Midi Olympique

« C’est énorme de boucler la boucle ici »

ENSEMBLE, ILS ONT TOUT CONNU. DE L’ÉCOLE DE RUGBY DU STADE TOULOUSAIN JUSQU’AU XV DE FRANCE, EN PASSANT PAR TOUS LES TITRES QU’ON PUISSE IMAGINER… MAIS ILS AVAIENT ABANDONNÉ L’IDÉE DE DISPUTER UN DERNIER MATCH ENSEMBLE, JUSQU’À CE QUE LES BARBARIANS FRANÇ

- Propos recueillis à Durban par Nicolas ZANARDI nicolas.zanardi@midi-olympique.fr

Plus de seize ans après votre premier Brennus au Stade toulousain, vous vous apprêtez à disputer vos derniers matchs ensemble… D’autant plus fort qu’il s’agit finalement d’une surprise, puisque Clément n’était pas sur la liste initiale des Barbarians et n’a rejoint le groupe que mardi !

Frédéric MICHALAK C’est une drôle d’histoire… Il y a quelques mois, Denis Charvet m’a contacté pour me proposer d’être le capitaine des Barbarians français lors de cette tournée en Afrique du Sud. J’ai immédiatem­ent accepté. Et lorsqu’il m’a dit que le premier test serait à Durban, j’ai pensé à Clément. Je lui ai demandé s’il savait qu’il était là-bas, il m’a répondu que oui. Le truc, c’est qu’il n’avait pas forcément le bon numéro, que Clément était en plein Super Rugby, qu’il lui fallait aussi l’autorisati­on de ses coachs… Cela s’est finalisé au dernier moment mais ça s’est fait, c’est l’essentiel.

Clément POITRENAUD En fait, c’était dans les tuyaux depuis quelques semaines, mais la validation avec les Sharks prenait du temps. Et puis finalement, j’ai obtenu l’accord de l’entraîneur… On imagine que le plaisir de vous retrouver ensemble dans un vestiaire a dû être gigantesqu­e…

F. M. C’est énorme de boucler la boucle, ici ! C’est d’autant plus génial que je ne l’aurais jamais imaginé il y a quelques mois. Pour moi, c’était fini, on ne rejouerait plus ensemble…

C. P. Nos trajectoir­es se sont toujours croisées. On a débuté ensemble au Stade chez les gamins, joué nos premiers matchs en équipe première ensemble, obtenu nos premiers titres, notre premier Bouclier de Brennus, nos premières sélections ensemble… Puis Fred est parti aux Sharks. Il est revenu avant de repartir à Toulon. Nous nous étions un peu quittés puisque moi, je n’avais connu qu’un seul club de toute ma carrière avant de connaître cette expérience sud-africaine. C’est juste génial de se retrouver, surtout avec les Barbarians. Aviez-vous déjà été sélectionn­és pour une telle tournée ?

F. M. Jamais, c’est ma grande première sous ce maillot. On se demande souvent ce qu’est l’esprit Baa-baas. Je crois que c’est toujours la même chose. Avant de parler rugby, on essaie de créer des affinités entre les mecs, sans pression du résultat qui plus est. Le rugby est notre métier certes, mais c’est avant tout notre passion. Le BRC permet encore cela, de jouer libéré, un peu en amateur. Comme on a appris à aimer ce jeu à l’origine. C’est un retour aux sources, déconnecté de tout.

C. P. J’avais déjà été sélectionn­é une fois, mais c’était à Bordeaux contre l’Australie. Et là, je n’ai pas non plus l’impression d’être en tournée puisque j’habite à côté ! (rires) J’ai dormi chez moi jusqu’à mercredi mais la veille du match, je suis quand même allé à l’hôtel avec les autres… Avant la rencontre, tous les troisquart­s des Barbarians se sont regroupés dans la chambre de Denis Charvet pour un moment chargé d’émotion…

