Midi Olympique

« Les Saracens manipulent la défense »

- Propos recueillis par Simon VALZER simon.valzer@midi-olympique.fr

Quel regard portez-vous sur le jeu offensif pratiqué par les Saracens ?

La première chose, c’est que les Saracens sont une équipe très clinique, tactique. Ils ne m’en voudront pas si je dis qu’ils ne sont pas l’équipe la plus « flashy » du monde, celle avec le plus beau jeu. Mais ce qu’ils font, ils le font bien. Sur le terrain, on dirait des premiers de la classe qui récitent leur leçon par coeur. Sur chaque temps de jeu, les quinze mecs sont sur la même longueur d’onde : ils savent où attaquer, comment, et avec qui. Le truc, c’est qu’aujourd’hui les défenses ont pris le pas sur les attaques, et il est de plus en plus difficile de franchir les défenses. Parfois, on est tout content d’avoir le ballon et d’attaquer. On se dit que c’est cool, qu’on va marquer un essai. Contre les Saracens, ce n’est pas le cas. Ils vous plaquent, ne mettent qu’un joueur dans le ruck, et derrière 13 mecs affamés se ruent sur vous au prochain temps de jeu. C’est en ce sens que la défense, dans le rugby moderne, a tendance à dicter l’attaque. Les Saracens, eux, sont si précis et discipliné­s qu’ils arrivent à ne pas se laisser manipuler par la défense.

Au cours de la saison et pendant la finale, on a vu qu’ils avaient tendance à attaquer en disposant des joueurs alignés sur la même ligne dans le dos d’Owen Farrell…

C’est là où les Saracens sont bons : ils arrivent à manipuler la ligne défense en faisant croire qu’ils n’attaquent que sur une ligne. Mais en réalité, il y en a deux, voire trois à chaque fois. La première ligne d’attaque va défier l’attaque, pour l’obliger à plaquer. Par exemple quand Farrell sert son premier soutien dans son dos. Là, la défense pense avoir fait le boulot : elle voit l’attaquant plaqué, et se dit que c’est bon. Mais c’est là que la seconde vague arrive, avec un autre soutien placé dans le dos du premier.

En se plaçant en enfilade de cette façon, ils remettent donc en question la sempiterne­lle dispositio­n en losange, avec trois soutiens disposés derrière le porteur de balle ?

C’est vrai. On a l’habitude d’attaquer en flèche, ou en losange comme vous le dites. Tout le monde connaît ça : un soutien intérieur, un extérieur… c’est lisible, car aucun des soutiens offensifs n’est caché : en clair, il suffit de compter et de s’assurer qu’il n’y a pas de surnombre. Mais quand on attaque, l’objectif est de créer de l’incertitud­e dans la défense. En ce sens, il faut innover, surprendre. En plaçant des joueurs en enfilade, les Saracens les cachent. Quand Billy Vunipola déboule sur vous, vous n’avez pas le réflexe de regarder derrière, même si vous n’êtes pas le premier plaqueur. Donc la défense pense qu’elle est en nombre suffisant, et elle ne voit pas venir ce qu’il y a derrière. Si l’on y regarde plus près, c’est un tout petit ajustement portant sur la dispositio­n des soutiens offensifs, mais qui peut avoir d’immenses conséquenc­es.

De l’extérieur, on a l’impression que c’est plutôt facile à mettre en place…

Ça l’est. Le plus dur, c’est que l’ensemble des joueurs, du 1 au 15 jusqu’au 23 doivent être sur la même longueur d’onde. Comme je vous le disais, aujourd’hui ce sont souvent les défenses qui dictent l’attaque. Ce soir, Castres nous a dicté comment attaquer. Leur 13 (Thomas Combezou) montait très fort sur nous donc on devait revenir à l’intérieur. Les Saracens, eux, alternent tellement les façons d’attaquer qu’ils ne se laissent pas manipuler par la défense, sur laquelle repose trop d’incertitud­e.

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