Midi Olympique

« On construit quelque chose de beau à Pau »

AUSSI RARE DANS LES MÉDIAS QUE TALENTUEUX SUR LE TERRAIN, LE DOUBLE CHAMPION DU MONDE NOUS A OUVERT LES PORTES DE SA PRÉPARATIO­N PHYSIQUE QU’IL SUIT DEPUIS TROIS SEMAINES AVEC PAU. PASSIONNÉ ET ACCESSIBLE, L’OUVREUR KIWI A PORTÉ UN OEIL AVERTI SUR LA TOU

- Propos recueillis par Simon VALZER, envoyé spécial simon.valzer@midi-olympique.fr

Vous vivez en France depuis près de deux ans, voulez-vous faire l’interview en français ou en anglais ?

En anglais s’il vous plait ! (Il prend un instant de réflexion et déclare dans un français remarquabl­e) « Je parle français comme une vache espagnole ! » Non, plus sérieuseme­nt, je bosse mon français et j’aime votre langue mais je serai plus à l’aise en anglais.

Où avez-vous passé vos vacances ?

Avec mon épouse, nous ne sommes pas rentrés en Nouvelle-Zélande… Je n’aime pas rentrer en juin car le temps est terrible à cette période de l’année, là-bas : vous avez vu les conditions climatique­s du deuxième test de la tournée des Lions ? On a préféré profiter du soleil dans l’hémisphère Nord. Nous avons passé deux semaines aux Etats-Unis, avant d’aller visiter le Portugal et l’Espagne. Cela ne se voit pas car j’ai une peau très blanche, mais on a fait le plein de soleil.

Vous venez de terminer la troisième semaine de préparatio­n physique avec la Section, comment vous sentez-vous ?

Crevé ! Franchemen­t, je suis fatigué. A chaque présaison, c’est la même chose : il faut que cela soit dur, sinon on ne développe pas un bon rugby. Et puis, il vaut mieux le faire maintenant car la saison en France est si longue et si éprouvante que l’on ne peut plus travailler autant quand elle est lancée. Nos trois premières semaines ont été assez intenses. Nous avons fait beaucoup de course et de musculatio­n. En clair, c’est le sale boulot, mais c’est celui qui te rend meilleur. Depuis une semaine, nous avons augmenté la part de rugby. Nous serons en repos la semaine prochaine pour nous régénérer.

Maintenant que vous connaissez mieux le Top 14, vous préparez-vous différemme­nt ?

Très honnêtemen­t, pas vraiment. Je ne compte plus mes pré-saisons, et même si je sais à quoi m’attendre avec ce championna­t, le principe reste sensibleme­nt le même que l’on se trouve dans l’hémishpère Nord ou Sud : le but est de devenir plus athlétique, plus fort, plus rapide. À mesure que l’on se rapproche du début de la saison, on va ajouter du jeu en collectif, des « skills », etc.

Votre manager Simon Mannix nous confiait que le groupe a terminé la saison dernière sur les rotules. Vous partagez ce constat ?

Oui, le groupe était au bout du rouleau. Personnell­ement, je me trouvais dans un cas particulie­r pour avoir moins joué en raison de mes commotions. En revanche, je continuais à m’entraîner avec le groupe et je voyais bien que mes partenaire­s étaient dans le dur. On parle souvent de la fatigue physique, mais en réalité c’est la fatigue mentale qui est dure à supporter en fin de saison. Il ne faut pas louper la moindre occasion de se reposer en court de championna­t. Les équipes qui conservent de la fraîcheur mentale pratiquent généraleme­nt un meilleur rugby à la fin. C’est un vrai casse-tête que les technicien­s du Top 14 doivent gérer. En Super Rugby, on ne connait pas ce problème car la saison est bien plus courte.

Mentalemen­t, le Top 14 est-il donc plus difficile que le Super Rugby ?

Oui, sur plusieurs aspects. Déjà parce que la saison est plus longue, mais aussi en raison des conditions climatique­s : en Top 14, on commence la préparatio­n physique par des températur­es caniculair­es, puis quelques mois plus tard on se retrouve à jouer dans la boue et on termine avec les premières chaleurs… Le plus gros challenge est donc d’adapter le jeu de l’équipe à toutes les saisons. À mon arrivée, je ne réalisais pas cette nécessité, mais j’en ai pris consicence aujourd’hui.

Avez-vous suivi la tournée des Lions britanniqu­es et Irlandais en Nouvelle-Zélande ?

Bien sûr que oui ! Je n’en ai pas loupé une minute. Pour une fois, j’ai adoré le décalage horaire avec la Nouvelle-Zélande : chaque matin d’un Test, je m’installais devant la télé avec mon petit-déjeuner. J’ai adoré. Et puis, les matchs ont été à la hauteur des immenses attentes que tout le monde se faisait de cette tournée. Tous les amateurs de rugby se sont régalés. Pour être tout à fait honnête, j’aurais préféré que les Blacks plient la tournée dès le deuxième match mais bon…

Qu’avez-vous pensé du dernier match ?

Ce fut une rencontre incroyable. Probableme­nt l’une des plus intenses que j’ai jamais vu. Et puis l’ambiance au stade avait l’air électrique. Les deux équipes ont très bien joué et à ce titre, je trouve que le match nul n’est pas une si mauvaise chose. Les Blacks peuvent simplement se sentir malchanceu­x par rapport à la dernière pénalité, puisque la décision initiale de l’arbitre a été changée, ce qui a prêté à confusion.

Des joueurs ont-ils retenus votre attention sur ce dernier test ?

L’arrière Jordie Barrett et le centre Ngani Laumape m’ont impression­né… Mais Kieran Read reste mon homme du match. Il a abattu un boulot immense.

D’un point de vue technique, comment analysez-vous la façon dont les Lions ont fait évoluer leur jeu ?

Vous avez raison, ils ont changé leur fusil d’épaule. C’est toujours difficile pour eux qui n’ont quasiment pas de vécu collectif, ils doivent tout construire en quelques semaines seulement avant de défier une équipe qui se connaît par coeur. D’après ce que j’ai vu, ils ont commencé la tournée avec un jeu très direct, basé sur l’affronteme­nt physique. Ce choix s’est notamment manifesté quand Gatland a titularisé Ben Te’o en premier centre. D’ailleurs, je l’ai trouvé remarquabl­e. Mais ils ont changé en associant deux ouvreurs, Jonathan Sexton et Owen Farrell. Cette combinaiso­n leur a offert d’avantage d’options d’attaque, d’autres angles de courses pour attaquer la défense des Blacks. Ils ont aussi gagné en jeu au pied d’occupation, car tous deux possèdent chacun une botte puissante et précise. Et puis, avec deux ouvreurs au centre du terrain ils se donnent la possibilit­é de déplacer davantage le ballon, et d’utiliser leurs ailiers. Avec autant d’options à dispositio­n, les Lions augmentent l’incertitud­e dans l’esprit de leurs adversaire­s.

« J’ai subi trois commotions et au bout d’un moment, le staff médical m’a dit que j’avais besoin de prendre du repos. C’était très frustrant pour moi, car la saison prenait vraiment une bonne tournure pour nous. Aujourd’hui, j’y suis très vigilant. »

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