Les filles au défi
LE 9 AOÛT, LE XV DE FRANCE FÉMININ DÉBUTERA LA COUPE DU MONDE, FACE AU JAPON. MIDI OLYMPIQUE A RETROUVÉ YANNA RIVOALEN ET SES COÉQUIPIÈRES EN STAGE, À FONT-ROMEU...
Ce n’est pas tout à fait les contrées verdoyantes du Connemara. Encore que les Pyrénées restent un superbe écrin de verdure mais les Féminines du XV de France n’en sont plus très loin. Dans les têtes et les jambes, le compte à rebours a été lancé et le grand départ pour leur rendez-vous irlandais se rapproche à grand pas. Venues poursuivre leur préparation à la Coupe du monde du côté de FontRomeu et de son Centre national d’entraînement en altitude qui fête ses 50 ans, une première alors qu’en 2014 elles s’étaient rendues à Tignes et à Falgos, les Bleues s’offrent depuis dimanche dernier un bol d’air. Un avant-dernier stage, court, sur six jours mais très encadré, quasi millimétré. Une volonté commune de fonctionner ainsi afin de ne pas voir les joueuses s’éparpiller sur un temps trop long.
DE L’ORAGE DANS L’AIR
Au programme, du très sérieux avec deux oppositions flanquées en début de stage et ce vendredi, parsemées entre-temps d’entraînements terrain, de vidéo, de musculation. Mais aussi des activités plus ludiques comme de la lutte lundi, ou encore une sortie aux sources d’eaux chaudes de Llo mardi, à une vingtaine de kilomètres de leur camp de base pyrénéen. Alors qu’Élodie Guiglion, Caroline Thomas et Carla Neisen sont en train d’enchaîner les sprints, en guise de compensation au match de la veille qui s’est déroulée sur la même pelouse, entourée par la piste d’athlétisme où les spécialistes du fond anglais s’en donnent à coeur joie, les entraîneurs veillent au grain. Olivier Lièvremont aux manettes des trois-quarts observe, dissèque, encourage ses protégées avant de glisser un :
« On y est, J-22 avant le Japon. » La veille justement, les corps ont été soumis à rude épreuve avec une opposition grandeur nature dans les conditions d’un véritable match entre les 23 joueuses issues du groupe des 28 appelées et une sélection composée de joueuses de France 7, des moins de 20 ans et du pôle France, calquée sur le modèle de jeu des Nippones, premières adversaires des Bleues. Seule manquait à l’appel Jessy Tremoulière, la capitaine et ailière de Romagnat, jugée finalement trop courte après son opération à une hanche en avril dernier. Une opposition dirigée par un arbitre de Fédérale 1, disputée dans des conditions d’avant-match particulières. Comprendre, un véritable orage de montagne avec en prime de beaux grêlons.
« Nous avons eu droit à un micro-climat irlandais, nous ne nous y attendions pas forcément mais c’est parfait, cela les a mis dans le bain pour août »,
relevait l’entraîneur des avants Samuel Cherouk, un brin malicieux. Une fois cet épisode passé, le XV de France a fait étalage de son savoir-faire et de ce qu’il met en place depuis début juin. Le score anecdotique, de neuf essais à un, avait valeur de test alors que les Bleues ne disputeront pas de matchs amicaux comme en 2014 où elles l’avaient emporté face à l’Espagne (337) et l’Afrique du Sud (46-8).
Samuel Cherouk a lui trouvé
« une opposition intéressante sur les attitudes, l’état d’esprit et l’intensité engagée. Notre but avec un match un jour seulement après notre arrivée était de les piquer, de retrouver du rythme avec peu de franchissements. L’intérêt c’est de les mettre dans le rouge longtemps, de les exacerber ».
