Plus qu’une finale !
ISRAEL DAGG DÉCOLLE ET CAPTE LE BALLON DEVANT MAKO VUNIPOLA ET MARO ITOJE. SAMEDI, LES BLACKS, BATTUS LORS DU DEUXIÈME TEST, JOUERONT GROS FACE AUX LIONS...
Warren Gatland tape juste. « Nous avons pincé l’ours. Et l’ours semble aujourd’hui très en colère… » Jusqu’ici relativement ouverts sur le monde, souriants à l’extrême et légitimement convaincus de leur indéniable supériorité, les All Blacks ont, cette semaine, décrété un huis clos quasi total, troqué leur ravissement béat pour un curieux masque de fer, repoussé aux calendes grecques les soirées un tantinet « reloues » de leurs partenaires et, finalement, promis la guerre aux « touristes » britannico-celtes. Avant ce troisième et dernier test, les champions du monde font la gueule et, si rien n’a transparu dans le discours officiel de Steve Hansen, le patron des Tout Noir a très mal vécu la défaite de Wellington. Il nous avait promis une interview dans la matinée de jeudi ? Elle a été annulée. Une journée « off » avait été accordée mercredi aux coéquipiers de Kieran Read ? Elle a été remplacée par une belle et longue journée d’entraînement sous la drache hivernale. Au vrai, Hansen sait qu’il a commis des erreurs samedi soir, au moment où Sonny Bill Williams quittait la pelouse du Westpac Stadium. « Jerome Kaino est sorti beaucoup trop tôt du terrain, écrivait Clive Woodward cette semaine. Ce joueur est la caution agressivité de l’équipe. Il fait peur à ses adversaires et, sans lui, les All Blacks ne sont plus les mêmes ». Au-delà de cette grossière erreur de coaching, le successeur de Graham Henry n’est que bien trop peu habitué à la défaite pour être capable de la digérer en l’espace de seulement quelques jours : « Perdre craint, lâchait-il mardi soir. Perdre craint, et me fout hors de moi. Perdre craint que l’on joue à quatorze, à quinze ou à trente-cinq… » Et pour prendre la pleine mesure de la réaction quelque peu disproportionnée du boss des Tout Noir, il faut se mettre à la place de Steve Hansen : depuis 2011, date à laquelle il a succédé à Graham Henry à la tête de la sélection, les Blacks n’ont été battus que cinq fois en soixante-huit rencontres ! Cet hallucinant ratio de 89,7 % de victoires fait même de « Shag », l’ancien trois-quarts centre de La Rochelle, le coach le plus « successfull » de tous les temps !
En comparaison à la sortie de route du week-end dernier (24-21), la défaite de novembre 2016 face à l’Irlande (40-29 fait donc figure d’épiphénomène aux yeux du sélectionneur néo-zélandais : ce jour-là, à Chicago, ses All Blacks sortaient en effet d’un Four-Nation phénoménal et d’une semaine de folle bringue ; très peu concernés par le match de gala qui faisait alors grimper les « irish » aux rideaux, les Néo-Zélandais avaient aussi disputé ce test sans la deuxième ligne Retallick-Whitelock qui squatte les podiums, depuis cinq ans. Aujourd’hui, le contexte est radicalement différent et, pour détester ouvertement Warren Gatland, Hansen a donc vécu le récent revers comme un échec personnel : franchement, comment trouver le sommeil après avoir été battu par celui que les médias néo-zélandais caricaturaient en clown six jours plus tôt ?
LES LIONS JOUENT AUX TOURISTES !
« Ce match est aussi important qu’une finale de Coupe du monde », résumait pour sa part Jerome Kaino en début de semaine. Et le prix médian des billets, qui atteignait dimanche soir les 380 euros pièce, a plutôt tendance à donner raison au flanker des Blues. Car c’est d’histoire que l’on vous parle, messieurs dames. Après tout, les Lions n’ont pas gagné une série de tests en Nouvelle-Zélande depuis 1971 et la bande à Kieran Read verrait d’un très mauvais oeil de laisser les visiteurs et l’hallucinante vague rouge collant irrémédiablement à leurs basques quitter la belle Aotearoa lestés du prestigieux trophée. Jamie George, le talonneur des Lions, préfère en rire : « Si j’en crois un sondage paru peu avant que l’on débarque ici, 78 % des Néo-Zélandais étaient incapables de citer un seul membre de notre squad. Si l’on remporte la série de tests, je pense qu’ils se souviendront même de nos prénoms… » Pourtant, les coéquipiers du talonneur des Sarries ont-ils suffisamment préparé cette rencontre ? Ont-ils vraiment conscience d’avoir vaincu, dans la capitale néo-zélandaise, une équipe réduite à quatorze après vingt-cinq minutes ? Difficile à dire. Au lendemain du match de Wellington, les Lions ont en effet passé trois jours à Queenstown, dans l’île du Sud, afin de se « vider la tête » et profiter des délices que peut offrir de l’un des plus beaux endroits sur terre. « J’espère qu’ils ont bien profité des paysages, conclut Kaino dans une grimace. Car ce qui les attend à l’Eden Park sera probablement moins sympa… »