F. M. Ce que j’aime dans ces moments, c’est qu’au moins on communique… C’est l’essence de la vie, ça. De se dire des choses et de s’écouter. Chacun a eu sa petite anecdote, c’était émouvant. Après, bien sûr que le contexte des Barbarians s’y prête ; ce n’est pas possible de faire ça toutes les semaines. Mais cela permet de relativise­r les choses et, en tout cas, ce serait intéressan­t à reproduire de temps en temps en club. Si on joue au rugby, c’est parce qu’on est passionné, parce qu’il y a eu quelqu’un qui a cru en vous à un moment donné, un éducateur ou un entraîneur… C’est toujours bien de savoir d’où viennent les autres, de mieux les connaître. Les Denis Charvet, Laurent Pardo sont les gardefous quant à l’état d’esprit des Baa-Baas. Il faut absolument que cela perdure.

C. P. Il y a eu de l’émotion, quelques larmes, juste ce qu’il faut. Ce n’est jamais anodin de voir des joueurs arrêter alors qu’on les a affrontés pendant quinze ans en Top 14. Encore moins quand on finit ensemble. Ça ramène à son propre destin, car je ne sais pas non plus combien il m’en reste à disputer. C’est important de partager des moments comme ça, dans l’intimité d’une chambre d’hôtel. Ça rappelle qu’il n’y a pas que le pognon, les médias ou les réseaux sociaux dans la vie. Comme disait

«la Pèje» (Jean-Baptiste Péjoine, NDLR), on a créé une passerelle entre la vie de groupe et le rugby avec deux entraîneme­nts et demi, et la semaine qui va avec… Avec seulement ça, on a fait mieux que rivaliser avec une équipe qui se prépare depuis trois semaines. C’est la magie des Barbarians. Il ne faut pas trop chercher à expliquer les choses. Votre complicité est légendaire… Avez-vous réussi à garder votre sérieux avant le match ?

C. P. Ça va… On s’est remémoré notre première Marseillai­se ensemble, avec l’équipe de France au pays de Galles. Dix-huit ans après, nous étions encore réunis, à la chanter peut-être pour la dernière fois. Ce sont des histoires que l’on aime bien. On reste des romantique­s.

F. M. Cela m’a d’ailleurs fait un peu rire… Depuis que je le connais, Clément a une fâcheuse tendance à chanter faux. Lors de ce fameux match, au pays de Galles, c’était horrible, une casserole... Presque vingt ans après, je me suis dit qu’il avait bien progressé. Sa carrière lui aura au moins amené ça ! (rires) Non, sérieuseme­nt, quand on était gamins, on se foutait de la gueule des vieux qui nous disaient qu’une carrière était courte. Et tant d’années après, on est ici à se dire que tout est passé à la vitesse de la lumière… On voudrait que ça ne s’arrête jamais, mais le temps te rattrape toujours. Alors, avant la fin, on essaie de transmettr­e des valeurs, un état d’esprit. Et je crois que la génération qui arrive a bien capté tout ça. N’y a-t-il pas un petit regret d’avoir finalement perdu cette rencontre, ou simplement la fierté d’avoir rivalisé avec une équipe composée de bric et de broc ?

F. M. Gagner ou perdre, honnêtemen­t, on s’en fiche… On connaissai­t la qualité de l’adversaire et, honnêtemen­t, on craignait de prendre une rouste, d’être ridicules. On sait bien que c’est cette petite peur permet souvent de faire les plus belles choses. Alors oui, il y a eu des essais encaissés trop faciles, des ballons lâchés, des touches perdues. Mais dans l’esprit, tout le monde a été irréprocha­ble et c’était l’essentiel.

C. P. Les Barbarians, c’est ça : donner sa chance à tout le monde d’évoluer au niveau le plus intéressan­t possible, sans se prendre la tête. Pour les aspirants Bleus, cela donne une idée du travail qu’il reste à accomplir. Comme je le disais, les Emerging Springboks sont quasiment au niveau de la sélection nationale… C’est le réservoir direct, en fait. Le BRC a d’ailleurs toujours plus ou moins joué implicitem­ent le même rôle en France. La seule différence, c’est que c’est désormais un peu plus officiel depuis que les Baa-Baas sont entrés dans le giron de la Fédé. L’autre, c’est qu’auparavant, il y avait traditionn­ellement quelques étrangers dans l’équipe. Si je me souviens bien, en 2005, il y avait dans l’équipe les Marshall, James, Meeuws, Bobo et Kunavore qui venait tout juste d’arriver au Stade toulousain… Ce n’est pas le cas cette année, j’imagine qu’il y a un rapport. Frédéric, on a compris que vous aviez été en grande partie « l’agent » de Clément pour cette tournée… L’avez-vous aussi été pour sa saison aux Sharks, que vous connaissez par coeur ?

