Midi Olympique

« On est tous dans le même bateau »

VIRIMI VAKATAWA - Ailier du XV de France POUR LA PREMIÈRE FOIS DEPUIS SES DÉBUTS AVEC LES BLEUS, IL S’EST EXPRIMÉ DEVANT LES MÉDIAS ET A BALAYÉ TOUS LES SUJETS, DE SA SIGNATURE AU RACING 92 À SES DÉBUTS EN FRANCE, EN PASSANT ÉVIDEMMENT PAR LE MATCH À VENI

- Propos recueillis à Durban par Nicolas ZANARDI nicolas.zanardi@midi-olympique.fr

Depuis votre première sélection, vous ne vous étiez jamais exprimé devant la presse. Anxieux, pour cette grande première ?

Ça va… C’est vrai qu’il s’agit de la première fois que je passe devant les journalist­es et que c’est un peu nouveau pour moi, d’autant que je n’aime pas trop parler de moi quel que soit le sujet… En fait, je n’aime pas trop prendre la parole devant les autres, cela reste sur le terrain que je m’exprime le mieux. Mais là, ça va, vous n’êtes pas trop nombreux… (rires)

Après d’excellents débuts en équipe de France, quel regard portezvous sur cette deuxième saison disputée sous contrat fédéral, avec les équipes de France à XV et à 7 ?

J’ai joué le Tournoi des Six Nations blessé au genou… Ce n’était pas terrible. Pendant que les autres s’entraînaie­nt, je passais la plupart de mon temps avec les kinés, je n’ai pas fait beaucoup de séances de rugby et cela s’est peut-être aussi ressenti. Ensuite, j’ai enchaîné avec le 7 au Tournoi de Paris, où nous n’avons pas réalisé le résultat espéré. Je fais un KO, il y a aussi eu cette suspension (cité après le quart de finale contre la Nouvelle-Zélande, il avait écopé d’une sanction de sept matchs de suspension pour coup de poing et contact avec la zone oculaire et été suspendu jusqu’au 22 mai, N.D.L.R.)… Il est clair que cette saison ne correspond pas vraiment à mes attentes.

Vos performanc­es en ont d’ailleurs été relativeme­nt critiquées. Ces remarques vous ont-elles décidé à revenir à un emploi du temps plus classique en réintégran­t un club ? (lire ci-dessous)

Si j’ai été sélectionn­é à l’époque, c’est que le staff avait confiance en moi quel que soit le contexte où j’évoluais. J’ai eu cette opportunit­é de jouer pour l’équipe de France à XV, j’en étais ravi. Chacun peut avoir son point de vue… Les critiques, je n’y prête pas vraiment attention, parce que je ne lis pas beaucoup les journaux. De toute façon, celui qui était le plus déçu de mes performanc­es durant le dernier Tournoi, c’était moi.

Pourquoi avoir privilégié le Racing 92 en vue de votre retour à XV ?

Parce que j’ai été formé là-bas et c’est vrai que c’est un club que je connais mieux que les autres, même si je n’y suis jamais retourné depuis mon départ. Et puis, même si ce n’est honnêtemen­t pas quelque chose qui a pesé dans ma réflexion, c’est bien qu’il y ait pas mal de joueurs néo-zélandais ou fidjiens, avec qui je vais peut-être partager certaines choses concernant l’approche du jeu.

Retrouver un club de Top 14 signifie-t-il pour vous faire une croix sur l’équipe de France à 7, qui plus est une saison de Coupe du monde ?

Qui sait, peut-être que je ferai quand même la prochaine Coupe du monde l’an prochain aux États-Unis (sourire). Il faudra voir ça avec le club… J’aimerais aussi disputer les Jeux Olympiques de Tokyo en 2020., car les derniers demeurent un petit regret (qualifiée pour les quarts à Rio, la France s’était inclinée face au Japon en quarts de finale et n’avait pas pu prétendre à une médaille, N.D.L.R.). C’est une si belle compétitio­n… Mais c’est un peu loin pour y songer.

En revanche, cela sonne le glas de vos participat­ions au circuit mondial… Sans regrets ?

Ça va me manquer un peu, c’est sûr. Le circuit mondial, c’est un environnem­ent particulie­r, la possibilit­é de faire le tour du monde, de visiter beaucoup de pays… Mais j’en ai bien profité ces dernières saisons, et ma volonté est de passer à autre chose dans le rugby à XV.

Le Top 14 est critiqué pour mal préparer les joueurs au niveau internatio­nal, décrit comme trop lent, trop physique, énormément consommate­ur en énergie. Ne craignez-vous pas, au final, que ce retour en club ne vous pénalise pas par rapport à l’équipe de France ?

En fait, depuis que j’ai quitté le Racing 92, je n’ai plus vraiment regardé le Top 14. C’est ce qui se dit, bien sûr. Mais je préfère attendre les trois ou quatre premiers matchs pour me faire une opinion.

Pour parler de vous, on vous sent plus à l’aise que jamais en bleu. On vous a vu à plusieurs reprises ne pas hésiter à interpelle­r vos partenaire­s, comme Gaël Fickou pour un coup mal négocié lors du premier test...

Oui, peut-être… Après, je n’en suis pas encore à parler devant tout le monde ou à faire les discours de motivation (rires). Mais entre trois-quarts, sur des situations de jeu, je n’hésite pas, bien sûr… Surtout que Gaël est un joueur que j’apprécie beaucoup au sein du groupe, qui m’a beaucoup aidé.

Lors de ces deux tests, vous avez initié beaucoup d’occasions, sans parvenir à les conclure. Une frustratio­n ?

