Midi Olympique

LE SOLEIL SE LÈVE AUSSI

C’EST L’HIVER À JO’BURG, OÙ LA NUIT GLACÉE TOMBE PLUS VITE QUE LA LUMIÈRE, DONT LES OMBRES RÉVÈLENT LA FACE CACHÉE D’UN PAYS ÉTERNELLEM­ENT MINÉ PAR SON EXAMEN DE CONSCIENCE…

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Alors, vous avez retrouvé Johan Goosen ? » Pas vraiment, non. Ce n’est pas que l’on soit particuliè­rement tire-au-flanc mais, pour répondre à la question goguenarde adressée par Bernard Le Roux, encore faudrait-il être en mesure de se sentir en toute sécurité pour s’aventurer hors des sentiers battus du quartier d’affaires de Sandton, où les Bleus ont élu résidence comme lors de la tournée de 2001. « Ce n’est pas qu’il y a plus de chances de se faire agresser ici qu’au Cap ou à Durban, glisse Olivier Meyer, capitaine du Stade Jo’Burg, l’équipe des exilés français. Sauf qu’ailleurs, là où ils se contentent de te car-jacker, ici, ils te plantent. » Sympa, comme ambiance.Voilà qui réduit en tout cas fatalement le champ des possibilit­és puisqu’en ces prémisses hivernales, le soleil se couche ici aux alentours de 17 h 30…

Ainsi va l’Afrique du Sud, pays de contrastes et de paradoxes, étourdi d’une richesse dont les neuf dixièmes de sa population ne profitent pas. Il suffit de traverser en plein jour certains quartiers pour s’en convaincre, où les marchands de n’importe quoi (viande grillée, pneus usagés, boissons tiè- des, vêtements usagés) s’entassent le long de cabanes de fortune, cette misère étant susceptibl­e de jouxter, un pâté de maison plus loin, des résidences luxueuses aux murailles d’enceinte surmontées de barbelés. Dont les jets d’eau décoratifs s’avèrent d’ailleurs bien peu soucieux des restrictio­ns qui frappent un pays en pleine sécheresse…

AHMED TIMOL, 45 ANS PLUS TARD

Rien n’aurait changé, alors, depuis les années noires de l’apartheid et bientôt quatre ans - déjà - après la mort de Mandela ? Bien sûr que si. Désormais, comme partout dans le monde, la discrimina­tion ne se fait plus par la couleur, mais par l’argent. Ce qui dans le cas présent, revient du pareil au même, n’étaient quelques exceptions permettant de résister à un examen de conscience jamais vraiment terminé… Ainsi, cette semaine, l’actualité sud-africaine se passionnai­t pour la réouvertur­e d’une enquête concernant la mort d’Ahmed Timol. Un jeune instituteu­r et militant de l’ANC de 29 ans, retrouvé « suicidé » au pied d’un immeuble de dix étages pendant un interrogat­oire de police, après avoir été amené au poste après un banal contrôle routier. C’était il y a 45 ans… Il était temps, vous dites ? Mieux vaut tard que jamais, après tout. Car oui, en Afrique du Sud, le soleil se lève aussi. Quand bien même il serait resté couché bien longtemps sur la conscience des Blancs dont le rugby, dernier bastion afrikaner, souffre plus que jamais de cette crise politique et identitair­e…

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