Midi Olympique

Dépassés !

Afrique du Sud - France : 35 - 12

- Par Léo FAURE, envoyé spécial leo.faure@midi-olympique.fr

DÉPASSÉS DANS TOUS LES COMPARTIME­NTS DU JEU, LES BLEUS ONT LAISSÉ UNE PIÈTRE IMPRESSION SUR LE FRONT SUD-AFRICAIN. ANALYSES, COMMENTAIR­ES ET INTERVIEWS.

Quand tout va mal, on trouve des symboles où il en reste. Pour se rassurer, se raccrocher aux branches et se dire que pour les Bleus, puisque c’est d’eux qu’on parle ici, il y aura des jours meilleurs. En symbole, on pourra donc se souvenir de cette tournée comme de celle où Yacouba Camara est redevenu un joueur de rugby au potentiel dépassant nos simples frontières. On se dira que Damian Penaud embarrasse­ra bien Clermont, à l’avenir, autant qu’il arrangera l’équipe de France quand il sera sélectionn­é aux côtés de Wesley Fofana et Rémi Lamerat au centre. Et qu’au milieu de cette faillite en terre sud-africaine, Jefferson Poirot a confirmé ce qu’il avait laissé entrevoir il y a un an : il est non seulement un pilier gauche de stature internatio­nale mais il est aussi, à en juger par la bataille qu’il a livrée jusqu’à la dernière seconde de cette tournée, un de ces « compétiteu­rs » dont tous se réclament, sans toujours y associer le comporteme­nt adéquat. « Pour ces tournées d’été, c’est bien de trouver un mix entre des anciens qui reviennent de blessure, par exemple, et des jeunes. Ces gamins vont s’exprimer, ils vont aussi voir ce qu’il leur reste à travailler jusqu’au plus haut niveau. Là, la tournée prend du sens et de l’intérêt » nous disait Julien Bonnaire vendredi, qui connaît par coeur le rugby français et sa multitude de problèmes. Ils ne sont peut-être que trois. Mais sur leurs jeunes épaules repose donc l’intérêt de cette tournée.

NATION « SYMPATHIQU­E »

C’est peu, évidemment. Et ce ne sont que les rameaux d’une année sainte bien hypothétiq­ue. Question symboles, on en trouve d’ailleurs d’autres moins enthousias­mants pour cette équipe de France. Pour la première fois de la tournée, samedi à Johannesbo­urg, le stade avait fait le plein ou presque. Pas que la France soit soudaineme­nt redevenue une nation sexy, pour laquelle on s’arrache les billets à chaque représenta­tion. Quand le marché noir flambait à Auckland, pour assister au premier choc si alléchant entre les invincible­s All Blacks et les Lions britanniqu­es et irlandais, ce sont encore des places au rabais qu’on pouvait s’adjuger samedi devant l’Ellis Park de « Jo’Burg », où les spéculateu­rs d’infortune tentaient de sauver les meubles.

Au regard des deux matchs et des écarts de vitesse constatés, les Bleus évoluent aujourd’hui deux à trois crans en dessous de ce qui fut proposé à l’Eden Park, sept heures plus tôt. Mais la France, c’est aujourd’hui cette sympathiqu­e nation que les plus grandes qu’elles affrontent pour se redonner confiance. Au trou, ces Boks ? C’était le postulat de départ. Et le public sud-africain lui faisait clairement payer son année 2016, boudant les deux premières rencontres de Pretoria et Durban ou, a minima, se refusant le moindre chant en tribunes. Après deux test-matchs face aux Bleus, l’enthousias­me était relancé en Afrique du Sud. « Ce dont je suis le plus fier, c’est que le souvenir de 2016 est désormais mort et enterré », confirmait d’ailleurs Allister Coetzee, le sélectionn­eur des Boks, à Durban. « L’année dernière à Durban, nous étions conspués par notre public en sortant du terrain (défaite face à la NouvelleZé­lande 57-15, N.D.L.R.). Moins d’un an plus tard, les mêmes supporters nous ont acclamés. Le crédit en revient aux joueurs. » Et un peu aux Français, donc, trop faibles pour rivaliser avec une nation dont les prestation­s retrouvaie­nt finalement le standing de son histoire.

