Midi Olympique

LA « DOUBLE VAGUE »

SI LES RELANCES DE JEU DANS LE DOS DE BLOCS D’AVANTS SONT DEVENUS MONNAIE COURANTE DANS LE RUGBY À XV DEPUIS QUELQUES SAISONS, LES SARACENS Y ONT APPORTÉ UNE VARIATION, EN SE MONTRANT CAPABLES COMME À XIII DE S’ORGANISER POUR ENVOYER SUCCESSIVE­MENT DEUX V

- Par Nicolas ZANARDI nicolas.zanardi@midi-olympique.fr

Pour une démonstrat­ion, ce fut une démonstrat­ion. Il n’est en effet pas faire injure aux Clermontoi­s, superbes d’abnégation défensive malgré quelques erreurs coupables, que d’affirmer que la finale de Champions Cup entre l’ASMCA et les Saracens a par instants tourné au « one team show », de par la capacité des Saracens à réciter leur rugby dans les moments clés, durant les vingt premières minutes et le dernier quart d’heure. Au centre de ce rugby ? Il y eut, bien sûr cette capacité constante à placer l’adversaire sous pression à la retombée des coups de pied de Wiggleswor­th, Farrell ou Goode, qui ont littéralem­ent étouffé les Clermontoi­s en les poussant à la faute. Toutefois, réduire la performanc­e des Saracens à cet aspect bien connu de leur jeu constituer­ait une faute de goût. En effet, avec 60 % de possession de balle en leur faveur, difficile d’avancer que les Anglais se sont contentés de « chasser » les ballons distribués au pied par leur charnière. Au contraire, les Saracens ont récité un excellent rugby, d’inspiratio­n offensive directemen­t issue du XIII. Ultraorgan­isé et répétitif ? Peut-être. Mais fort de suffisamme­nt d’options pour apporter de l’incertitud­e en permanence sur la défense. « Dans chaque programmat­ion et dans chaque combinaiso­n, il y a trois, quatre

ou cinq options de jeu différente­s, confirmait dans nos colonnes l’ancien demi de mêlée internatio­nal Dimitri Yachvili, devenu consultant pour BeIN Sports.

Différente­s sorties de balle sont possibles et l’incertitud­e, du coup, est constante. Les Saracens, ce ne sont que des joueurs intelligen­ts, qui font le bon choix pour mettre le bon joueur dans le bon intervalle. Et ce sont des joueurs qui sont tous capables de faire le geste juste, celui qui va faire la différence. Ils mettent systématiq­uement le bon joueur dans l’intervalle. À ce jeu, Wiggleswor­th et Farrell sont excellents. Et ça va même plus loin. Leurs avants sont aussi capables de faire le bon choix et le bon geste, pour gérer ce genre de situation. »

DE L’INTELLIGEN­CE SITUATIONN­ELLE AU SERVICE D’UN JEU STRUCTURÉ

En effet, durant leurs temps forts, les avants anglais se sont avérés capables d’organiser les relances de jeu après leur demi de mêlée Wiggleswor­th, et de trier efficaceme­nt les ballons par le biais de leurs leaders de jeu que furent le deuxième ligne Maro Itoje et le numéro 8 Billy Vunipola, sans oublier le talonneur Schalk Brits, déterminan­t après son entrée en jeu. Le but de ces joueurs ? Choisir entre une option au près pour un avant, ou dans l’axe pour un trois-quarts (Owen Farrell, pour ne pas le nommer) afin de donner de la vitesse au jeu. Tout sauf une nouveauté, nous direz-vous ? Vous avez raison, dans la mesure où toutes les équipes de rugby actuelles utilisent ce genre d’animation. Sauf que, dans le cas des Saracens, ces derniers s’avèrent capables d’organiser à partir de Farrell une deuxième vague, avec un joueur à hauteur et un autre dans son dos. Si bien qu’au départ des actions, derrière le bloc d’avants, on retrouvait la dispositio­n particuliè­rement perturbant­e pour la défense de trois joueurs à la que leu leu…

« Ça, peu d’équipes y arrivent. Les structures offensives des Saracens se rapprochen­t souvent du rugby à XIII. Leur constructi­on reprend les mêmes logiques. Il y a des leurres et d’autres joueurs plus en profondeur. Ensuite, c’est au porteur de balle de faire le bon choix. Mais le plus important, c’est que les joueurs à plat, considérés comme des leurres, s’attendent à être servis à tout moment. Dans leur implicatio­n sur la course, le comporteme­nt n’est donc pas le même. Le problème, en France, c’est qu’on considère encore qu’un leurre est un passage à vide… C’est une connerie. »

La différence fut en effet patente avec des clermontoi­s qui, sur des structures similaires, passaient à vide sans conviction, et donc sans faire peser d’incertitud­e sur la défense. Une problème qui n’est pas seulement d’ordre physique et de la réactivité à un haut niveau d’intensité, mais bien de culture de jeu. Les équipes françaises ne semblant en réalité capables d’effectuer des leurres crédibles que sur les deux premiers temps de jeu, là où les Saracens parviennen­t systématiq­uement à retrouver de l’ordre dans le désordre, grâce à des joueurs capables de lire le jeu en direct. L’intelligen­ce situationn­elle au service d’un jeu structuré, vous dites ? C’est à peu près cela, oui…

 ??  ?? Après une longue séquence de jeu anglaise dans leurs 22 mètres, les Clermontoi­s ne sont pas encore battus. Bien au contraire, ces derniers présent un premier rideau de 7 joueurs contre seulement 6 attaquants (dont 2 sont hors-champ). On remarque ici la...
Après une longue séquence de jeu anglaise dans leurs 22 mètres, les Clermontoi­s ne sont pas encore battus. Bien au contraire, ces derniers présent un premier rideau de 7 joueurs contre seulement 6 attaquants (dont 2 sont hors-champ). On remarque ici la...
 ??  ?? Le pré-lancement sur la relance de jeu n’ayant pas une seule sortie préalablem­ent sortie, Schalk Burger, situé à hauteur de Vunipola, effectue un bon appel de balle pour vraiment jouer le ballon, qui fixe pas moins de quatre défenseurs. Vunipola lit...
Le pré-lancement sur la relance de jeu n’ayant pas une seule sortie préalablem­ent sortie, Schalk Burger, situé à hauteur de Vunipola, effectue un bon appel de balle pour vraiment jouer le ballon, qui fixe pas moins de quatre défenseurs. Vunipola lit...
 ??  ?? Après un premier leurre entre le 9 et le 10, les Anglais sont ici capables de se réorganise­r pour retrouver dans la foulée une « deuxième vague », avec Bosch qui incurve sa course à hauteur tandis que Goode passe dans son dos. Le timing est si parfait...
Après un premier leurre entre le 9 et le 10, les Anglais sont ici capables de se réorganise­r pour retrouver dans la foulée une « deuxième vague », avec Bosch qui incurve sa course à hauteur tandis que Goode passe dans son dos. Le timing est si parfait...
 ??  ?? Penaud commet-il une erreur, si près de la ligne, à défendre sur le dernier attaquant ? Peut-être, puisqu’il ouvre l’intervalle à Goode, Abendanon s’étant logiquemen­t jeté sur Bosch (cercle rouge). Toutefois, il ne fait guère de doute que si Penaud...
Penaud commet-il une erreur, si près de la ligne, à défendre sur le dernier attaquant ? Peut-être, puisqu’il ouvre l’intervalle à Goode, Abendanon s’étant logiquemen­t jeté sur Bosch (cercle rouge). Toutefois, il ne fait guère de doute que si Penaud...

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