Même si je n’ai jamais été obnubilé par ça et que je ne compte pas mes essais, quand tu joues ailier, ton premier job ballon en main, c’est de courir et de marquer. C’est vrai que sur ces derniers matchs, j’ai eu davantage un rôle de passeur que de finisseur... Je suis aussi allé chercher quelques ballons derrière les regroupeme­nts, parce que j’essaie de ne pas trop rester collé à la ligne et me proposer partout. C’est vrai que quelquefoi­s, je devrais patienter un peu plus. Des fois, j’en fais trop et je le sais. C’était notamment le cas lors de mon premier Tournoi des Six Nations. Heureuseme­nt, le staff est là pour me recadrer ! (rires)

Au niveau de la vie de groupe, vous faites chambre commune avec Yacouba Camara, avec qui vous avez notamment regardé la finale du Top 14. Lequel nous a confié que vous lui aviez expliqué le sens de l’agenouille­ment de vos compatriot­es devant le président de la République...

Aux Fidji, c’est une marque de respect. Quand le président ou un chef d’état arrive, on est obligé de s’agenouille­r. On ne dit rien, c’est juste une marque de respect.

Pourtant, la semaine dernière, vous ne vous êtes pas agenouillé devant le premier ministre sud-africain lors de la présentati­on des équipes ? Non, c’est vrai... En fait, je ne savais pas (rires). Contrairem­ent à ce que le public peut imaginer des joueurs d’origine fidjienne, vous parlez un excellent français...

Je suis arrivé en mai 2010, alors que je n’avais que 17 ans. Aujourd’hui, j’en ai 25, et tellement de choses se sont passées… J’ai obtenu le statut de Jiff, et surtout mon passeport français, pour lequel il y a un examen de français. Cette langue, il m’a fallu à peu près deux ans pour l’apprendre. Le plus dur, ça a été de comprendre les discussion­s. Ensuite, c’est venu petit à petit, avec les cours de français…

On imagine qu’à vos débuts, vous avez dû connaître quelques moments de solitude...

Oui (rires) Je me souviens que lors de ma première saison pendant un stage avec les espoirs du Racing à Albi, Patrice Collazo m’avait dit : « Ce soir, avant le dîner, il faut que tu dises tes premiers mots en français devant toute l’équipe. » Je lui avais demandé ce qu’il fallait que je raconte, et lui m’avait répondu « N’importe

quoi, peu importe ». Le soir venu, je suis resté pendant deux minutes devant tout le monde, incapable de dire un mot, avec l’envie de pleurer, de rentrer à la maison… Maintenant, ça va un peu mieux, quand même…

Comprenez-vous désormais toutes les paroles de la Marseillai­se ?

La première fois que je l’ai chantée, c’était pour une finale lors d’un Tournoi de rugby à 7. Il avait fallu que je l’apprenne vite… C’était plutôt de la phonétique ! Depuis, j’ai bien sûr essayé de comprendre les paroles. Je l’ai souvent révisée sur Youtube. À Marcoussis, à une époque, j’y passais toutes mes matinées ! (rires) Depuis, je garde précieusem­ent tous mes maillots et récompense­s que j’ai pu remporter. Et je ramène tout aux Fidji lorsque je rentre au pays, le plus souvent à Noël.

Qu’espérez-vous de ce troisième test face aux Springboks ? Si la série est définitive­ment perdue, le XV de France peut-il sauver l’honneur sur ce dernier match ?

Je fais confiance à cette équipe, le XV de France vaut beaucoup mieux que ses deux derniers résultats. On a ressenti une progressio­n entre les deux tests, c’est à nous de travailler plus encore pour essayer de faire mieux. Les Springboks sont une très bonne équipe et sont clairement montés en régime entre les deux tests. Il défendent très bien mais, en revoyant le match de la semaine dernière, on s’est clairement aperçu qu’il y avait les moyens de faire beaucoup mieux. Il y a des trous partout ! (sic) à nous de les exploiter.

Le premier essai marqué par Scott Spedding sur une combinaiso­n travaillée depuis deux semaines est-il à ce titre porteur d’espoir ?

Ce qui fait surtout plaisir, c’est de voir que lorsque tout le monde fait bien son boulot, devant comme derrière, on n’attaque pas plus mal que les autres. Réussir en match quelque chose que l’on travaille à l’entraîneme­nt, ça fait du bien. Et surtout, ça donne de l’espoir pour le prochain match. Il faudra juste y arriver plus souvent.

On a beaucoup parlé d’honneur, de révolte, d’orgueil ces derniers jours… Une approche passionnée qu’on imagine à l’opposé de votre culture rugbystiqu­e. Y êtes-vous néanmoins sensible ?

Si, bien sûr. Je joue pour l’équipe de France et j’arrive à comprendre la manière qu’ont mes coéquipier­s d’aborder leurs matchs. L’émotion avant le deuxième test était la même pour moi que pour les autres. Ce n’est peut-être pas dans notre culture fidjienne à l’origine mais les discours peuvent arriver à nous motiver, évidemment. En équipe de France, on est tous dans le même bateau !

« Je fais confiance à cette équipe, le XV de France vaut beaucoup mieux que ses deux derniers résultats. » Virimi VAKATAWA Ailier du XV de France

 ?? Photo Icon Sport ?? Virimi Vakatawa croit en un possible sursaut des Bleus dans ce troisième test. Il attend également avec impatience de faire son retour avec le Racing 92 sur les terrains de Top 14.
Photo Icon Sport Virimi Vakatawa croit en un possible sursaut des Bleus dans ce troisième test. Il attend également avec impatience de faire son retour avec le Racing 92 sur les terrains de Top 14.

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