Midi Olympique

LE SURVIVANT

SAMEDI SOIR, PETER O’MAHONY MÈNERA LA PLUS MYTHIQUE DES SÉLECTIONS. L’APOTHÉOSE D’UNE SAISON IRRÉELLE.

- M. D.

Warren Gatland a quitté le Royaume Uni avec un capitaine appelé Sam Warburton. Il débutera le premier test avec un leader nommé Peter O’Mahony. Au moment même où le Supremo des Lions concédait mardi soir qu’un statut de « skipper » ne garantissa­it en rien « une place de titulaire », on comprenait illico que le flanker gallois, falot depuis le début des hostilités, ne démarrerai­t pas le choc de l’Eden Park. Depuis quelques jours, Gatland avait ainsi décidé que Peter O’Mahony, le leader des Munstermen, mènerait la première des trois grandes batailles néo-zélandaise­s. Pourquoi, dites vous ? « En un sens, répond le champion du monde anglais Will Greenwood, O’Mahony ressemble à Martin Johnson. Il a, sur un terrain de rugby, une présence intimidant­e. Si les chevaliers de l’apocalypse déboulaien­t et chargeaien­t, il leur ferait faire demi tour. » Le flanker irlandais est le mâle alpha dont les Lions avaient besoin afin de resserrer leur clan. « Il possède une force de caractère rare, plaide Warren Gatland. D’ailleurs, sa saison en atteste : après avoir traversé des moments particuliè­rement difficiles, Peter a su dompter la fatalité. » Les moments difficiles évoqués par Gatland s’étalent en réalité sur dix-huit mois : le 11 octobre 2015, Peter O’Mahony laissait un genou sur la pelouse de Cardiff, enterrant ce soir-là ses rêves de Coupe du monde ; dans la foulée, il perdait sa place en équipe d’Irlande, Joe Schmidt lui préférant logiquemen­t CJ Stander et Tommy O’Donnell ; un an et cinq jour après s’être lourdement blessé, le capitaine du Munster perdait son coach et mentor Anthony Foley, emporté par une crise cardiaque dans un hôtel des Hauts de Seine…

IL N’A PEUR DE PERSONNE

L’ancien deuxième ligne irlandais Donncha O’Callaghan, issu du même club que Peter O’Mahony (Cork Constituti­on), connaît le capitaine des Lions depuis toujours. Il raconte : « À 10 ans, un feu étrange habitait déjà son regard. On pouvait lire dans ses yeux : « Tu portes mon maillot jusqu’à ce que je sois assez grand pour le faire ». Il avait déjà une personnali­té hors du commun. » Et O’Callaghan de raconter de quelle façon le jeune O’Mahony, alors capitaine des moins de 20 ans irlandais, le remit un jour à sa place : « C’était l’été et nous étions en pleine période préparatio­n physique. Moi, j’avais déjà à mon actif deux tournées des Lions, deux Coupes du monde et deux titres européens. À la fin de l’entraîneme­nt, je sentais que les mecs en avaient encore sous la pédale. J’ai donc demandé aux mômes de l’académie de nous rejoindre pour faire un peu monter l’intensité. Peter a regardé ses coéquipier­s et leur a dit : « Ok. On y va les gars ». Ils l’ont suivi sans broncher et franchemen­t, la séance s’est plutôt bien passée. » À la fin de celle-ci, O’Mahony (19 ans à l’époque) s’approchait du vétéran O’Callaghan pour lui souffler : « Nous avons un programme de préparatio­n physique spécifique et il nous a été demandé de ne pas nous entraîner démesuréme­nt, histoire d’éviter les burn-out. C’est donc la dernière fois que tu me places dans une position inconforta­ble. » À propos de Peter O’Mahony, on garde aussi en mémoire cet après-midi d’octobre 2016. Une semaine après avoir perdu leur coach, les Munstermen recevaient donc les Glasgow Warriors à Thomond Park. Alors que l’arbitre convoquait les deux capitaines pour que ceux-ci calment leurs hommes, Johnny Gray s’écriait : « C’est de leur faute, monsieur l’arbitre ! Nos adversaire­s sont sur le coup d’une grosse émotion ! » À ses mots, Peter O’Mahony poussait violemment l’internatio­nal écossais, lui lançant au passage : « Écoute moi bien : il y a trois jours, je portais le cercueil d’un ami. Alors ne viens pas me dire ce que doivent être mes émotions, aujourd’hui… »

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