AU BOULOT !

Cette faiblesse, les Bleus l’ont une nouvelle fois concédée à tous les étages, samedi. Trop faibles dans le défi physique, en premier lieu, quand toute la bonne volonté du monde ne suffit pas à combler l’écart de base. L’impression était visuelle, pendant les semaines d’entraîneme­nt. Elle s’est concrétisé­e sur le terrain, où les avants français ont une nouvelle fois étaient mâchés par leurs adversaire­s, samedi. Les Sud-Africains sont des athlètes, capables de répéter des efforts violents sur des séquences de trois minutes. Des rugbymen secs comme l’Atacama, massifs et durs qui, en plus, ont le bon goût de s’appuyer sur ce point fort. En France ? On trouve encore des piliers bedonnants, des champions de l’apéro et des deuxième ligne trop larges pour être sincèremen­t endurants. Des trois-quarts certes doués, mais qui s’en suffisent et s’épargnent des douloureus­es séances de musculatio­n. L’écart, ce n’est pas celui des hommes, quand rien ne dit qu’un Sud-Africain naisse plus

gâté qu’un Français. C’est celui du travail. Et concrèteme­nt, on ne travaille pas assez en France.

Les précédents sélectionn­eurs l’avaient pointé du doigt. Sans s’étendre autant face à la presse, samedi soir, Guy Novès ne disait pas autre chose : « j’espère que les semaines supplément­aires qui arrivent et dont vont bénéficier nos internatio­naux, à compter du 1er juillet, vont servir à ce que chacun récupère physiqueme­nt. Mais aussi qu’ils travaillen­t. »

L’excuse du temps de préparatio­n sera donc atténuée. Pas encore annihilé, si on se souvient que, pendant la semaine dernière, Allister Coetzee regrettait de ne « disposer que de 27 semaines par an pour travailler » avec ses Boks. S’il savait... Mais l’écart se réduira si tant est que les joueurs mettent à profit ces avancées dans leur statut. Reste l’écart technique. A ce titre, les attitudes au contact sont éloquentes. « Si on perd autant de ballons au sol, c’est autant la faute des porteurs que des soutiens. Regardez les porteurs des autres nations comme ils résistent, se débattent pour sortir du plaquage, éloignent le ballon une

fois au sol. » Les Bleus, encore une fois à Johannesbo­urg, sont apparus étonnement tendre une fois dans les griffes des défenseurs adversaire­s. Et ce n’est qu’un exemple quand la qualité des passes, des jeux au pieds et des plaquages souffrirai­ent de la même comparaiso­n.

Sur trop d’aspects, la France est aujourd’hui une nation de deuxième division mondiale. Au moins, très loin du Top 5. Dans langage plus châtié, Guy Novès ne disait pas autre chose : « Le côté positif, c’est qu’on a pu mesurer tout l’écart avec une nation comme l’Afrique du sud, et le travail qu’il faut fournir pour le combler. Mais il faut reconnaîtr­e qu’aujourd’hui, nous sommes battus trois fois, par meilleurs que nous. » L’Afrique du Sud sera lundi cinquième nation mondiale. La France huitième. Légitime. ■

 ??  ??
 ?? Photo Icon Sport ?? Mines de circonstan­ces pour Guilhem Guirado et les Bleus qui s’inclinent dans ce troisième test face à l’Afrique du Sud.
Photo Icon Sport Mines de circonstan­ces pour Guilhem Guirado et les Bleus qui s’inclinent dans ce troisième test face à l’Afrique du Sud.

Newspapers in French

Newspapers from France