LE COQ CHANTE TROP TARD
DÉFAITS POUR LA PREMIÈRE FOIS DE LA COMPÉTITION EN DEMI-FINALE PAR DES BABY BLACKS TALENTUEUX MAIS NON MOINS SUFFISANTS PAR MOMENTS, LES BLEUETS, MALGRÉ UNE BELLE RÉACTION D’ORGUEIL, ONT LOUPÉ LE COCHE. LA TROISIÈME PLACE EST DÉSORMAIS L’OBJECTIF.
Alors oui, les mauvaises langues pourront arguer. À 29-0 à la fin de quarante premières minutes trop rondement menées, les Baby Blacks se sont certainement un peu trop relâchés avec le sentiment du devoir accompli. Mais un match dure quatre-vingts minutes. Et si les étincelants Néo-Zélandais ont su éteindre toutes les velléités françaises durant le premier acte, avec notamment une stratégie mise en place sur les ballons portés, il n’en fut rien à partir de la 50e. Quatre essais inscrits face à la référence de la compétition, ce n’est pas donné à tout le monde, quand même ! Pas de quoi cependant donner le sourire à Thomas Lièvremont et à son staff. Au moment de débriefer cette demi-finale, marquée par de la tension entre les deux équipes, des mauvais gestes des deux côtés, et une certaine partialité de l’arbitre de la rencontre l’Écossais M. Adamson, de la fierté se dégageait dans un discours teinté d’amertume et de regrets : « C’est un sentiment mitigé. Nous sommes contents de leur marquer quatre essais mais il y avait les moyens de les contrer et nous n’avons pas su le faire. Nous avions mis un plan de jeu en place et force est de constater que psychologiquement nous avons failli dans l’approche de ce match. »
LE DÉFI DU HAKA, L’OUBLI DE LA DÉFENSE
Thomas Lièvremont faisait référence à ce défi du haka, préparé par les joueurs tout au long des jours qui ont précédé la rencontre. Sans jeter la pierre, le manager tentait de comprendre le trou d’air de ses joueurs : « Certains rigolent déjà mais, pour ceux-là, qui n’en ont jamais vu, ils ne peuvent pas comprendre à quel point cela peut être perturbant pour des jeunes joueurs de vivre leur premier haka. Celui des Baby Blacks a été remarquable. Les joueurs avaient décidé de faire front mais le match a été commencé un peu trop tôt dans leurs têtes. C’est bien, ils ont fait le buzz mais nous nous demandons comment nous avons pu avoir un tel passage à vide. Nous les avons regardés jouer pendant une demi-heure comme des bons partenaires d’entraînement et contre cette équipe-là, ça ne pardonne pas. Ça va vite, ça fait mal. »
Résultat ? Les joueurs ont sans doute perdu de l’influx dans cette préparation « trop longue » pour faire face au rituel guerrier, « atteint psychologiquement » comme le confiait le demi de mêlée lyonnais Baptiste Couilloud. Les Baby Blacks, peut-être vexés d’une telle réponse, ce qui expliquerait en partie leur attitude arrogante et de chambrage dès l’échauffement et sur chaque essai inscrit peu digne d’une telle équipe - ne se sont pas fait prier pour renvoyer les Français à leurs chères études. Ils les ont pris sur leurs points forts dans le sillage de leur explosif talonneur Asafo Aumua. Le garçon de Wellington (1,77 m, 108 kg) a époustouflé au sein du collectif noir : aucun lancer raté face au meilleur contre de la compétition, une assise en mêlée fermée, et une activité débordante dans les rucks et jeu courant, Aumua a rappelé pourquoi la NouvelleZélande était en avance dans ce sport. « Je ne comprends rien au rugby s’il n’est pas dans deux ans chez les All Blacks. J’ai rarement vu ça, autant d’explosivité, de force, de maîtrise, de qualité technique. Il a grillé la politesse à nos ailiers, il n’a aucune tare… C’est le joueur de demain », glissait Thomas Lièvremont.
Voilà pour les éloges envers une équipe en avance sur les autres, de la part d’une autre « en retard sur sa formation mais qui progresse », comme le notait le manager français. Car tout n’est à pas jeter dans cette défaite, et malgré la déception d’échouer si près du but, le Mondial géorgien a montré une évolution dans le jeu développé et dans le comportement. La marque de fabrique de la génération 1997, sans grande star, qui avance sans faire trop de bruit, mais qui a « tout pour exister ». Et qui sera à suivre avec attention à l’avenir. Paroles de Bleuets.