L’ANNÉE LOPEZ
S’IL NE SERA PAS DE LA TOURNÉE EN AFRIQUE DU SUD POUR RAISONS DE SANTÉ, CAMILLE LOPEZ EST DÉSORMAIS UN ÉLÉMENT DE BASE DES BLEUS ET LE MEILLEUR OUVREUR IDENTIFIÉ DU TOP 14. LE GAMIN DE MAULÉON EST DEVENU UN GRAND DE FRANCE. SOUVENIRS D’UN AVÈNEMENT.
Comme une image, on gardera celle de Camille Lopez, à l’automne 2014, sous la tribune désuète de l’Allianz Park des Saracens. Ceux qui avaient fait le déplacement en avaient eu pour leur argent : deux équipes du podium européen qui se livraient à leur meilleur niveau, 30 à 23, six essais, un point de bonus défensif pour les Clermontois et un Lopez, pour sa première dans un grand match européen, qui avait déjà éclaboussé la rencontre de sa classe. Alors Camille, heureux ? « On a perdu. Vous seriez heureux vous ? » Mais la prestation d’ensemble, la partition personnelle, tout ça… « Ouais. Chouette. Tant mieux.
Mais on a perdu. » Sans desserrer les dents. Voilà pour
le caractère.
Camille Lopez est un foutu mauvais perdant. C’est peutêtre une plaie pour beaucoup mais sur un terrain de rugby, quand on se réclame professionnel et qu’on aspire au poste de numéro 10, c’est tout de même une bête de qualité. Qu’il démontrait de nouveau en novembre dernier, au terme des défaites d’un souffle face à l’Australie puis la Nouvelle-Zélande. Il avait raté le drop de la victoire contre la première, malgré une entrée en jeu séduisante. « Je ne cherche aucune excuse. Je veux jouer ouvreur, c’est ce que j’aime mais ça implique, dans ce genre de situation, de faire gagner l’équipe et de récompenser les copains de leurs efforts. Moi, j’ai failli. J’ai mal fait mon boulot. »
LA VICTOIRE SUR SES ÉPAULES
Pour ne plus revivre de tels épisodes, Lopez a travaillé. On ne le dit jamais assez, quand de telles éloges collent
à la peau d’autres cadors du poste. Mais Lopez bosse comme un dingue. « Il faut même le calmer. Il en redemande à l’excès. Il veut toujours une séance supplémentaire, un exercice de plus. Il aime ça mais il faut le tempérer et trouver les bons équilibres pour son corps », raconte de lui Xavier Sadourny, membre du staff clermontois, avec qui il a modifié sa technique de jeu au pied lors de son arrivée à l’ASMCA. De cette détestation de la défaite et du travail qui en a découlé, Lopez est devenu un « match
winner ». Le Tournoi des VI nations 2017 l’avait clairement laissé entendre, quand il terminait meilleur buteur de la compétition, avec une dernière réalisation qui offrait la victoire aux Français face au pays de Galles. « C’est moi qui ai demandé à être le buteur des Bleus, racontait le joueur à la fin du Tournoi. C’est un souhait, une envie et je l’assume quelle que soit la réussite. » Quelques jours plus tard Thomas Castaignède, son aîné dans ces habits de lumière, encourageait : « Il lui manque encore LE coup de pied décisif, celui qui peut faire basculer un match décisif en faveur de son équipe, dans un moment
clé. Mais je le sens prêt, suffisamment en confiance. » En suivant, Lopez assommait d’un drop le quart de finale de Coupe d’Europe face à Toulon. Il en mettra deux autres en demi-finale face au Leinster, pour propulser les siens en finale. Également auteur d’une demi-finale de Top 14 de grande classe où il surclassa l’icône Daniel Carter, il a enfin contribué à délivrer Clermont, ce dimanche, de cet immense poids des finales. Ce n’est pas la moindre des choses et c’est amplement mérité pour cet extraterrestre du rugby moderne, gamin de Mauléon, ignoré des centre de formation et qui a connu le rugby à papa avant d’en connaître ses attraits les plus « bling-bling ».
« Je n’oublie pas d’où je viens », répète inlassablement le joueur. À ce rythme, on ne sait surtout pas où il va s’arrêter. ■