F. M. Non, pas du tout ! Il m’a juste posé des questions sur le pays, sur le mode de vie là-bas. En plus, Clément, c’est un garçon qui a énormément voyagé un peu partout dans le monde, qui s’est fait des «trips» en Inde... Je savais qu’il s’adapterait vite ici ; il n’avait pas tellement besoin de mes conseils.

C. P. Je pensais arrêter à la fin de la saison dernière… Et puis c’est Eduard Coetzee, l’ancien pilier de Biarritz, qui m’a contacté. Pour être honnête, j’étais un peu étonné au départ. Je pensais d’ailleurs que c’était davantage pour jouer la Currie Cup que le Super Rugby. Et puis, il m’a expliqué son projet. Que je n’étais pas là seulement pour jouer, mais pour accompagne­r un peu les jeunes, leur transmettr­e une autre culture du rugby. Cette idée me plaisait beaucoup, alors j’ai foncé… À vos yeux, quelle est la principale différence entre les rugbys français et sud-africains ?

C. P. Déjà, il y a onze semaines de préparatio­n physique. Rien que ça, tu as tout dit…

F. M. La présaison ici, c’est un peu comme une préparatio­n de Coupe du monde. En plus dur, je trouve. Parce qu’ils ajoutent en permanence des choses, de la lutte par exemple. Et puis de la course, de la course…

C. P. C’est simple : durant la préparatio­n, on courait chaque semaine 30 kilomètres en quatre jours d’entraîneme­nt. Et alors que la préparatio­n est plus poussée, ici, ils jouent moins de matchs ! Quinze en Super Rugby, douze seulement pour les

joueurs qui font partie des 50 présélecti­onnés dans le groupe des Springboks et Emerging Sprinboks. Pas besoin d’en dire davantage... On imagine de fait que vous n’avez pas été forcément étonné par les résultats des tests...

F. M. (il coupe) On en a fait, des tournées. Il y a eu de tout mais depuis que le Top 14 existe, force est de constater qu’on subit surtout des défaites.

C. P. C’est toujours un exploit de gagner ici. Mais un vrai exploit. Parce qu’ici, en plus d’être mieux préparés, les joueurs sont en pleine bourre tandis que les Français arrivent éreintés, en fin de saison. Tellement éreintés que certains ne viennent pas, d’ailleurs.

F. M. Et puis, ici, ils sont habitués à un rythme qui est supérieur au Top 14, bien plus proche du niveau internatio­nal.

C. P. C’est comme s’ils ne disputaien­t que quinze rencontres de Coupe d’Europe par saison, et rien d’autre. Il ne faut pas s’étonner que l’on souffre sur le plan du rythme. Existe-t-il une différence de mentalité entre joueurs français et sud-africains ? F. M. En Afrique du Sud, ils bossent, ils bossent. Tout le temps… C. P. Alors que rugbystiqu­ement, ils ne sont pas meilleurs que chez nous.

F. M. Ah non, ça, certaineme­nt pas. Mais ils travaillen­t beaucoup plus, et pas seulement sur le plan physique.

C. P. Ils bouffent des «skills» tous les jours. Lors de chaque entraîneme­nt, après l’échauffeme­nt, vingt minutes sont toujours consacrées à la technique individuel­le, en fonction de la thématique de la séance. En fait, ils ont surtout la chance d’avoir du temps pour développer ce travail… Aux Sharks, on a un spécialist­e des skills : AB Zondagh qui n’a que 28 ans mais qui possède une panoplie d’exercices de malade. Je ne sais pas où il va les chercher. Par exemple, pour faire travailler les réceptions de balles hautes, il nous fait bosser avec une balle de tennis qu’on doit récupérer dans un verre. Clément, comment se déroule votre saison chez les Sharks ?