« L’intérêt c’est de les mettre dans le rouge longtemps, de les exacerber. » Samuel CHEROUK Entraîneur des avants de l’équipe France
Et cela n’a pas loupé. Malgré un échauffement où l’altitude (1 850 mètres) leur a coupé dans un premier temps les pattes et le souffle, les coéqupières de Gaëlle Mignot ne montraient aucun signe de lassitude mardi en dépit des contusions habituelles, et des muscles endoloris relatifs à un match de rugby. Avec un temps de jeu effectif dépassant les standards internationaux comme l’ont montré les données récoltées sur les GPS de chaque joueuse, les objectifs ont été pour le moins respectés. Même si tout ne fut pas parfait et que les « filles ont eu certaines difficultés à faire les choses simples très bien », confiait Samuel Cherouk avant de poursuivre : « Elles ont mis du caractère, maintenant ce vendredi il faudra être plus tueuses. »
BOULOT, VIDÉO, DODO
La vidéo sur laquelle travaillent les deux entraîneurs une partie de l’après-midi pendant que les filles profitent de leur sortie à Llo rappelle le sens du détail. De la centaine d’actions vues et découpées, seulement neuf images seront visionnées et montrées aux joueuses en fin de journée. Ces dernières ont auparavant vu chacune de leurs côtés les détails à régler avant une sieste salvatrice. Une tâche qui doit permettre au staff de travailler sur les causes des quelques défaillances pointées du doigt. Pour Samuel Cherouk, avec le format de la compétition en Irlande et un match tous les quatre jours, « l’objectif sera d’évacuer la rencontre un jour après et de basculer sur la suite. » Et l’entraîneur des Espoirs de l’ASM Clermont-Auvergne sait qu’il peut compter sur un groupe très mature, densifié par l’apport de joueuses du 7 (Corson, Mayans, Amédée, Ladagnous, Izar, Pelle, Guiglion, Neisen). Une nouveauté pour cette Coupe du monde qui devrait se disputer sur un rythme très élevé, comme le signale Cherouk : « La vitesse et l’intensité seront la clé. L’équipe qui arrivera au bout sera celle qui aura envoyé le plus de jeu. »
Un discours qui va dans le sens de celui des deux préparateurs physiques Romain Huet et Anthony Couderc.
« Quoiqu’il arrive il y aura un bénéfice. L’objectif de ce stage n’est pas de venir chercher de l’oxygène, nous ne restons pas assez longtemps pour cela. Mais cela nous permet de sortir du cadre du CNR de Marcoussis. Nous avions testé la moyenne montagne à Bugeat, là à Font-Romeu, nous travaillons sur tout ce qui est aérobie et énergétique avec un ballon de rugby. Le tout dans un environnement idéal »,
soulignent de concert les deux « prépas ». La troisième ligne Safi N’Diaye, l’une des cadres du groupe se prépare à sa deuxième Coupe du monde et livre son ressenti sur les derniers réglages :
« Le cadre est top malgré le gros orage de lundi avant le match. Nous sommes dans de bonnes installations, il y a tout ce qu’il faut. Nous sommes dans le détail dans l’optique du premier match face au Japon que nous allons affronter pour la première fois et dont nous ne connaissons pas grand-chose. On touche du doigt ce que l’on veut. »
« LE GOÛT DU TRAVAIL BIEN FAIT »
La brise fraîche des levers et couchers de soleil, et les quelques nuages capricieux de la montagne n’enlèvent en tout cas en rien le sourire aux joueuses du groupe France. Ces dernières ont envoyé mardi juste avant la pause repas un message vidéo à leurs homologues féminines du ballon rond engagées dans l’Euro. Tout le monde fait table commune, alors que Lilloises et Montpelliéraines se chambrent sur la dernière finale du Top 8. L’intendant Henri Estirac, en place depuis 2006 et observateur privilégié de l’évolution du rugby féminin, n’en loupe pas une miette. Une bonne humeur qu’a saisie Annick Hayraud revenue aux affaires en début d’année, en même temps qu’un nouveau staff était mis en place. La manager de l’équipe de France se félicite de l’état d’esprit et de la forme qui règne dans le groupe :
« Il y a de la fraîcheur physique. Ce sont des filles très professionnelles avec le goût du travail bien fait. Elles sont désormais totalement imprégnées de notre projet de jeu qui s’articule autour de l’adage plus simple, plus vite, plus fort. L’idée c’est d’être menaçante de partout. » Une menace qui ne viendrait pas seulement du ciel.
« Notre projet de jeu repose sur trois idées : faire simple, aller plus vite, et plus fort. L’idée, c’est d’être menaçante de partout. » Annick HAYRAUD
Manager de l’équipe de France