n’en finissent pas de plancher, au point d’avoir mis sur pied pour cette tournée une petite innovation. À savoir des ballons de couleur, dont la peinture « faite maison » juste avant le départ par l’intendant Hervé Didelot fait parfois râler les joueurs, arguant que ceux-ci sont devenus plus glissants. Qu’à cela ne tienne : coloriés et vert, rouge et jaune, ces ballons doivent permettre aux Bleus de se familiariser dès l’entraînement à un contexte plus stressant qu’à l’ordinaire, afin de les préparer aux situations de match. « Nous sommes en recherche perpétuelle d’exercices qui peuvent nous permettre de travailler ces situations à l’entraînement, souriait Bru. Les ballons de couleur, c’est une idée que nous avons mise en place, avec l’aide de plusieurs techniciens. Le principe, c’est de se servir de cette donnée pour habituer les joueurs à des scénarios imprévus, dès l’entraînement, en rajoutant un élément stressant au moment de la prise de décision. » En clair ? En fonction des consignes données à l’avance et de la couleur du ballon qu’ils reçoivent, les joueurs doivent effectuer le bon choix dans l’urgence sur les relances de jeu à choix multiples voulues par leur projet de jeu. Tout simple, mais il fallait y penser…
PLISSON DANS LE COSTUME DE LOPEZ
Reste que tout ne saurait, évidemment, être résolu aux entraînements, a fortiori par la seule introduction de ces ballons de couleur. Ce serait évidemment trop simple… « La solution viendra surtout de nous, prolongeait Serin. Pour ce qui est de converger davantage après franchissement, il n’y a pas de mystère : cela passe par plus d’efforts, que je nous pense capables de faire. Physiquement, nous sommes prêts, et stratégiquement, tout le monde connaît sa place et son rôle dans le système de jeu. Quant à effectuer les bons choix dans les zones de marque, cela passera par encore davantage de maturité et de sang-froid, qui relèvent pour beaucoup de la charnière. »
Le hic ? C’est que Camille Lopez, qui avait effectué des progrès notables dans ce registre lors du dernier Tournoi (rappelez-vous son « pardessus » pour Lamerat face aux Gallois, ainsi que de plusieurs passes au pied toutes proches d’être décisives face à l’Angleterre ou l’Irlande), ne sera pas de la tournée. Dès lors, son remplaçant désigné Jules Plisson saura-t-il se montrer à la hauteur de la tâche ? Les Bleus doivent en tout cas l’espérer, s’ils souhaitent que leur supplice de Tantale se termine enfin…