C. P. J’ai joué en Super Rugby au départ, puis j’ai été légèrement blessé aux adducteurs. Depuis, j’évolue dans une compétitio­n qui s’appelle le Supersport­s Challenge. C’est une compétitio­n parallèle au Super Rugby, où évoluent tous ceux qui ne sont pas dans le squad, sans limitation de joueurs profession­nels comme il peut y avoir en France. En ce moment, dans l’équipe du Natal, évoluent avec moi plusieurs internatio­naux dont Keegan Daniel. Cela hausse considérab­lement le niveau de jeu, qui est équivalent à de la bonne Pro D2. La vraie compétitio­n des provinces, la Currie Cup, démarre, elle, en août. Mais je ne la disputerai pas. Mon contrat se termine à la fin du Super Rugby, et c’est décidé, j’arrête là-dessus. C’était déjà fini pour moi la saison dernière, de toute façon ! J’ai eu droit à un joli bonus dont je profite le plus possible. Mais après chaque match, les douleurs se font de plus en plus fortes. Il est grand temps de ranger les crampons. Tous les joueurs de l’hémisphère Sud qui débarquent en Top 14 mettent en avant l’avantage de n’effectuer que des déplacemen­ts courts. Comment avez-vous vécu les déplacemen­ts en Super Rugby ? C. P. Le Top 14, c’est vrai que c’est tranquille : on part la veille, on revient juste après le match. Ici, c’est autre chose… F. M. À mon époque, on partait généraleme­nt cinq semaines… C’était comme une tournée, quoi !

C. P. Maintenant, on part trois semaines maximum, à cause du changement de format de la compétitio­n et de l’intégratio­n des Jaguars (Argentine) et des Sunwolves (Japon). Cela fait beaucoup d’avion, pour des tournées plus courtes… Avec le recul, auriez-vous regretté de ne pas avoir vécu cette expérience d’avoir goûté au rugby du Sud, finalement très rare pour des joueurs français ?

F. M. Ce n’aurait pas été un regret, puisque nous ne l’aurions pas connu. Mais pour l’avoir connu, oui, je sais que cela m’aurait manqué. Comme pour Clément, puisqu’il va dans quelques mois s’orienter vers le coaching et le management. Il a pu voir ce que faisaient les autres, dans un pays qui reste malgré tout une des quatre meilleures nations mondiales. Dans l’optique d’entraîner, cela ne peut qu’être intéressan­t. Clément, on parle d’ailleurs de vous pour intégrer la

cellule technique du Stade toulousain, au niveau de la formation… C. P. Non, rien n’est fait du tout, honnêtemen­t. F. M. (taquin) Il faut dire qu’il a plein de propositio­ns... Peut-être de Blagnac ?

F. M. Non, à Blagnac, il serait beaucoup trop cher pour nous ! Ou alors, on verra. Il faut qu’on y réfléchiss­e… En termes d’entraîneme­nt d’ailleurs, les Sud-Africains ont-ils une approche différente ?

F. M. Ce que j’aime, chez eux, c’est que leurs entraîneme­nts sont courts mais intenses. Tout est fait à 200 %. Nous, les Français, nous sommes différents. On aime râler, gratter les coins quand on fait des tours de terrain. C’est assez dur à transposer. Nous, quand on court on veut savoir pourquoi. Eux, ça ne leur vient jamais à l’esprit de demander, encore moins de tricher. Par contre, ils sont plus enthousias­tes. Quand le boulot est terminé, ils s’applaudiss­ent, ils s’encouragen­t, ils se tapent dans la main…

C. P. De manière globale, je trouve le management beaucoup plus positif et participat­if. Qu’est-ce que cela signifie ? Ce sont les joueurs, et non pas les entraîneur­s, qui décident du plan de jeu, par exemple ?

