Midi Olympique

« Qu’on leur foute la paix »

JULIEN BONNAIRE - Ancien 3e ligne du XV de France (75 sélections)

- Propos recueillis par Léo FAURE leo.faure@midi-olympique.fr

Quel intérêt trouvez-vous à ces tournées d’été ?

(il soupire) Pour essayer quelques jeunes, pourquoi pas, à la rigueur. Mais pour ceux qui ont joué toute la saison, c’est compliqué d’y voir de l’intérêt. Les demi-finalistes et finalistes du Top 14, ils arrivent sur place alors qu’ils sont déjà morts. Pour jouer les meilleures nations du monde, chez elles et en pleine bourre, ce n’est franchemen­t pas idéal. Avec l’intensité de ces matchs, il faut être à 100 %. Pourtant, le corps ne demande alors que du repos. Le résultat, on le voit.

Vous est-il déjà arrivé de partir en tournée à reculons ?

Honnêtemen­t, oui, ça m’est arrivé. Les premières fois, vous êtes toujours motivé. Qu’importe le contexte. Vous êtes jeune, vous allez vivre une chouette aventure humaine, découvrir un nouveau pays et un nouveau rugby. Vous allez vous confronter aux meilleurs de la planète. C’est stimulant. Mais avec le temps, cet enthousias­me peut disparaîtr­e. Certaines fois, les premiers jours, c’était dur. Il fallait plus de temps pour lancer l’aventure. Pour ceux qui ont déjà joué 25 ou 30 matchs, que la saison en club vient de se finir, c’est difficile de repartir pour trois testmatchs. Par rapport à ça, ces tournées n’ont pas un grand intérêt.

Entre votre première et votre dernière tournée, le niveau de ces tests a-t-il augmenté ?

C’est surtout physique. On est mieux préparés, certes. Mais tous les joueurs sont plus athlétique­s, plus denses. Tout est plus violent, tout va plus vite. Entre les chocs de mes débuts et ceux du rugby de maintenant, il y a un écart net. Si vous n’êtes pas à 100 %, vous le payez vite et cash. Surtout, vous pouvez vous blesser.

N’êtes-vous donc pas surpris par la tournure des événements, ces deux dernières semaines ?

Quelque part, on pouvait s’y attendre. Bien sûr, aucun ne veut se cacher derrière des excuses mais par expérience, c’est une vérité. Par contre, je différenci­e les deux matchs. Par expérience, le premier test est toujours délicat. Vous venez d’arriver, il faut faire la bascule avec le championna­t… On a bien vu que le niveau n’était pas celui attendu. Ensuite, sur le deuxième test, il y a surtout des erreurs basiques qui auraient pu être facilement évitées. Le score aurait été moins lourd, on en aurait moins parlé. Pour le dernier match, on peut s’attendre à quelque chose de plus abouti. Je l’ai vécu : quand arrive le dernier test, on sait que c’est la fin, qu’on est bientôt chez soi en vacances. Alors, on lâche tout.

Guy Novès a choisi de laisser certains éléments clés au repos, justement pour éviter cette surfatigue…

(il coupe) Mais il a eu raison ! Ces mecs vont pouvoir se régénérer. C’est ce dont ils avaient besoin, certaineme­nt pas d’une tournée en plus ! Il a bien fait de les laisser au repos. Ces mecs seront frais pour la reprise de la saison, ils seront bien dans leur corps et leur potentiel sera décuplé un peu plus tard. J’en suis persuadé.

Fallait-il, alors, prendre encore plus de jeunes ?

On ne peut pas mettre que des jeunes et prendre 70 points ! Il n’y aurait aucun intérêt. Mais c’est bien de trouver un mix entre des anciens qui reviennent de blessure, par exemple, et ces jeunes. Ces gamins vont s’exprimer, ils vont aussi voir ce qu’il leur reste à travailler jusqu’au plus haut niveau. Là, la tournée prend du sens et de l’intérêt.

Le problème, c’est que le résultat en pâtit forcément…

Il faut savoir l’accepter. Bien sûr que tout le monde attend des Bleus qu’ils gagnent. Sinon, c’est parti pour les critiques… En France, vous gagnez deux matchs vous les meilleurs, vous en perdez deux vous êtes catastroph­ique. Je le regrette. Il faut laisser du temps pour se construire. Il faut aussi accepter qu’il y a eu de nombreux changement­s chez les joueurs, depuis le Tournoi. Laissons-les travailler et arrêtons de les descendre. Ça paiera et ce qui se passe en ce moment y participer­a.

Croyez-vous en cette équipe de France ?

Oui, j’y crois. Je trouve qu’il y a un vrai potentiel. Individuel­lement, on n’est pas des pipes ! Il y a de bons jeunes, des cadres qui arrivent à maturité. Tout est là, je ne vois pas un écart si grand avec les autres grandes nations. Cette équipe manque surtout d’un peu de confiance en elle. Mais pour qu’elle vienne, je le répète, il faut qu’on leur foute la paix. Quand ça paiera, alors ils se lâcheront, ils arrêteront d’avoir la peur au ventre. Mais il faut savoir être patient avec eux, leur faire confiance. La vérité sur cette équipe, je pense qu’on la verra la saison prochaine.

 ?? Photo Icon Sport ?? Confiance a été donnée à Brice Dulin pour ce troisième et dernier test sud-africain. Guy Novès et ses joueurs le savent, une victoire tempérerai­t le fatalisme ambiant ; une défaite pèserait lourd dans les esprits jusqu’aux prochains rendez-vous...
Photo Icon Sport Confiance a été donnée à Brice Dulin pour ce troisième et dernier test sud-africain. Guy Novès et ses joueurs le savent, une victoire tempérerai­t le fatalisme ambiant ; une défaite pèserait lourd dans les esprits jusqu’aux prochains rendez-vous...

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