Midi Olympique

« Les centres ne font plus de passes »

PASSÉ PAR TOULOUSE, LE STADE FRANÇAIS LE RACING ET OYONNAX, L’ACTUEL ENTRAÎNEUR DU SERVETTE DE GENÈVE ANALYSE LE POSTE ET L’ÉVOLUTION DU RUGBY ACTUEL.

- Propos recueillis par Tom MONACI

Vous avez arrêté votre carrière de joueur en 2016, après 17 années au plus haut niveau. Quel regard portez-vous sur l’évolution du poste de trois-quarts centre ?

D’une façon générale, le rugby évolue négativeme­nt. Il évolue médiatique­ment et ça devient un sport de gladiateur­s. Je suis convaincu que nous allons droit dans le mur en prônant un système basé sur la musculatio­n à 100 %. Aujourd’hui, les joueurs répondent à un employeur qui demande d’être davantage dans une salle de musculatio­n que sur un terrain de rugby et le problème réside aussi ici. Je suis très inquiet de la trajectoir­e que prend ce sport. Pour le poste de trois-quarts centre, c’est la même logique. Nous avons complèteme­nt perdu ce qui nous caractéris­ait, c’est à dire le « french flair », aujourd’hui il ne reste plus que le « french ». Les trois-quarts centre n’ont plus le droit d’écarter le moindre ballon sur leur aile, il faut sans arrêt aller au défi et ce n’est pas la vision que j’ai de ce poste, nous marchons sur la tête.

À votre époque, vous étiez réputé bon attaquant mais passeur et plutôt «joueur». Aujourd’hui, on retrouve moins ce type de profil…

Disons que j’arrêtais les joueurs mais je n’étais pas réputé pour mes plaquages dévastateu­rs et c’est peut-être d’ailleurs ce qui m’a empêché d’aller plus haut. Après, pour moi, le rugby est avant tout un jeu et j’ai grandi avec cet esprit du touché donc cette étiquette de joueur passeur, de joueur d’évitement me plaisait. Mais effectivem­ent, le virage que prend le rugby ne favorise pas vraiment ce profil.

Le poste de trois-quarts centre est particuliè­rement exigeant, où le moindre plaquage manqué peut s’avérer fatal. Quels sont selon-vous, les qualités indispensa­bles pour occuper ce poste ?

La vision du jeu. Le trois-quart centre est le leader de la défense avant tout, mais il doit être aussi un excellent communican­t pour ses ailiers. Lorsqu’on évolue à ce poste il faut impérative­ment savoir jouer sans ballon, pouvoir prendre les portes ouvertes avant de défoncer les portes fermées. C’est un vrai travail d’anticipati­on et de lecture du jeu. C’est donc un poste qui mélange endurance, vitesse, réactivité et agressivit­é. Mais évidemment, l’aspect physique joue son rôle car les plaquages sont très fréquents.

Si vous deviez désigner le meilleur trois-quart centre que vous ayez côtoyé, ce serait qui ?

Yannick Jauzion, indéniable­ment. C’était une référence pour beaucoup de monde d’ailleurs. Il était très dur sur l’homme, très athlétique, très dense et il tombait rarement. Jauzion avait cet avantage physique qui lui permettait de dominer ses adversaire­s et de pouvoir négocier des situations délicates, qu’elles soient offensives ou défensives. Dans un autre registre, j’aimais beaucoup Lee Stensless

(ancien all black qui jouait à Toulouse, N.D.L.R.), qui se déplaçait bien et était typiquemen­t dans un jeu d’évitement. Deux profils très différents mais qui étaient des références à leur poste.

Midi Olympique a réalisé le classement des dix meilleurs trois-quarts centre du championna­t, Rémi Lamerat en première place, qu’en pensez-vous ?

Rémi est un bon joueur, qui a la morphologi­e d’un joueur puissant, qui sait se déplacer mais qui surtout, sait déplacer le ballon. À plusieurs reprises, je l’ai vu tenter des passes difficiles pour faire vivre le ballon et c’est très bien, il faut continuer dans ce sens-là. En plus, Clermont est une équipe qui prône ce jeu de mouvement et je pense qu’il est très bien entouré là-bas. Depuis son arrivée dans l’Auvergne, son jeu a évolué, s’est diversifié et je pense qu’il peut encore progresser. Aussi, il a à ses côtés Damian Penaud, qui est très talentueux et je pense que cette paire de centre peut être une des meilleures en France.

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