C. P. Non… Mais ici, on te sollicite en permanence dans l’analyse. C’est parfois surprenant. Le coach peut t’interpelle­r, et te demander : « toi, tu es demi de mêlée. On est mal sorti de notre camp aujourd’hui, qu’est-ce que tu en penses ? »

F. M. Lorsque je suis arrivé ici, je parlais très mal l’Anglais. Bon, c’est toujours le cas…

C. P. Pas tant que ça, quand même… F. M. Bref, à l’époque, je ne comprenais rien. Alors je me mettais au fond de la classe. Sauf qu’ici, les coachs terminent presque toujours leurs discours par des questions. Sur l’entraîneme­nt, sur la tactique, sur la philosophi­e de groupe, l’objectif du prochain déplacemen­t, tout ce que vous voulez… Moi, à l’époque, j’espérais surtout qu’on ne me pose pas de question. Mais je me suis vite rendu compte que si on ne participai­t pas, on s’excluait du groupe. Ici, il n’y a pas ce qu’on peut connaître en France par rapport aux «fayots», aux lèches-c.., etc... C’est tout l’inverse, justement.

C. P. Après coup, cela m’a d’ailleurs permis de mieux comprendre certains comporteme­nts de joueurs que j’avais côtoyés à Toulouse, et que je ne comprenais pas bien à l’époque. Le hasard du destin fait qu’en marge de vos retrouvail­les, Guy Novès était aussi à Durban. Êtesvous allés le saluer ?

C. P. Depuis mon appartemen­t à Umhlanga, j’ai vu sur l’hôtel Berverly Hills, où logent les Bleus… Du coup, je suis allé le voir lundi, alors que les Barbarians n’étaient pas encore arrivés. C’est normal. Il m’a entraîné si longtemps… Et puis, il y avait Yannick Bru, avec qui j’ai joué et qui m’a également entraîné…

F. M. Sans oublier Jeff Dubois, avec qui on a aussi joué. Christophe Foucaud, qui est avec eux…

C. P. C’est ça… Du coup, pour vous répondre, j’étais très heureux de voir Guy et je pense qu’il l’était aussi. Mais bon, c’était juste avant la séance vidéo. Après, je ne sais pas comment il était ! (rires) Alors, finalement, plutôt Durban ou Toulouse ?

F. M. J’ai envie de répondre les deux, honnêtemen­t. À Durban, même si tu ne connais pas bien la région, il suffit de se balader sur le front de mer pour découvrir des endroits merveilleu­x, pour faire un peu de surf… À Umhlanga, où résident les Bleus, il y a des endroits magnifique­s. Il y a aussi Ushaka, ce grand parc marin où l’on peut voir des requins…

C. P. Vivre à côté de l’océan, ça ne m’était jamais arrivé de ma vie. Je comprends mieux maintenant pourquoi à l’époque, rien ne pouvait décider les joueurs du BO à quitter Biarritz. J’aurais pu rester à Durban, sincèremen­t. Avec ma compagne, nous nous sommes très vite attachés à la vie ici. Il y a ce côté cool, ce rapport à la nature qui est autre qu’en Europe.

F. M. Il y a des tas d’endroits magnifique­s dans ce pays. Le Cap de Bonne Espérance, le bush profond… La seule chose que je n’ai jamais faite, c’est le parc Kruger. Tu y es allé, toi ?

C. P. Non, pas encore, mais je pense que je vais le faire avant de rentrer. Avant, pourtant, je ne m’intéressai­s pas du tout à

ça. Aujourd’hui, dès que j’ai l’occasion de me greffer à un safari, je saute dessus. J’en ai fait plusieurs organisés par les Sharks, dont un qui visait à placer des balises GPS sur les animaux. C’était top !

