DEUXIÈMES CHOIX, PREMIER TEST
DU QUINZE DE DÉPART QUI A PROGRESSIVEMENT GERMÉ DES 18 MOIS DE MANDAT DE GUY NOVÈS, UNE BONNE MOITIÉ MANQUERA À L’APPEL, SAMEDI POUR LE PREMIER TEST-MATCH DES BLEUS EN AFRIQUE DU SUD. DANS UN CONTEXTE POLITIQUE LOCAL EXPLOSIF, LE DÉFI DU COMBAT S’ANNONCE
C’était les mots de Sir Ian McGeechan, figure tutélaire d’une équipe des Lions britanniques qui terrorisait (vraiment) la planète rugby. En 1997, l’entraîneur écossais et son pote Jim Telfer étaient donc à la tête des Lions, Martin Johnson en était le capitaine et la glorieuse sélection britannique venait de terrasser une première fois les champions du monde sud-africains sur leurs terres (16-25). À l’approche du second test, promis fiévreux au Kings Park Stadium de Durban, McGeechan prenait alors la parole devant un vestiaire silencieux. Il y filait la métaphore animale. « Ce sont des jours que la plupart des joueurs de rugby n’expérimenteront jamais. Si vous les connaissez, c’est que vous êtes des gens spéciaux. Vous êtes des Lions. Lors du premier test, les Lions ont prouvé leur appétit. Ils ont gravement blessé les Springboks. Mais quand un Springbok est à terre, il devient frénétique. Il ne réfléchit plus, il se bat seulement pour sa survie. Et il est dangereux ».
UN CONTEXTE DONT IL FAUT S’AFFRANCHIR
D’autres temps, d’autres moeurs. Mais une comparaison similaire. Les Springboks sont aujourd’hui à terre, pour avoir perdu sept de leurs huit derniers matchs. Une folie pour cette nation historiquement dominante du rugby, surtout si l’on précise que parmi ces sept défaites on trouve l’Italie, le pays de Galles ou l’Argentine. Étouffée depuis cet effondrement par un contexte politique tendu, où le ministre des Sports réclame la tête de la fédération et le sélectionneur Allister Coetzee n’a jamais semblé aussi proche de la sortie, la sélection sud-africaine n’en sera-t-elle que plus dangereuse ? « On a bien sûr jeté un oeil sur ce qui se passait ici, admettait Yannick Bru cette semaine. On a conscience que les Sud-Africains ont connu beaucoup de remous sur le plan politique, avec une remise en question générale de leur rugby qui a eu des conséquences énormes. Oui, nous connaissons l’enjeu qui pèse sur les Springboks avant cette série de tests, et on sait qu’ils chercheront à nous imposer un défi physique terrible ». L’entraîneur des avants français marquait une pause, puis élargissait le problème. « En même temps, c’est toujours le cas quand on vient ici. Il faut être prêt au combat ».
Guy Novès a lui touché du doigt ce contexte un peu plus tardivement. Arrivé mardi matin à l’aéroport OR Tambo de Johannesburg, accompagné des récents finalistes du Top 14, le sélectionneur confiait toutefois la même retenue sur le contexte. « Vu leurs derniers résultats, bien sûr qu’ils ne vont pas fanfaronner ! Mais ce discours, je m’en méfie d’autant plus que je l’ai moi-même tenu, parfois, concernant mes équipes. Le très haut niveau, ce sont des périodes de doute auxquelles succèdent des périodes de reconstruction. Les Springboks ont déjà connu cela par le passé. Mais l’évaluation de leurs défauts, ils viennent justement d’avoir le temps de la faire pour mieux repartir. Ça tombe sur nous. C’est peut-être tant mieux, cela donnera de la valeur à nos tests-matchs et à leurs enseignements ». Un recul dont peuvent manquer certains de ses joueurs, très jeunes pour certains dans ce groupe remanié ? « Mon job, c’est justement de faire en sorte que ça n’arrive pas. De bien faire comprendre à chacun que ce discours est un piège. Les Sud-Africains vont nous imposer un engagement terrible. Nous n’aurons pas le droit d’être surpris par cela. Cette excuse est impossible ».
PLISSON SOUS PRESSION
Pour relever ce défi, Guy Novès s’appuiera sur une équipe construite autour des joueurs présents en Afrique du sud depuis dix jours, après une escale dans l’océan Indien. Une obligation de santé, quand les récents finalistes sont apparus encore mâchés, en début de semaine. À son arrivée à l’entraînement, mardi, François Trinh-Duc peinait encore à poser pleinement le pied par terre. Xavier Chiocci arborait un large strappe au mollet droit et Scott Spedding avait le poignet gauche bandé. Ce sont les joies du rugby français, construit sur un championnat à 14 quand toutes les autres grandes nations ont condensé leur compétition de club. La France, elle, joue un test-match international de premier plan six jours après une finale et alors que les joueurs les plus sollicités sortent d’une saison à plus de 30 matchs. De ce contexte, on déplorera ce mois-ci les absences d’Ollivon, Lopez, Nakaitaci, Fofana et Vahaamahina sur blessures. Usés, Damien Chouly et Rémi Lamerat ont été laissés au repos. Blessé à une épaule, Rabah Slimani ratera également le premier test-match de la tournée. Devant cette hécatombe, plusieurs joueurs auront l’occasion de se montrer à l’échelon supérieur. « Des joueurs dont on connaît la qualité, mais il leur faudra désormais la démontrer à l’échelon supérieur », réclame le sélectionneur.
Sur le banc en début de rencontre, Vincent Rattez pourrait honorer samedi sa première cape, dans le légendaire Loftus Versfeld de Pretoria. Idem pour son coéquipier de club Mohammed Boughanmi. Yacouba Camara effectuera son retour en Bleu, après un an et demi d’absence et avec trois sélections seulement au compteur. Clément Maynadier célébrera lui sa première titularisation.
Mais parmi tous ces joueurs, le plus scruté sera certainement l’ouvreur parisien Jules Plisson, qui effectue son grand retour en Bleu après avoir déçu, l’an dernier en Argentine. « Il fait partie de ces joueurs qui ont commencé l’aventure avec nous et qui avaient disparu dernièrement. Il aura là une opportunité de reporter le maillot bleu. Avec des choses à prouver. J’attends beaucoup de sa part. En Argentine, il évoluait avec un filet. Cette fois, il est sans filet ». La pression est de mise. La performance est à ce prix. ■