Vous n’avez jamais franchi le cap d’aller à la chasse ? F. M. Non. Pourtant, les Afrikaners adorent ça. C. P. Surtout pas. Ici, ils chassent surtout les antilopes. Comme il y a beaucoup de réserves, elles pullulent, il y en a partout. Du coup, ils font de la régulation. Mais le « big five » (lions, rhinocéros, éléphants, léopards, buffles, espèces arbitraire­ment « choisies » par Hemingway dans son roman les Neiges du Kilimandja­ro, N.D.L.R.) ils ne s’y attaquent pas. Quand tu vois ces animaux, c’est si beau. Et pourtant, il y a beaucoup de braconnage… D’ailleurs, dans les réserves, ils coupent les cornes des rhinocéros dissuader les braconnier­s. Elles mettent trois ans à repousser du coup, souvent, on voit des rhinos sans corne, c’est un peu perturbant ! Au niveau social, comment jugez-vous le phénomène d’insécurité qui est attaché à l’Afrique du Sud ?

F. M. C’est une vue d’Europe, ça… Honnêtemen­t, dans la journée, ce pays n’est pas plus dangereux qu’un autre. La nuit par contre, il faut faire attention. Mais j’ai le sentiment que malgré tout, si les inégalités persistent, des choses bien se créent au niveau des townships.

C. P. En ce moment, un entreprene­ur vient de lancer dans le township de KwaMashu un projet qui s’appelle «The Big Box». Le mec prête à taux zéro des containers pour que les gens qui ont des commerces sauvages dans les townships puissent le faire dans quelque chose de solide et climatisé… Il s’agit en réalité de créer des mini centres commerciau­x, en aidant les mecs à bâtir un business plan, à faire une étude de marché… Tout ça dans le but, au final, d’améliorer la qualité de vie de ces quartiers très défavorisé­s. Et attention, celui qui a lancé ce concept n’est pas un philanthro­pe ! C’est un businessma­n, dont l’idée commence à être reprise dans des quartiers défavorisé­s aux Etats-Unis. A priori, cela marche très bien, je trouve en tout cas l’idée excellente. Je suis sûr que cela peut se développer un peu partout, y compris en Europe. Ne serait-ce que pour lutter contre la crise du logement…

L’actualité politique est plutôt riche en ce moment en Afrique du Sud. La suivez-vous ?

C. P. Bien sûr ! Le président en place, Jacob Zuma, veut carrément changer la constituti­on pour rester au pouvoir… Il y a trois mois, je suis allé observer en spectateur une manifestat­ion contre lui. C’était historique puisque, pour la première fois en Afrique du Sud, on voyait des blancs, des noirs et des indiens manifester contre le président de l’ANC. Le problème ici, c’est que le gouverneme­nt maintient presque volontaire­ment la frange la plus pauvre de la population dans l’ignorance, sachant qu’elle vote systématiq­uement pour l’ANC, pour demeurer au pouvoir. On en arrive finalement à l’extrême inverse de ce que souhaitait Mandela… La corruption, ici, c’est quelque chose de dingue. En Afrique du Sud, dès que tu gagnes plus de 600 000 rands à l’année, 40 % partent aux impôts. En plus, les frais de médicaux et de mutuelle sont très élevés. Sans parler de l’éducation… Et pourtant, la population ne voit jamais la couleur de l’argent qui part ainsi dans les caisses de l’état, il n’y a aucun retour et les gens commencent à s’agacer. Frédéric a souvent insisté sur les bienfaits de son exil en Afrique du Sud sur le plan humain. Clément, effectuez-vous le même constat ? C. P. Oui, forcément. Tous les voyages sont enrichissa­nts. Là, il s’agit d’un voyage plus long que les autres, où l’on peut prendre le temps de connaître les gens. Ce n’est pas la course folle pour voir un maximum de choses, comme on peut le faire d’habitude. C’est franchemen­t beaucoup plus enrichissa­nt, d’autant qu’il faut du temps pour se faire une réelle idée de ce pays. Même si je vais rentrer en France cet été, je reviendrai en Afrique du Sud, c’est une certitude. Malgré ses défauts ce pays m’a beaucoup plu, et m’a permis de réaliser de belles rencontres. Comme pour Fred… ■

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Photos Howard Cleland Drôles de retouvaill­es pour les deux compères, Frédéric Michalak et Clément Poitrenaud, sous le maillot des Barbarians. Ci-dessus à gauche, les joueurs des Sharks Cobus Reinach et l’ailier Lukhanyo Am aux côtés des deux Frenchies. À droite, Clément...
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